Hormis Soro, le pouvoir RHDP ne souhaite pas voir d'autres candidats comme Gbgabo prendre part à la présidentielle ivoirienne 2020.
Le mythe de Sisyphe est relatif à l'expression philosophique d'un perpétuel recommencement. Appliqué à la Côte d'Ivoire, il renvoie aux différentes pratiques qui, d'un régime à un autre, ont été mises en œuvre par des tenants du pouvoir pour s'offrir des victoires sans coup férir. L'une de ces pratiques concerne l'exclusion du jeu électoral des candidats jugés dangereux. Et, chaque régime y va de sa stratégie avec des habillages juridiques et éthiques. Hormis Soro Guillaume, le pouvoir ne souhaite pas voir d'autres candidats de grand poids prendre part à la compétition électorale pour la présidentielle. Même s'il ne le dit pas ouvertement, il manœuvre pour que cela soit ainsi et c'est de l'observation de ces manœuvres que découle ce qui suit.
Quand, en 2011, le RDR changeait le découpage électoral pour s'offrir une avance considérable lors des élections locales, l'opposition n'avait pas pris la mesure de cette pratique aux multiples facettes. Le RDR devenu RHDP aime les choses sur mesure pour s'offrir une avance confortable et avec un habillage démocratique. C'est une pratique à laquelle il ne déroge jamais et pour aucune raison comme l'achat de conscience était une pratique courante avant l'année 2000.
Le retour de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé en Côte d'Ivoire est dangereux pour le RHDP : ce retour ne doit pas être rendu possible ; bien que, dans le cas du premier cité, la demande ait été formulée par la CPI, on traînera les pieds pour y répondre s'il n'y a pas une pression diplomatique pour les y contraindre. L'enjeu est d'empêcher que ces deux personnalités qui restent encore très populaires participent à la campagne électorale ou que leur présence sur le sol ivoirien ne vienne contrarier le projet de conservation du pouvoir savamment goupillé : leur aura pourrait déteindre sur le vote.
La désignation d'Henri Konan Bédié comme candidat du PDCI est aussi plus qu'un danger pour le RHDP. La campagne médiatique autour de son âge avancé est l'expression d'une terreur sourde qui fait frémir le RHDP. La sérénité n'est pas de mise en son sein malgré les apparences du « tout est bouclé, géré, calé » que ses leaders ont répété en chœur pour intimider les autres. Il faudra certainement l'éliminer lui aussi avant la présidentielle pour espérer avoir en face un candidat PDCI de faible envergure qui pourra être battu facilement à défaut de l'avoir vidé de ses cadres. Tels sont les projets que cache le jeu politique du RHDP.
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Il revient à l'opposition, dans ses réflexions prospectives, d'intégrer ces données et de se préparer à y apporter des réponses adéquates pour ne pas se laisser surprendre. Pour le RHDP, la conservation du pouvoir est une question de survie. Le RDR sera, pour sûr, réduit à l'état de reliques si le RHDP venait à perdre le pouvoir : les conflits de leadership ne sont retardés que par la présence du bouchon Ouattara.
Quand il ne sera plus là, tout débordera. Il faut donc, dans le calcul d'Alassane Ouattara, qu'Amadou Gon Coulibaly soit là pour, auréolé du titre de président de la République, tenir tout le monde en laisse. Un animal qui se sent en danger est plus redoutable que n'importe quel autre et l'opposition a tort de sous-estimer le potentiel de nuisance du RHDP qui fera tout pour conserver le pouvoir. Entre autres raisons, la peur de l'effet boumerang de sa politique de harcèlement est une de ses motivations.