L'universitaire Thijs Bouwknegt revient sur le procès devant la CPI de Laurent Gbagbo, ancien président ivoirien. Une humiliation pour la Cour selon lui.
Le 24 novembre 2011, à Paris, le président Ouattara et le procureur Moreno Ocampo orchestrent le transfert rapide de Gbagbo à La Haye, sur la base d'un acte d'accusation scellé, comme l'a révélé un consortium de journaux en 2017. Les enquêtes devront suivre. Mais pour une affaire de niveau présidentiel, l'enquête s'avère marginale. En février 2012, le Bureau du procureur ne compte que huit enquêteurs sur le terrain. En collaboration avec les principaux groupes de défense des droits humains en Côte d'Ivoire, ils récoltent les témoignages de témoins, en se concentrant sur la préparation de l'audience de confirmation des charges.
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Fatou Bensouda veut « envoyer un message fort à ceux qui ont l'intention de tenter d'accéder au pouvoir, ou de s'y maintenir par la force et la brutalité, pour leur dire qu'ils seront désormais responsables de leurs actes ». Comme au Kenya, le Bureau du procureur ne cherche à s'attaquer qu'à la violence politique du moment, dans le chaos et la confusion qui ont suivi des élections contestées. Et en effet, à première vue, les accusations portées contre Gbagbo semblent nettes : quatre attaques violentes contre des civils non armés à Abidjan. Cela aurait pu fonctionner si la théorie sous-jacente n'avait pas été ce récit manichéen de l'Accusation sur la présidence de Gbagbo pendant une décennie et sa détermination quasi despotique à s'accrocher au pouvoir par des moyens criminels.
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En réalité, la théorie de l'Accusation repose sur une compréhension si simpliste de l'histoire politique de la Côte d'Ivoire qu'elle était vouée à l'échec. Aucun juge raisonnable, ou étudiant en première année d'histoire, ne peut se convaincre que Gbagbo, son épouse Simone et son protégé Blé Goudé avaient élaboré un plan criminel en 2000 pour « se maintenir au pouvoir par tous les moyens », et mettre en œuvre ensuite « une politique étatique ou organisationnelle visant à une attaque généralisée et systématique contre les partisans des Ouattara » en 2010.
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Au cours du procès, les juges indiquent déjà qu'ils trouvent invraisemblable le récit de l'Accusation, qui se trouve largement hors du champ des accusations. Le Bureau du procureur présente 2 679 documents, dont les registres du palais présidentiel, les dossiers de police, les rapports de l'ONU, les rapports médicaux et le journal de bord de Simone Gbagbo. Aucun de ces documents ne contient un seul élément de crimes contre l'humanité dans le style nazi, sans parler d'ordres présidentiels pour la commission de tels actes. En l'absence de piste matérielle, le Bureau du procureur a recours à des rapports sur les droits de l'homme, un documentaire, des coupures de presse et des témoignages.
Quant à Laurent « Koudou » Gbagbo, s'il doit attendre la procédure d'appel, il fait désormais partie de ce groupe illustre de personnages puissants qui ont contribué à l'humiliation infructueuse de ses accusateurs à la CPI.
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