« Pour l’Europe, l’Afrique n’est pas une alliée mais un instrument dont elle compte se servir » – (Jean-Claude Djereke)

« L'Europe veut continuer à se servir de l'Afrique », une analyse de Jean-Claude Djereke sur les relations entre Européens et Africains.

S'adressant aux ambassadeurs français, le 27 août 2019, estimait que les Européens ne devraient pas “seulement s'adapter au changement mais tenter de rebâtir un ordre mondial nouveau, ordre dans lequel l'Europe doit s'affirmer davantage si elle ne veut pas tout simplement disparaître”.

L'expression « s'affirmer davantage » me gêne. Pourquoi ? Parce qu'un regard sur les siècles passés nous permet de voir que l'Europe s'est trop souvent affirmée contre et au détriment des autres peuples, c'est-à-dire en les massacrant, en pillant leurs richesses, en saccageant leurs cultures, en faisant d'eux des esclaves, en envahissant et en occupant leurs terres (lire, entre autres, Aimé Césaire, ‘Discours sur le colonialisme', Paris, Présence Africaine, 1955 et Frantz Fanon, ‘Les Damnés de la Terre', Paris, François Maspero, 1961).

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Pour certains, cette façon de se comporter résulterait de la volonté de puissance qui, chez Nietzsche, ne signifie pas envie de dominer autrui mais surpassement de soi-même. Pour le philosophe allemand, en effet, en chacun de nous, sommeillent des passions heureuses et des démons et “le Surhomme” est précisément l'homme qui ne se laisse pas submerger par ses démons mais se contrôle afin de devenir la meilleure version de lui-même (cf. ‘Ainsi parlait Zarathoustra').

Affirmer que les Occidentaux se sont toujours employés, non pas à dominer les démons qui les habitent, mais à dominer, à contrôler et à soumettre ceux qui sont différents d'eux, ce n'est point porter un jugement de valeur mais faire un simple constat. Si les relations entre la France et ses ex-colonies sont devenues on ne peut plus exécrables, c'est en grande partie à cause de la volonté des Gaulois d'exercer leur puissance sur les Africains. C'est la première remarque que je tenais à faire.

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Secundo, Macron estime que “Paris peut et doit aussi jouer le rôle de puissance d'équilibre, nous devons en quelque sorte avoir la liberté de jeu, la mobilité, la souplesse. Nous avons des alliés dans chaque région du monde mais nous ne sommes pas une puissance qui considère que les ennemis de nos amis sont forcément les nôtres, ou qu'on s'interdit de leur parler”. Ce non-alignement de la France sur la position des États-Unis, on ne l'a pas vu quand la Russie a envahi l'Ukraine. Hormis des souverainistes comme Mélenchon, Dupont-Aignan, Marine Le Pen, Zemmour et Asselineau qui souhaitent que leur pays sorte de l'Otan, les dirigeants français ont rarement démontré qu'ils pouvaient faire autre chose que suivre bêtement les présidents américains, même quand ceux-ci prenaient des décisions contraires aux intérêts économiques de la France.

Tertio, Macron présente l'Afrique comme une “indispensable alliée” de la France mais peut-on le croire quand on pense à la manière dont le continent noir a été traité par son pays depuis le temps de la colonisation ? Celui dont on achète les matières premières à vil prix, celui qu'on empêche de s'industrialiser, celui dans les affaires internes de qui on s'ingère à tout moment, celui pour qui on écrit les résolutions à l'ONU, celui-là est-il un allié ? Non.

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C'est un inférieur. Seuls des égaux font alliance ou se mettent en alliance. Pour l'Europe, l'Afrique n'est pas une alliée mais un instrument dont elle compte se servir “pour continuer de jouer tout son rôle dans les affaires du monde” car les alliés cherchent à grandir et à avancer ensemble. Lorsque les uns s'enrichissent pendant que les autres s'appauvrissent, il ne s'agit plus d'alliance mais d'un marché de dupes.

Le vrai allié ne fait pas semblant de vous aider mais vous aide vraiment. Et il vous aide à vous débarrasser de celui qui en 6 décennies n'a fait que vous tirer vers le bas.

Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins. Si nous continuons à tergiverser, si nous sommes incapables de voir avec qui nous pouvons mieux défendre nos intérêts, nous risquons de finir comme l'âne de Buridan qui, faute de choisir entre une botte de foin et un seau d'eau, mourut et de faim et de soif.

Jean-Claude DJEREKE

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