Génocide des Tusti : le rapport rwandais qui met en cause la France

Légionnaire français et réfugiés rwandais entrant au Zaïre, aujourd'hui République démocrAtique du Congo. en août 1994. La France a signé mardi la déclassification de documents émis entre 1990 et 1994 par la présidence de la République relatifs au génocide commis au Rwanda. /Photo d'archives/REUTERS

Un rapport commandé par Kigali à un cabinet d'avocats américain met en cause la France dans le génocide des Tusti en 1994 au Rwanda.

Cette enquête de près de 600 pages, commandée en 2017 par le au cabinet Levy Firestone Muse, qualifie la de « collaborateur indispensable » du régime hutu qui a orchestré le massacre en trois mois de plus de 800.000 personnes, essentiellement au sein de la minorité tutsi, selon les chiffres de l'ONU.

Elle rejette par ailleurs l'idée que Paris était « aveugle » face au génocide qui se préparait, comme l'a récemment conclu une commission d'historiens français dirigée par Vincent Duclert et mise sur pied par le président .

« L'Etat français n'était ni aveugle ni inconscient au sujet d'un génocide prévisible », assurent les auteurs du rapport. Au contraire, ils estiment que la France savait qu'un génocide se préparait mais a continué à apporter « un soutien indéfectible » au régime hutu du président Juvénal Habyarimana, même lorsque ses intentions génocidaires « étaient devenues patentes ».

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« Notre conclusion est que l'Etat français porte une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible », affirment les auteurs qui ont étudié plusieurs millions de pages de documents et interviewé plus de 250 témoins.

Leur enquête n'a cependant pas pu établir de preuves quant à la participation de responsables ou du personnel français aux tueries qui se sont déroulées entre avril et juillet 1994.

Le rôle de la France, accusée de n'avoir pas assez fait pour prévenir ou interrompre les massacres voire d'en avoir été complice, empoisonne depuis des années les relations entre Paris et Kigali, où Paul Kagame, ancien chef de la rébellion majoritairement tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), est au pouvoir depuis que celle-ci a mis fin au génocide en renversant le régime hutu.

La publication du rapport Muse intervient quelques semaines après celle du rapport Duclert, lequel a conclu à des responsabilités « lourdes et accablantes » de la France dans la tragédie, tout en estimant que « rien ne vient démontrer » qu'elle s'est rendue complice du génocide.

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Peu après sa publication, le président Kagame avait estimé que ce travail constituait un « important pas en avant ».

– « Collaborateur indispensable »-

Le génocide a débuté le 7 avril 1994, au lendemain de l'attentat contre l'avion du président Habyarimana, abattu au dessus de Kigali. En quelques heures, des milices hutu ont commencé à tuer des Tutsi et des Hutu modérés, à grande échelle et avec une brutalité extrêmes.

Selon le rapport Muse, aucun Etat ne travaillait aussi étroitement avec le régime hutu que la France, alors présidée par François Mitterrand, désigné comme le principal « responsable de l'appui inconsidéré » de son pays à un régime qui se préparait au génocide.

La France a fourni un soutien militaire et politique afin de protéger ses propres intérêts et a ignoré les alertes internes, tandis que les discours haineux et les violences contre les Tutsi progressaient, selon le texte.

« Seul l'Etat français a été un collaborateur indispensable dans l'établissement d'institutions qui deviendraient des instruments du génocide. Aucun autre Etat étranger n'avait connaissance du danger représenté par les extrémistes rwandais tout en appuyant ces mêmes extrémistes. »

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« Le rôle du pouvoir français a été singulier. Pourtant, l'Etat français n'a toujours pas reconnu son rôle et ne s'en est toujours pas officiellement excusé », peut-on lire.

Le rapport Muse accuse la France d'avoir mené ces 25 dernières années « une opération de camouflage afin d'enterrer son passé au Rwanda ».

« Cette opération de camouflage se poursuit aujourd'hui », ajoute le texte, soulignant que plusieurs demandes de documents liées à l'enquête ont été ignorées par Paris.

Le 7 avril dernier, 27 ans jour pour jour après le début du génocide, la France a annoncé l'ouverture au grand public d'importantes archives, notamment celles de M. Mitterrand.

Cette décision est saluée comme une possible « évolution vers la transparence » par le rapport Muse.

Written by Mohammed Ouattara

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