En apportant son soutien au Forum des houphouëtistes, Daniel Kablan Duncan défie Bédié. Le vice-président de la République et premier vice-président du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) déjà peu populaire dans les bases de son parti, osera-t-il aller jusqu'au bout ?
Trois faits majeurs prouvent que derrière les députés frondeurs du PDCI qui ont mis en place, hier lundi 12 mars 2018, un Forum dit des houphouëtistes et qui veulent créer un groupe parlementaire RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, mouvance présidentielle) se cache Daniel Kablan Duncan
D'abord la cérémonie a été présidée par son bras droit Théophile Ahoua N'Doli, qui a été pendant longtemps son directeur de cabinet, avant d'être nommé Inspecteur général d'Etat, sur proposition de Duncan et en remplacement de Niamien N'Goran, limogé après es premières brouilles entre henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, en juin 2017.
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« Ce que le Président Houphouët nous a légué de plus important, de plus grand, c'est une Côte d'Ivoire en paix, une Côte d'Ivoire politiquement stable, une Côte d'Ivoire économiquement forte. Ne la perdons pas par nos égoïsmes », a déclaré Ahoua, entouré d'Amadou Soumahoro et Adama Bictogo, vices-présidents du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), de Laurent Dona Fologo et de Raymonde Goudou-Coffie, ministre (PDCI) de la Santé, proche de la Première dame.
C'est avec le soutien personnel de Duncan, qu'Ahoua a parrainé cette cérémonie. C'est toujours avec son soutien que celui-ci a boycotté, en son absence (il est rentré d'une mission en Inde, hier), comme plusieurs ministres PDCI du gouvernement, la cérémonie d'hommage à Bédié, à Yamoussoukro, alors que tous les deux étaient présents à toutes les cérémonies d'hommage à Ouattara, dans la capitale économique.
La cérémonie des députés frondeurs du PDCI a été organisée au lendemain d'un rassemblement à Abidjan, au cours duquel un député du RDR, Charles Kangbé, qui avait appelé, en mai 2017, à « un sursaut dioula » et connu pour défendre des thèses tribalistes, a appelé à la formation d'un ticket présidentiel Daniel Kablan Duncan et Amadou Gon Coulibaly. Avec ou sans l'aval de Bédié.
Le Forum des houphouëtistes est présidé par Félix Anoblé, une personnalité clivante qui ne recule devant rien face à ses intérêts. Membre du PDCI, il s'était retrouvé aux côtés du controversé Ibrahim Coulibaly dit IB, en tant que porte-parole des Commandos invisibles. Après la crise postélectorale, il s'était retrouvé à San Pedro où sa fortune amassée, pendant la crise, lui a permis de rebondir politiquement, en se présentant comme député du PDCI. Au parlement, il s'est rapproché du RDR et compte bien ne pas s'aligner sur la tendance générale actuelle du PDCI, qui n'est pas en faveur d'un parti unifié.
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De son côté, l'on se demande si Duncan, qui n'a jamais mené un combat politique de front, pourra continuer à avancer masqué, pour atteindre ses objectifs d'être candidat du PDCI, contre le gré du PDCI. A 75 ans, il est impopulaire dans les bases du PDCI, y compris chez lui à Grand-Bassam où les militants l'accusent de les avoir trompés, en se faisant élire, pour laisser siéger au Parlement, par un suppléant issu du RDR, vomi aussi bien au PDCI qu'au RDR.
Ce n'est pas la première fois que Henri Konan Bédié ferait face à des frondeurs issus de son parti, qui mettent en avant leurs propres intérêts égoïstes. En 2000, plusieurs cadres amenés par un certain Laurent Dona Fologo avaient choisi de soutenir Robert Guéi, qui les avait pourtant renversés, quelques mois plus tôt. Lors du mandat de Laurent Gbagbo, plusieurs cadres du même parti, toujours amenés par Fologo, ont apporté leur soutien à l'ancien chef d'Etat, aujourd'hui détenu à la Cour pénale internationale (CPI). En 2015, certains cadres tels que Charles Konan Banny et Kouadio Konan Bertin (KKB) ont été traités d'iréductibles, pour n'avoir pas adhéré à l'appel de Daoukro de Bédié.
Elvire Ahonon