« Très honnêtement, qui, Bédié et Gbagbo peuvent encore faire rêver ? » – Venance Konan

Qui peut sincèrement croire encore que Bédié ou Gbagbo sont encore capables de diriger ce pays et le faire avancer ? Venance Konan se prononce.

Dans nos sociétés, surtout celles qui reposent encore sur nos traditions, lorsqu'une femme épouse un homme, c'est pratiquement jusqu'à sa mort. Celui qui peut mettre fin à cette union est l'homme. La femme qui le ferait se couvrirait d'opprobre, quelles que soient les maltraitances qu'elle subira de la part de son mari, ses infidélités. Elle doit rester dans son foyer, quelle que soit la situation. Si jamais, il lui arrivait de quitter son mari, elle serait traitée de mauvaise femme et s'il se trouvait qu'elle se remette avec un homme plus fortuné que l'ancien mari, l'on dira d'elle qu'elle est vénale, qu'elle est «une femme intéressée ».

C'est un peu comme cela dans les partis politiques. Lorsque l'on adhère à un parti, c'est pour la vie. C'est comme si l'on est une femme qui a épousé un homme au village. On doit rester fidèle toute sa vie au leader du parti politique. Discuter ses décisions, c'est commette un crime de lèse-majesté. Et quitter son parti pour aller adhérer à un autre, c'est tout simplement de la haute trahison. Et si l'on quitte un parti d'opposition pour adhérer au parti au pouvoir, c'est forcément pour « aller au restaurant », « chercher un tabouret ». Peu importe que la politique du parti soit devenue illisible, incohérente. Peu importe que le leader de ce parti ait trahi lui-même ses convictions premières qui ont amené les militants à le suivre, qu'il fasse des alliances en fonction de ses seuls intérêts, qu'il s'accroche à son poste de leader malgré le poids et les ravages de l'âge. Le leader est le mari, le père, celui qui a forcément toujours raison, le gourou que l'on se doit de vénérer.

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Ainsi va la politique dans notre pays. Les chefs changent de conviction en fonction de leur rancune à l'égard d'un adversaire, de ce qu'ils n'ont pas obtenu de lui, nouent des alliances totalement inattendues et improbables, font du surplace, mais les militants ne doivent pas broncher. Ils doivent tout simplement suivre. Suivre pour aller où ? On finit par se perdre, par s'embrouiller, mais ce n'est pas grave. Il faut fermer les yeux, la bouche, et suivre seulement.

Prenons les cas de nos principaux partis politiques. Il y a le parti au pouvoir, et deux principaux partis d'opposition. Du moins, il y en avait deux. L'un d'eux, le Front populaire ivoirien (FPI), qui avait dirigé le pays pendant dix ans, s'est scindé en deux, une partie, dirigée par le fondateur du FPI, s'appelant désormais le Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI), et l'autre restant le FPI, dirigé par son ancien premier ministre Affi N'guessan qu'il ne veut plus voir en peinture parce qu'il a osé réclamer le poste de premier vice-président de ce FPI.

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Blé Goudé, qui fut très proche du leader du FPI a créé lui aussi son parti, et Simone Gbagbo, la toujours épouse de Laurent Gbagbo mais néanmoins répudiée comme au village, semble vouloir créer elle aussi son parti. L'autre parti d'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), qui est aujourd'hui l'un des plus vieux partis de notre continent n'a cessé de maigrir depuis le décès de son fondateur, Félix Houphouët-Boigny. Aujourd'hui il n'a plus que la peau sur les os, du fait de l'illisibilité de ses positions et de l'âge de son capitaine qui ne veut rien lâcher, et sera encore le candidat de son parti à plus de 90 ans. En face, ils ont un parti que l'on peut ne pas aimer, mais qui gouverne le pays et le construit. Il n'y a qu'à sillonner le pays dans tous les sens pour voir l'énorme travail qui est en train d'être abattu. Certes, il y a encore beaucoup de travail à faire pour rendre tous les habitants de ce pays heureux, si tant est qu'il soit possible de rendre tous les habitants d'un pays heureux.

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Pourquoi se choquer lorsque des militants sincères d'un parti d'opposition finissent par réaliser qu'ils tournent en rond, et que finalement, leur idéal de développement du pays est porté uniquement par le parti au pouvoir ? Qu'est-ce qui pousse un individu à s'engager dans un parti politique ? L'envie de participer à la réalisation d'un rêve. Cela peut tout à fait être la réalisation de son ambition personnelle, ce qui n'a rien d'amoral, ou la réalisation d'une ambition pour le pays. L'on adhère à un parti donné, soit par affinité avec le leader de ce parti, soit parce que l'on croit qu'il est celui qui peut permettre d'atteindre cet idéal.

Que devrait-on faire lorsque l'on se rend compte que l'on est en train de se faire flouer par son leader parce qu'il ne peut plus vous conduire vers votre objectif ? Très honnêtement, qui, Bédié et Gbagbo peuvent encore faire rêver ? Qui peut sincèrement croire encore que Bédié ou Gbagbo sont encore capables de diriger ce pays et le faire avancer ? Il y a des moments dans la vie où il faut être tout simplement lucide et réaliste.

Venance Konan

Written by Venance Konan

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