Cacao ivoirien : d’Houphouët à Ouattara, quand chaque président reçoit son lot de tribulations

Chaque président de la République de Côte d'Ivoire a eu son lot de tribulations relativement au cacao ivoirien. Une analyse de Nazaire Kadia.

Le cacao, c'est un truisme de le dire, est l'un des principaux produits d'exportation et l'une des principales sources de revenus de la Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire en est le premier pays producteur et le premier pays exportateur.
Chaque président de la République a eu son lot de tribulations relativement au cacao, cette matière première si importante qui occupe une bonne frange de la population active.

On se rappelle que dans les années 80, le président Houphouët-Boigny, pour faire face à ceux qu'il appelait les « spéculateurs véreux », qui du fait de leurs spéculations avaient provoqué une détérioration des termes de l'échange, au point où le prix d'achat du cacao était à son plus bas niveau au plan mondial, avait décidé de stocker la production ivoirienne, d'arrêter l'exportation, à l'effet d'influer sur le cours de cette matière première et que celui-ci puisse aller à la hausse.

Malheureusement, les spéculateurs avaient eux aussi des stocks importants qu'ils ont mis sur le marché, au point de neutraliser la lutte d'Houphouët-Boigny qui se termina par un échec.

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Au mois de février dernier, dans une interview accordée à France24 et à RFI, le chef de l'État, M. est sorti de ses gonds, pour s'insurger contre la perspective d'une loi européenne qui bloquerait l'accès du cacao ivoirien au marché européen, du fait de la déforestation que provoque la culture de cette matière première. Si dans les deux cas précités, la tribulation vient du marché mondial ou viendra de partenaires extérieurs, force est de constater que pour le troisième cas, l'origine est d'ordre interne.
En effet, lorsque le président Gbagbo a accédé au pouvoir en 2000, il fut l'objet d'attaques tous azimuts. Si certains ont utilisé les armes, d'autres se sont offert des moyens perfides et cyniques de déconstruction de l'image du président nouvellement élu et partant de son pays, où la mauvaise foi le disputait à la malhonnêteté.

Il fut accusé de tous les péchés d'Israël et présenté comme un dictateur sanguinaire, éliminant ses adversaires politiques au travers d'un prétendu escadron de la mort. Comme si cela ne suffisait pas, il fallait étrangler le pays à travers un assèchement de ses revenus en s'attaquant à l'un de ses produits d'exportation, le cacao dont il est le premier producteur.

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Ainsi, Mme , présidente de l'ONG Children of Africa, a pris son bâton de pèlerin, se rendit aux USA pour convaincre sénateurs, chocolatiers et hommes politiques américains, de sanctionner la Côte d'Ivoire au motif que le chocolat qu'ils consomment, est le fruit de la sueur d'enfants utilisés comme esclaves dans les plantations. Une situation entretenue par le président Gbagbo et son gouvernement. Les planteurs ivoiriens préféraient exploiter leurs enfants dans les plantations de cacao, plutôt que de les envoyer construire leur avenir à l'école !

L'objectif de ce lobbying était d'arriver à mettre à mal le gouvernement du président Gbagbo et aboutir à une révolte des populations pour chasser ce dernier. Nombreux étions-nous à avoir été ulcérés par cette démarche, et par cette affirmation. Comment la recherche du pouvoir peut-elle conduire à autant de cynisme ? Nous qui avions grandi au village, couru sous les cacaoyers avant de venir en ville pour les études secondaires, avions eu mal. Aucun enfant de planteurs n'est astreint à des travaux pénibles. Accompagner les parents au champ était dans l'ordre de ce qu'on appellerait un apprentissage. Affirmer le contraire est une insulte à l'intelligence des planteurs ivoiriens.

Mais des années après le départ du président Gbagbo du pouvoir, voilà que les Américains remettent le couvert. Certes, Ivanka Trump, la fille et conseillère de l'ex-président américain avait été reçue en grande pompe chez nous, avait visité une plantation de cacao, et on avait espéré qu'elle saurait convaincre ses concitoyens que sous la gouvernance de la case ronde, la situation des enfants-esclaves avait changé. Mais peine perdue. Comme un éléphant, les Américains ont de la mémoire.

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Alors la présidente de l'ONG Children of Africa, Mme Dominique Ouattara, qui croyait faire du mal au régime précédent en distillant des contrevérités sur le travail des enfants dans les plantations de cacao, avait repris son bâton de pèlerin pour aller soutenir le contraire de ce qu'elle affirmait mordicus des années plus tôt. On est de ce fait ahuri lorsqu'elle affirme ceci : « … 85% des enfants impliqués dans la culture du cacao vont à l'école, vivent avec leurs parents et vont occasionnellement au champ… ».

Quelle évolution ! Quel succès dans la sensibilisation des parents ivoiriens pour un tel changement de mentalité et de comportement en si peu de temps !

Les universités ivoiriennes gagneraient à s'approprier les méthodes utilisées par Children of Africa pour aboutir à un tel résultat et les enseigner à nos étudiants.

Mais les Américains sont connus pour être pragmatiques et ont émis le souhait de se faire eux-mêmes une idée de la situation réelle en dépit du plaidoyer de l'ONG.

Il est juste de retenir que la boulimie du pouvoir a conduit à poser des actes insensés dont on a aujourd'hui le juste retour. La sagesse africaine nous apprend que : « quand on crache en l'air, on doit s'attendre à recevoir des gouttelettes sur le nez ». Et le thème de l'année pastorale passée du diocèse d'Abidjan, est venu à propos pour nous enseigner : « Pour vivre en communion, faites aux autres ce que vous voulez qu'ils fassent pour vous », en d'autres termes, il ne faudrait pas faire à autrui ce que tu n'aimerais pas qu'on te fît !

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En tout état de cause, la Côte d'Ivoire ne pourra s'affranchir du chantage lié au cacao, que si elle décide par une politique volontariste, de transformer tout ou une bonne partie de sa production en produit fini ou semi-fini. Tirons-en des leçons pour demain. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours et l'ivraie sera séparée du vrai.

Written by Nazaire Kadi

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