Le vendredi 23 novembre 2018,la chambre administrative de la Cour Suprême, juge du contentieux électoral, a rendu son verdict sur les contestations de l'élection couplée des conseillers régionaux et des conseillers municipaux du 13 octobre 2018 dont elle a été saisie. Sa décision annonce la reprise de l'élection dans deux(02) régions ,le Loh-Djiboua et le Guemon, et dans six (06)communes que sont Lakota, Port Bouet, Bingerville, Grand Bassam, Booko et Rubino. Suite à cette décision ,le conseil des ministres du 03 décembre 2018 a fixé au 16 décembre 2018,la date de cette élection partielle, précédée d'une campagne allant du 08 au 14 décembre 2018 à minuit.
Dans la région du Guémon, les différents candidats s'activent, affutent leurs armes et peaufinent leurs stratégies. Ils jouent leur va-tout pour remporter cette élection. Dans ses joutes locales marquées par la prédominance des candidats indépendants, le parrainage du RHDP semble être la clé de la victoire.
La cour au RHDP
Dans la région du Guémon, cinq (05) candidats dont quatre (04) indépendants et un candidat du PDCI sont en lice. Ce sont Evariste Méambly, président sortant du conseil régional (indépendant), Oula Privat (Vice-président de l'Assemblée Nationale et indépendant), Serey Doh(indépendant), Innocent Youté (indépendant) et Doh Simon (PDCI).
Ces joutes électorales dans la région du Guémon revêtent un caractère particulier voire intriguant. En effet, trois candidats sur les cinq en lice se prévalent du RHDP. Cette confusion semble quelque peu entretenue ou favorisée par le RHDP qui a du mal à s'accorder sur le candidat officiel du parti unifié. Dans ce climat d'incertitude, chaque candidat se bat pour bénéficier du précieux parrainage du RHDP.
Ainsi Évariste Méambly, censé bénéficier du soutien du RHDP lors de l'élection du 13 octobre2018 a été abandonné sur le fil au profit d'Oula Privat. Les détracteurs du président sortant du conseil régional du Guémon et président de l'APP (Agir Pour la Paix) mettant en doute ses intentions, ont soutenu qu'il ne se rallierait pas au RHDP en cas de victoire. En échos à ces récriminations, Évariste Meambly voulant faire la preuve de sa bonne foi, se rallie officiellement au RHDP pour l'élection du 16 décembre 2018. Ce ralliement officiel lui permettra d'être reçu et de bénéficier du soutien du Ministre Cissé Bacongo, Directeur de cabinet du Président de la République, à la demande du Président Alassane Ouattara lui-même. Réconforté par ce soutien, le président de l'APP exhibe les preuves et images de ce soutien sur sa page officiel. Bien qu'apparaissant comme le candidat « plus ou moins officiel du RHDP « , Évariste Meambly se verra lâché par certains cadres de taille du RDR, figurant précédemment sur sa liste qui vont rejoindre le camp d'Oulat Privat.
A lire aussi : Côte d'Ivoire : Top 5 des plus graves dérives verbales de la campagne électorale
Oula Guéladé Ephrem Privat ,candidat indépendant, a été préféré à Evariste Meambly pour bénéficier du soutien du RHDP à l'élection annulée du 13 octobre 2018 dernier .Cependant, le « candidat RHDP durant l'élection du 13 octobre 2018 » semble ne plus bénéficier de la même confiance pour la future élection du 16 décembre 2018 ,du moins pour ce qui est du soutien des dirigeants centraux du parti et notamment du soutien du grand médiateur Adama Toungara. En revanche, l'homme bénéficie du soutien du député RDR de Duékoué commune, de la présence de certains cadres du RDR ayant précédemment figurés sur la liste que conduit Évariste Meambly tels que Toh Florent et Doumbia Ibrahim,de même que celle du député PDCI Tahi Thierry, qui vient rallier le camp du RHDP, du Sénateur Guehi Boniface et de la faveur des intentions de vote de la base RDR de Duékoué.
Serey Doh dit Adjaro, candidat indépendant, n'est pas en reste des grandes manœuvres courtisanes pour se positionner comme » le candidat du RHDP ». Le capitaine des douanes se prévaut du soutien du Ministre Mabri Albert Toikeusse, vice-président du RHDP, aux côtés de qui il a été aperçu, à l'occasion de la visite du Premier ministre dans le Tonkpi, les 07 et 08 décembre 2018 dernier. Plus proche de l'UDPCI, Serey Doh compte parmi ses soutiens l'ex présidente nationale des femmes de l'UDPCI, Céline Die Bonao. Proche du front populaire ivoirien (FPI), il n'ose pas parler à ses parents de ses nouveaux alliés du RHDP.
Innocent Youte, candidat indépendant et député de Kouibly, passe pour être le moins en vue de tous les candidats. Ses chances d'une victoire paraissent la moins grande mais en bon visionnaire, l'homme semble préparer l'avenir à partir de cette élection dont il veut profiter pour marquer les esprits des électeurs et élargir son horizon.
Doh Simon, ex DGA de la SOTRA et député de Bangolo, est le candidat du PDCI.A la différence des candidats indépendants, le soutien du PDCI -RDA à Doh Simon ne souffre d'aucune fragmentation. Son homologue Yah Toure, Député PDCI de Bagohouo figure sur la liste qu'il conduit. Plutôt serein, l'homme pourrait tirer le plus grand profit de la guegerre entre les candidats indépendants pour bénéficier du parrainage du RHDP.
Le parti sacrifie sur l'autel des ego et des ambitions personnelles de certains leaders du RHDP. La mésentente entre certains leaders du RHDP dans le district des montagnes est un secret de polichinelle. Et le scrutin couplé des conseillers régionaux et des conseillers municipaux a été l'occasion de faire ce constat désolant. La guerre de leadership entre le ministre Albert Mabri Toikeusse et le président sortant du conseil régional du Guémon, Evariste Meambly, semble avoir trouvé dans cette élection un nouveau champ de bataille .Soupçonné de vouloir étendre son hégémonie sur toute la zone de l'ouest, le ministre Mabri a préféré donner sa bénédiction à Serey Doh plutôt qu'à Evariste Meambly qui lui dispute le lead et qui apparaît comme un adversaire sérieux. Fort de ces neuf (09) députés et maires, le désormais président de l'APP est en effet l'étoile politique montante dans l'ouest.
A lire aussi : Evariste Méambly : Super Ebony des politiciens caméléons de Côte d'Ivoire
La vielle belligérance entre le grand médiateur Adama Toungara et le député de Duékoué commune, Flanizara Toure divise l'électorat RHDP à Duékoué. Cette mésentente qui a été en partie à l'origine de l'échec du RDR à la récente élection municipale à Duékoué, a refait surface. Elle donne lieu aux décisions les plus surprenantes, voir incongrues de la part de cadres locaux RHDP qui changent de camp au gré des humeurs de leur mentor, mettant les électeurs dans une confusion totale. Messieurs Doumbia Ibrahim dit DG,le Directeur Général de la GESTOCI et poulain d'Adama Toungara et certains cadres. Ces cadres figurant sur la liste d'Oula Privat se retrouvent dans une position inconfortable. Il leur est demandé de soutenir Serey Doh qui pour certains n'a jamais été présent lors du référendum et des présidentielles de 2015 préférant rester GOR.
Un imbroglio qui perturbe les militants
Le moins qu'on puisse dire, c'est que les militants RHDP sont les plus grosses victimes du désaccord apparent et manifeste des cadres du parti présidentiel quant au choix de la personne à soutenir dans le Guémon lors de l'élection des conseillers régionaux du 16 décembre 2018 prochain. Les militants sont ahuris par l'indécision et le changement subit de position de certains cadres au cours d'une même élection. Cette position chancelante des leaders créé chez les militants une confusion totale. Et le RHDP risque de payer cash cette cacophonie qui règne en son sein en perdant cette élection comme ce fut le cas pour l'élection municipale passée à Duékoué, où des mésententes entre dirigeants du parti, lui ont fait perdre la mairie de Duékoué pourtant à sa portée. Les mêmes causes créant les mêmes effets…
Une mésentente qui met en mal la cohésion sociale dans l'ouest
L'ouest du pays est une zone chancelante en proie à de perpétuelles perturbations ou crises sociales. Les récentes violences de Zouan-Hounien et de Duékoué viennent justifier cette triste réputation. Et la guéguerre à laquelle se livrent les cadres locaux du RHDP risque d'embraser ce foyer de tension. Car la zone comporte encore, en dépit des efforts déployés par le Gouvernement, de réels défis résiduels à la cohésion sociale. Ces défis existent au plan de la cohésion intercommunautaire, entre autochtones et allogènes d'une part et entre autochtones et allochtones d'autre part. Mais la cohésion sociale dans l'ouest du pays sera consolidée si le défi de la sécurisation de la zone, y compris la sécurisation du foncier, est relevé de même que celui de la crise de confiance entre les populations et les institutions. Cette zone où le défi de la cohésion sociale et de la réconciliation peine à être relevé n'a vraiment pas besoin d'un tel imbroglio politique.
Prince B.
Martin Bléou à Duékoué : « Autochtones, n'empêchez pas les allochtones d'aller voter ! »
