Proposition des députés PDCI à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, sur le projet de loi relatif au divorce et à la séparation de corps.
« Il faut donner « une nouvelle vie » à nombre de nos concitoyens comme les candidats au divorce par consentement mutuel qui sont déjà partis du mariage et que la loi se refuse à libérer ! ». Telle est l’essence de la proposition d’un groupe parlementaire, mercredi 5 juillet à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, lors d’un vote en commission du projet de loi relatif au divorce et à la séparation de corps.
Pour les députés du groupe Parlementaire PDCI-RDA, le recours au juge et d’une façon générale, la mise en œuvre d’une procédure judiciaire pour un divorce est source de stress. Il expose inutilement les époux à des engagements financiers substantiels et ne manque pas d’étaler souvent sur la place publique leur vie intime que leur entente dans le mariage avait hermétiquement préservée.
C’est pourquoi, proposent les élus, un règlement beaucoup plus simple et moins onéreux devant un notaire, pour ce qui est des candidats au divorce par consentement des conjoints.
« DECLARATION DU GROUPE PARLEMENTAIRE PDCI-RDA SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AU DIVORCE ET A LA SEPARATION DE CORPS
Monsieur le Président,
Le Groupe parlementaire PDCI-RDA a examiné avec une attention particulière le projet de loi relatif au divorce et à la séparation de corps. De l’exposé des motifs, il apparait que la législation relative au divorce et à la séparation de corps qui date de 1964 a été modifiée à deux reprises, d’abord en 1983 puis en 1998.
Ces modifications successives avaient pour objectif de renforcer la confidentialité autour de ces procédures, de favoriser la réconciliation entre les époux et de garantir leurs intérêts ainsi que ceux des enfants.
Au travers de ces réformes, le législateur ivoirien, dépassant le concept de divorce pour faute, a tenu à mettre les conjoints face à leurs responsabilités en leur permettant de régler eux-mêmes les effets de leur séparation mais surtout, en leur reconnaissant le droit de mettre fin à leur union de manière consensuelle.
Quoique notables, ces avancées ont laissé subsister certaines imprécisions sur les procédures de divorce pour faute, de divorce par consentement mutuel et de séparation de corps relativement à leur déroulement, à leurs conditions et à leurs effets.
Aussi, le présent projet de loi vise-t-il à combler ces lacunes en précisant ou en reformulant certaines notions propres à chacune de ces procédures afin de les rendre plus intelligibles.
Un projet de loi aux objectifs clairs et précis
Par ailleurs, le projet de loi soumis à l’étude du parlement apporte des innovations de fond en ce qui concerne notamment les délais, la transcription des décisions judiciaires et le passage d’une procédure à une autre.
Au terme de son examen, le Groupe parlementaire PDCI-RDA salue la présentation de ce projet de loi pour les objectifs de clarté et de précision qu’il poursuit et les innovations qu’il introduit dans une législation dont la sensibilité aux plans social, religieux et culturel reste indéniable.
En effet, le divorce et dans une certaine mesure la séparation de corps consacrent la fin du mariage, institution sociale par excellence, donné comme le socle de la famille et partant de toute la société.
L’on est censé se marier pour le meilleur et pour le pire et, au nom des préceptes religieux ou culturels qui sous-tendent cette institution, aucune raison ne devrait permettre la fin du mariage. D’où l’exigence de conditions très strictes pour obtenir le divorce.
Ainsi, alors que le mariage est célébré devant un officier d’état civil, le divorce quant à lui ne peut intervenir que devant un juge, dans un tribunal.
En outre, si le consentement des futurs époux est la condition suffisante pour un mariage, il en faut beaucoup plus pour le divorce qui nécessite non seulement la preuve d’une faute déterminée par la loi mais également la preuve que cette faute rend impossible le maintien du lien conjugal.
Le divorce relevait ainsi d’une procédure contentieuse !
Il a fallu attendre la réforme de 1998 pour voir introduire dans notre législation, le divorce par consentement mutuel des conjoints.
En effet, le mariage étant fondé sur le consentement des futurs époux, il paraissait aussi légitime de prononcer le divorce dès lors que les époux y consentaient et y prétendaient mutuellement.
Pas de changements de nature à soulager les candidats au divorce
La présente réforme, si elle a le mérite d’apporter des précisions et de procéder à des aménagements relativement aux procédures en vigueur, manque de hardiesse en ce qu’elle ne propose pas de véritables changements de nature à soulager les candidats au divorce.
L’exigence de l’intervention du juge dans le divorce par consentement mutuel, alors même que le consentement mutuel des époux est acquis d’une part et l’obligation impérieuse pour le demandeur au divorce de faire la preuve de la faute du conjoint constituent des entraves qui hélas, maintiennent de nombreux couples dans des relations où le lien conjugal s’est depuis longtemps profondément altéré.
En effet, d’un côté, le recours au juge et d’une façon générale, la mise en œuvre d’une procédure judiciaire est source de stress. Il expose inutilement les époux à des engagements financiers substantiels et ne manque pas d’étaler souvent sur la place publique leur vie intime que leur entente dans le mariage avait hermétiquement préservée.
D’un autre côté, le jeu de l’accusation de l’un des époux envers l’autre et vice et versa, provoqué par la recherche effrénée de la faute à prouver nécessairement par le demandeur contre son conjoint envenime inutilement les relations entre les parties au divorce et rend très hypothétique la construction d’une relation post divorce tolérante et paisible pourtant nécessaire à l’entretien et à la bonne éducation des enfants communs.
C’est pourquoi, le Groupe parlementaire PDCI-RDA suggère fortement que le divorce par consentement mutuel puisse être réglé par un Notaire, officier ministériel, offrant des garanties de sécurité, de célérité et confidentialité dans les affaires dont il a la charge.
Eviter de maintenir des candidats résolus à divorcer prisonniers des liens conjugaux
Par la suite, sa procédure pourra faire l’objet d’une homologation judiciaire ! Cette proposition aurait l’avantage de désengorger les tribunaux en évitant aux juges de déployer le service public de la Justice dans une affaire où la messe est déjà dite.
En ce qui concerne le divorce pour faute, l’exigence de la faute relève bien plus de considérations d’ordre religieux ou moral que fondamentalement légales. L’idée, le mariage ne saurait prendre fin par le bon vouloir d’une seule partie, à moins de prouver une faute du conjoint.
En disposant ainsi, en exigeant de l’époux demandeur d’avoir absolument à exciper et prouver une faute imputable à son conjoint, loi participe à maintenir des candidats résolus à divorcer prisonniers des liens conjugaux qui n’existent plus que de nom.
En effet, on observe que de nombreux couples sont séparés de fait et bien souvent, l’un au moins des conjoints s’est engagé dans une nouvelle idylle au vu et au su de l’autre et de tous.
Même lorsqu’ils vivent encore sous le même toit, il n’existe plus de lien entre eux et la communauté de vie est une coquille vide. Et le drame dans ces situations, c’est que le conjoint qui pourrait se prévaloir de la faute de l’autre refuse, pour des raisons qui lui sont propres, d’initier la procédure en vue du divorce. C’est qu’en réalité, l’époux fautif, souvent coupable d’adultère reconnu et établi, d’abandon de domicile ou de coups et blessures ne peut pas être admis à se prévaloir de sa propre faute pour obtenir le divorce. Il ne peut en effet, ainsi que le consacre l’adage latin du Droit: « Nemo auditur propriam turpitudiem allegans »>, << personne, en effet, ne peut se faire, de sa propre indignité, un titre pour agir en justice »
C’est pourquoi, le Groupe parlementaire PDCI-RDA suggère fortement l’introduction dans l’arsenal législatif ivoirien de nouvelles procédures de divorce, dans lesquelles sera absente, la notion de faute.
D’ailleurs, il reste aujourd’hui établi que l’évolution des législations nouvelles présente un basculement vers la notion de divorce sans faute, confirmé par les dispositifs légaux mis en place. Les législateurs contemporains consacrent le principe d’un divorce dit objectif.
La procédure de divorce par consentement mutuel n’est pas adaptée
C’est ainsi que deux procédures nouvelles ont fait leur apparition notamment en France et en Allemagne : il s’agit de la procédure de divorce dit accepté et de la procédure du divorce par suite du constat de l’altération définitive du lien conjugal.
Le divorce accepté est une procédure de divorce qui est destinée aux couples qui sont d’accord sur le principe de la séparation, mais qui ne s’entendent pas sur ses conséquences notamment la garde des enfants, le partage des biens ou le maintien d’un des conjoints dans la résidence qui servait de logement familial.
Pour ces couples, il apparait clairement que la procédure de divorce par consentement mutuel n’est pas adaptée.
Le juge, dans cette procédure, n’est invité que pour trancher sur les désaccords qui perdurent. Devant lui, les époux n’ont pas à faire état des raisons pour lesquelles ils veulent se séparer; le débat ne porte que sur les effets du divorce. La deuxième procédure elle, se fonde sur la constatation d’un fait objectif : l’altération définitive du lien conjugal.
La procédure s’applique aux couples qui ne vivent plus ensemble depuis un délai que le législateur fixe. Ce délai est décompté à rebours à partir de la date de l’assignation. Il suffit qu’au jour de l’assignation, la séparation remonte à ce temps de séparation.
L’époux demandeur n’a rien à reprocher à son conjoint: il demande le divorce juste en demandant au tribunal de constater que les conjoints vivent séparés depuis le temps déterminé par la loi ou plus.
Le tribunal ne cherche qu’à vérifier l’exactitude de cette allégation demandeur est autorisé à faire la preuve par tous moyens. Ainsi, que ce soit celui qui a quitté le domicile conjugal ou celui qui y est demeuré, chacun d’eux peut demander le divorce sur cette base.
Seulement, l’époux victime de cette procédure aura le droit de riposter en engageant à son tour, une demande en divorce pour faute. Si sa demande est rejetée, le juge prononce alors le divorce pour altération du lien conjugal dès lors que les conditions sont réunies.
L’esprit de cette évolution législative contemporaine fait clairement apparaitre la véritable nature juridique du mariage, qui est après tout, une construction juridique fondée sur le consentement mutuel des parties.
Il y a donc lieu de tirer les conséquences de la volonté de l’une des parties, en dehors de toute faute, de mettre fin au lien conjugal.
Le législateur ivoirien gagnerait certainement à porter son regard sur ces procédures de divorce qui, si elles étaient établies en Côte d’ivoire, permettrait de donner << une nouvelle vie » à nombre de nos concitoyens qui sont déjà partis du mariage et que la loi se refuse à libérer !
Telles sont, Monsieur le Président, les observations et propositions que le présent projet de loi inspire au Groupe parlementaire PDCI-RDA.
Et dans l’espoir que ses propositions retiennent l’attention du Gouvernement et des membres de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles, le Groupe parlementaire PDCI-RDA se déclare favorable à la prise en considération de l’exposé des motifs du projet de loi relatif au divorce et à la séparation de corps.
Fait à Abidjan, le 24 mai 2022″
Le Groupe parlementaire PDCI-RDA, lu par le député Jean-Blessy Chrysostome