Jean Bonin se penche sur la personnalité des trois grands politiques de la Côte d’Ivoire que sont Bédié, Gbagbo et Ouattara.
De prime abord, je dirais non ! Tous les trois sont ivoiriens, dirigent un parti politique et ont exercé le pouvoir d’Etat au plus haut niveau. Pour autant, en poussant un peu plus loin la réflexion, il saute aux yeux qu’une chose fondamentale les différencie : la capacité de rassembler.
1 – Bedié et Gbagbo ; l’exclusion comme méthode de gouvernance politique
A- Bedié : tu te soumets ou je te démets
Qui ne se souvient que, pour ne pas à avoir à affronter Ouattara dans les urnes, le mieux que Bedie ait trouvé à faire, c’était de procéder à une modification constitutionnelle pour l’exclure de la compétition électorale en ces termes : « pour être éligible, le candidat à la présidentielle doit être ivoirien, né de père et mère eux-mêmes nés ivoiriens. Il ne doit doit s’être jamais prévalu d’une autre nationalité ». Ouattara venait ainsi d’être exclu de la présidentielle de 1995.
Qui ne se souvient du sort que Bedie a réservé à KKB lorsque celui-ci a décidé de se présenter à la présidentielle de 2020 : l’exclusion. KKB a été exclu du parti pour avoir « défié » Bedié.
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B – Gbagbo : c’est moi ou rien
Qui aurait pensé qu’un jour, Affi, Simone et Blé Goudé qui, après avoir fait de longues années de prison pour s’être engagés à défendre le pouvoir de Gbagbo seraient aujourd’hui des persona non grata auprès de ce dernier ?
Qui aurait imaginé qu’un jour Gbagbo préfèrerait s’allier à Bedié qui était au Golf Hôtel avec Ouattara plutôt qu’avec Affi qu’il n’a jamais voulu recevoir depuis qu’il est revenu de la CPI et qu’il traiterait le FPI d’enveloppe vide ?
Qui croirait que Gbagbo, qui a été pouponné et biberonné durant 7 ans à La Haye par Blé Goudé, refuserait un jour de lui adresser la parole et exigerait même de lui qu’il lui fasse, préalablement à toute rencontre, une demande formelle d’audience ?
Qui aurait pu prévoir de Gbagbo, qui n’a pas hésité à humilier son épouse devant ses propres enfants et devant toutes les caméras du monde, plaiderait un jour auprès de Ouattara le retour de Soro Guillaume en Côte d’Ivoire tout en ignorant royalement la situation de Blé Goudé qui lui était resté à La Haye !?
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2 – Ouattara : le rassemblement dans l’ADN
Que n’a t on pas dit de Ado lorsque nous le combattions ? Il est méchant, monstrueux et patati et patata…
La réalité s’impose aujourd’hui implacablement à nous : Ouattara a peut-être « tous les défauts du monde » mais il nous fait un pied de nez en nous démontrant chaque jour qu’il est un vrai rassembleur. Fiables ou petits, il n’exclut personne. Les preuves abondent.
Que n’a-t-il pas fait pour garder au RHDP le PDCI et Bedié, Soro et Duncan. Certes, il n’a pas réussi. Mais, honnêtement, qui pourrait lui reprocher de n’avoir pas essayé. À l’impossible nul n’étant tenu, il a fini par prendre acte de leur volonté d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte.
Ouattara, en toute discrétion, a travaillé à ramener au RHDP Mabri Toikeusse et Amon Tanoh, sans aucune considération de trahison. Il ne s’est pas laissé aveugler par la rancune ou une quelconque soif de vengeance. Quelqu’un qui est capable de rassembler autour de lui ses pires adversaires est assurément capable de rassembler un pays qui sort d’une longue période quasi cinquantenaire de crises politiques.
Alors que certains se réjouissaient de ce que Ouattara aurait dit qu’il ne souhaiterait pas une alliance avec le FPI, il les ridiculise encore en tendant la main à ce parti politique pour une alliance, en dépit de ce que Affi ait été à l’avant-garde de la désobéissance civile de 2020, en tant que porte-parole. Il ne connaît pas la rancune et ne pas la culture du match retour
Il est un fait indéniable qu’on a en Côte d’Ivoire deux catégories de leaders politiques. D’un côté, ceux qui sont essentiellement et en permanence mus par une inextinguible soif d’exclusion et qui se caractérisent par leur propension à l’auto victimisation et aux alliances excluantes.
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De l’autre côté, ceux pour qui la politique est un jeu dans lequel celui qui a toutes les chances de gagner est celui qui est capable de se mettre au dessus de considérations secondaires pour rallier à sa cause le maximum de personnes. Ceux-là, ce sont des rassembleurs. Ils ne se servent pas de la politique comme un exutoire pour régler des comptes ou pour diviser mais comme un formidable instrument à leur disposition pour rassembler et construire un pays.
Affi a fait le choix du camp du rassemblement plutôt que celui des ressentiments et de l’éternel rancoeur. J’approche ce choix, nonobstant les lamentations des commerçants de haine qui ne conçoivent la politique qu’en termes de confrontation des biceps et jamais des neurones.