Guerre Poutine-Ukraine : « Le brave et les méchants » (Venance Konan)

Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin
Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin © Crédit photo DR

« Le brave et les méchants », Venance Konan décrypte ici la guerre entre la Russie de Poutine et l’Ukraine soutenue par les États-Unis, la France…

Il y a sur cette terre les pays que l’on appelle les superpuissances. Il y en a trois : les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Selon les critères que l’on choisit pour les classer, l’un ou l’autre peut arriver en tête. Ces trois pays-là ont des armes avec lesquels on ne peut pas jouer, comme on dit chez nous. Il s’agit essentiellement d’armes nucléaires d’une puissance que d’ici, l’on a beaucoup de mal à s’imaginer. Chacun de ces pays peut détruire la terre entière avec ses armes en appuyant simplement sur un bouton.

En dessous d’eux, il y a les moyennes puissances qui ont aussi des armes nucléaires, des porte-avions, des sous-marins, qui fabriquent eux-mêmes leurs avions de combat, bref, qui sont des pays avec lesquels il ne faut pas jouer non plus. Ce sont la France et la Grande-Bretagne. En dessous d’eux, il y a les petites puissances. Ce sont des pays qui ont aussi des armes nucléaires, mais pas autant que les moyennes puissances, cependant, il ne faut pas jouer avec eux non plus.

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Il s’agit de pays tels que l’Inde, le Pakistan, Israël, la Corée du nord. En dessous d’eux, il y a les spectateurs parfois actifs, et ce sont les autres pays européens, le Canada, le Japon, la Suisse, la Corée du sud, des pays qui sont dans le club des pays riches, sont de grandes puissances économiques, comptent dans les affaires du monde, mais qui ne sont pas des puissances militaires. Et puis il y a les vrais pays émergents que sont le Brésil, l’Afrique du sud, la Turquie, les dragons d’Asie du sud-est. Enfin, il y a les autres, ceux qui sont derrière le mur, arrêtés sur des caisses pour essayer de voir de l’autre côté. C’est nous.

Depuis quelque temps, on nous a offert un écran géant qui s’appelle internet qui nous permet de suivre en direct tout ce qui se passe de l’autre côté. De temps à autre, beaucoup plus souvent ces derniers temps, nous sautons la clôture pour être de l’autre côté aussi. Ceux d’entre nous qui se font attraper sont ramenés sans ménagement du côté du mur qui nous est réservé pour continuer de suivre ce qui se passe dans le reste du monde sur l’écran géant qu’on nous a offert.

Et nous, de notre côté du mur, nous suivons ce qui se passe de l’autre côté, nous le commentons, nous le vivons, nous avons nos héros, nos anti-héros, ceux que nous admirons, ceux que nous détestons. Nous passons des heures à commenter ce qui se passe de l’autre côté dès que quelque chose d’important s’y déroule. Rien de ce qui se passe de notre côté ne nous intéresse. Qui s’est intéressé à la guerre qui déchire en ce moment l’Ethiopie, à ce qui se passe dans l’est de la République Démocratique du Congo ? Par contre, c’est chaud sur les réseaux sociaux en ce moment.

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Des groupes se sont constitués pour organiser des débats sur ce qui se passe en ce moment de l’autre côté du mur. Nous donnons notre avis que personne ne nous demande et qu’évidemment personne n’écoute. Nous vivons par procuration. C’était comme ça lorsqu’enfants, nous allions au cinéma pour regarder les western-spaghetti. Il y avait toujours le brave et le chef bandit. Nous nous identifiions si fortement à nos héros que nous étions affectés par ce qui leur arrivait. Même lorsque nous revoyions le même film pour la dixième fois.

Nous assistons en ce moment à quelque chose qui ressemble à du cinéma, mais qui n’est pas du cinéma. Il y a un brave ou un chef bandit, c’est à chacun de lui assigner le rôle qu’il veut, qui a débarqué quelque part et tire sur tout ce qui bouge. Ils sont nombreux, les Africains qui l’admirent, depuis qu’il marche sur les platebandes de la France en Centrafrique et au Mali. Peu leur importe qu’il soit en train d’envahir et de détruire un pays qui ne lui a strictement rien fait. Peu leur importe que des milliers d’étudiants africains ayant bénéficié de bourses ukrainiennes étudient et vivent dans ce pays.

Ils l’admirent parce que son action signe pour eux la défaite de l’Occident, représenté par la France tant détestée. Ils rêvent même de le voir poursuivre l’aventure jusqu’à Paris pour mettre une bonne raclée à cet arrogant de Macron. Sur la toile il y a les pro et anti Poutine. Et même dans certains quartiers, il y a de vraies bagarres entre ces deux groupes. L’impuissant vit et jouit toujours par procuration.

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Ce qui se passe en Europe à cette heure-ci nous dépasse de très loin. Mais par contre nous devrions être prêts à en assumer les effets collatéraux. Si les prix du pétrole et du blé venaient à grimper en flèche, les conséquences ne seront pas les mêmes selon que l’on vit à Paris, Amsterdam ou à Abobo-Avocatier. Et si l’engrenage que personne ne souhaite se produisait quand même, si la guerre se généralisait, s’il fallait se servir de nous d’une façon ou d’une autre pour la faire comme lors des précédentes guerres mondiales, le brave ou le chef bandit le ferait sans état d’âme, et sans demander notre avis.

Venance Konan

Written by YECLO.com

Image du film camerounais "Aline"

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