L'article de Ferro Bally, publié le 11 décembre 2023, analyse la situation politique en Côte d'Ivoire, avec un focus sur le RHDP, le parti au pouvoir après la sortie de Tidjane Thiam.
Le RDR est sur le pied de guerre. La locomotive du parti unifié RHDP s'est remise en ordre de bataille pour essayer de barricader le nord du pays.
Et comme on ne change ni une équipe ni une stratégie qui gagne, le RDR repart à la charge. Sur le modèle de la ligne Maginot (du nom du ministre français de la Défense André Maginot), le parti se positonne sur sa ligne de défense ADO.
En effet, avant la seconde guerre mondiale et prenant très au sérieux les bruits de bottes en Allemagne, qui s'est réarmée, la France a édifié une ligne de fortification le long de la frontière avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, le Luxembourg et l'Italie, pour se protéger. Mais cette ligne, réputée infranchissable, n'a pas empêché la défaite française.
De son côté, la ligne de défense ADO subit les coups de boutoir. Elle commence à montrer sa vulnérabilité dans le verrouillage d'une zone présentée jusqu'alors comme imprenable: le nord du pays.
Il est vrai que les principaux partis (PDCI-RDA, FPI et PPA-CI) n'ont plus droit de cité dans la partie septentrionale du pays, chasse gardée du RDR, mais les nombreuses candidatures indépendantes y font une percée. Elles n'ont cure des menaces du pouvoir. Ces candidats sans étiquette se sont présentés et ont battu les représentants d'Alassane Ouattara aux dernières élections municipales.
Cerise sur le gâteau, le parti présidentiel a reçu une belle gifle dans le Tchologo. Ouattara Kawéli, qui revendique son allégeance à Soro Kigbafori Guillaume, a battu à l'aller (2 septembre 2023) et au retour (partielles du 2 décembre), le porte-étendard du parti au pouvoir aux municipales à Ferkessédougou (chef-lieu de région). Ce maire sortant a rempilé dans une région où le frère cadet du chef de l'État, Ouattara Tiéné Birahima, ministre d'État, ministre de la Défense, est président du conseil régional.
L'ancien Premier ministre, condamné à la perpétuité et contraint à l'exil, est donc le feu qui couve sous la cendre. Malgré tout ce qui a été entrepris pour le réduire à néant, les résultats sont mitigés. Des individus se réclament encore de lui, au moment où il voyage entre les pays voisins de la Côte d'Ivoire.
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Et comme si cela ne suffisait pas, un autre danger montre son nez comme le monstre de Loch Ness: Tidjane Thiam. Le prochain président du PDCI-RDA a tiré une première salve en direction de Ouattara. Il a marqué nettement la différence entre le pragmatique et concret ingénieur qu'il est et l'économiste Ouattara, qui fait des promesses, qu'il ne réalise pas ou que l'on ne voit.
Mais, s'il inquiète surtout, c'est parce qu'il va faire mentir toutes les campagnes de presse, hier menées pour faire vomir les présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, tous deux renversés, respectivement en 1999 et 2011, car dépeints comme des ennemis des musulmans et des porteurs de boubous.
Alassane Ouattara, dans sa rhétorique victimaire, n'a-t-il pas allégué, en 1999, qu'on « m'empêche d'être candidat parce que je suis musulman et ressortissant du nord » pour aimanter tous les soutiens occidentaux et blacklister la Côte d'Ivoire!?
Or, Tidjane Thiam est non seulement musulman et porteur de boubous, mais ne milite pas au RDR. De plus, il se prépare pour briguer la magistrature suprême contre Ouattara. Les tireurs d'élite ont donc sorti l'artillerie lourde, pour se mettre, en rangs serrés, à tirer à boulets rouges, sacrifiant au spectre du tribalisme et de l'islam. Le vent de panique, qui souffle, pourrait ressembler au tourbillon.
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Ainsi, si Touré Mamadou, porte-parole adjoint du gouvernement, soutient que Tidjane Thiam doit une fière chandelle au RDR, qui a vaincu l'ivoirité, Cissé Ibrahim dit Bacongo, secrétaire exécutif du RHDP, soutient le contraire: « L'ivoirité n'est pas morte. » C'est à hue et dia sur ce thème, qui a toujours représenté le fonds de commerce politique d'ADO et de ses partisans.
F. M. Bally
