Congés anticipés : Venance Konan accuse, « nous avons semé la violence et nous en récoltons aujourd’hui les fruits »

Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin
Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin © Crédit photo DR

« Société en danger, » une analyse de Venance Konan, ancien directeur général de Fraternité matin sur le phénomène des congés anticipés.

Comme de coutume, les élèves ont décidé d'anticiper leurs vacances de noël. La différence avec les autres années est la généralisation de cette revendication et l'utilisation de la violence par les enfants. Et comme chaque année, nous sommes irrités par ce comportement de nos jeunes. Mais qu'est-ce qui devrait nous surprendre là ? Qu'avons-nous fait les années précédentes lorsque nos enfants avaient fait ce qu'ils font aujourd'hui ? Qu'avons-nous fait depuis des années, depuis que la violence s'est installée dans nos écoles, dans nos universités, dans notre société toute entière ?

Qu'avons-nous fait pour guérir notre société de ce mal qui est en train de la ronger et qui finira par avoir raison d'elle ? Nous nous sommes contentés de nous irriter, lorsque, d'une façon ou d'une autre, nous n'avons pas encouragé cela. Avons-nous cherché à arrêter les étudiants qui avaient tué le jeune Thierry Zébié en 1990 ? Avons-nous puni ceux qui avaient fait le coup d'Etat en 1999 et tué sans jugement ceux qu'ils appelaient des loubards ?

Et ceux qui ont fait la rébellion en 2002 ? Avons-nous cherché à arrêter les étudiants qui avaient pendu le jeune Habib Dodo sur le campus en 2005 ? Avons-nous cherché à sanctionner tous ceux qui avaient tué des personnes aussi bien au sud qu'au nord durant la crise de 2002 à 2010 ? Reconnaissons que nous avons semé la violence dans notre société, nous l'avons arrosée et nous en récoltons aujourd'hui les fruits. Et ces fruits, ce sont ces enfants-là, nos enfants, paresseux, partisans du moindre effort mais rêvant de richesse et de gloire, prêts à tout, sauf au travail, pour les avoir, et violents par-dessus le marché.

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Il y a quelque temps, je vous avais partagé les échanges que j'avais eus avec mon ami Michel, un Français que j'appelle mon cousin depuis qu'il a épousé ma cousine, et qui m'écrivait ceci : « Nos jeunes ne rêvent plus de nos anciens héros, Félix Houphouët-Boigny, Senghor, Mandela…Ce genre de héros représentent pour eux l'effort, la douleur, la sueur, la contrainte. Eux, ils veulent tout sans effort, ni contrainte, comme leurs idoles, joueurs de foot fortunés, rappeurs américains ou brouteurs célèbres. De sorte que désormais, nos jeunes se divisent en deux catégories : ceux qui ne rêvent plus et ceux qui rêvent de révolution.

Bizarrement les plus dangereux ne sont peut-être pas ceux qui rêvent de révolution, même si leurs idoles sont pour le moins déroutantes (Sankara, Blé Goudé), les plus inquiétants pour le pays sont à mon sens ceux qui ne rêvent plus. » Publiée sur ma page Facebook, cette chronique avait suscité d'intéressantes réactions dont je vous livre quelques-unes : « Il faut d'abord qu'ils aient des repères moraux, c'est la première chose. Une société où l'immoralité est érigée en vertu ne peut que produire une jeunesse désœuvrée mentale. On devrait commencer par revoir l'ensemble des contenus audiovisuels diffusés sur nous chaînes radio et télé.

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S'ils ne voient à la télé que des gens qui sont des modèles de réussite par l'effort et le travail, ils comprendront qu'aucune autre voie ne mène au succès, à la réussite et au bonheur. S'ils ont des modèles de ce genre, ils n'écouteront, ni ne se laisserons manipuler par nos trois leaders politiques. Lorsque la médiocrité et la perversité sont célébrées dans les médias dans l'indifférence la plus totale, on obtiendra le résultat que nous avons en ce moment. Il serait tout de même bête de croire qu'en faisant les choses indifféremment l'on puisse aboutir à un résultat différent. » (BK) « Les repères ne sont plus des repaires et subséquemment la société qu'on produit n'est autre que ce qu'on a comme repère.

L'argent s'obtient aujourd'hui plus dans les anti-valeurs que dans l'effort, or c'est lui le stimulant. Quand l'école où le travail motivait pour une vie meilleure, nos repères étaient des hommes valeureux et courageux. Aujourd'hui qui fait le buzz ? Pas le plus brillant des élèves, pas le plus ponctuel ou assidu des employés, mais celui ou celle qui ose défier les tabous, briser les chaînes de la décence. Voilà notre jeunesse malheureusement. » (HC).

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Nous devons être conscients du fait que nous sommes en train de fabriquer une génération de cancres cupides et violents. Beaucoup d'entre eux qui ne réussiront pas à se faire une place au soleil ici chercheront à aller en Europe où ils pensent que tout est facile. Une bonne partie d'entre eux mourront dans le désert ou dans la mer et les autres qui survivront au voyage seront des vigiles ou des voyous en Europe. Ceux qui resteront seront des brouteurs, pasteurs, djihadistes, bandits de grand chemin, ou ils prendront les armes contre leur pays si quelqu'un leur propose de l'argent pour le faire. Toutes les personnes lucides de ce pays doivent se mobiliser dès maintenant pour sauver cette jeunesse qui, à terme, sera un vrai danger pour toute la société.

Written by Venance Konan

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