« Guillaume Soro, son « cas » est déjà réglé : ce que dit l’article 49 du Code électoral

Théophile Kouamouo se prononce sur les candidature de Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié et Guillaume Soro pour la présidentielle ivoirienne 2020.

“Quand un Ouattara dit, il fait”, a souvent affirmé l'actuel numéro un ivoirien. En réalité, en ce qui le concerne, quand il dit, il fait… le contraire. En janvier dernier, il affirmait, au sujet de la révision constitutionnelle qu'il préparait : « Je voudrais rassurer les uns et les autres qu'il ne s'agit pas de “caler” qui que ce soit. Comme je l'ai dit, tout le monde pourra être candidat ». Par la suite, il faisait adopter manu militari, par un Parlement en grande partie aux ordres, sa fameuse révision qui, à première vue, n'avait pas de visée exclusionniste.

A l'époque, j'écrivais ces phrases, dans une note de blog : “A priori, les critères d'éligibilité pour le président de la République n'ont pas changé. Aucun dispositif d'exclusion des vieux rivaux, et , et du jeune rival ne sont explicitement mentionnés. Il reste que d'autres dispositifs peuvent y pourvoir. Ils peuvent figurer dans le Code électoral, qui n'est toujours pas adopté, et dont il est évident qu'il sera au coeur du dispositif de rétrécissement de l'offre politique lors la future présidentielle. La question des parrainages citoyens obligatoires, la polémique sur le relèvement de la caution (on a même parlé de 100 millions de FCFA), le noeud gordien du financement public des campagnes sont de précieux indicateurs sur l'état d'esprit du régime”. Eh ben, on y est !

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Le Code électoral de 2020 est un puissant instrument pour barrer la route de la présidentielle à des candidats indépendants, mais aussi de ceux des candidats de partis constitués dont la Ouattarie ne veut pas.

En ce qui concerne Guillaume Soro, son « cas » est déjà réglé. L'article 49 du Code électoral stipule que toute personne privées par décision judiciaire de leur éligibilité sont inéligibles, ce qui est logique et pas nouveau. Sauf que la justice ivoirienne, plus que jamais instrumentalisée, a justement jugé Guillaume Soro en moins de 48 heures, et l'a condamné à cinq ans d'inéligibilité.

Pour les autres, les obstacles sont érigés. D'abord, le relèvement de la caution pour se présenter. Elle passe de 20 millions à 50 millions, ce qui opère comme une censure par l'argent. En réalité, les dépenses préalables à toute validation de candidature excèdent largement 50 millions de FCFA. Pour collecter des “parrainages citoyens” dans les 31 régions de Côte d'Ivoire, il faudra mettre en place une logistique énorme qui coûtera naturellement plusieurs dizaines de millions de FCFA. 

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Ces parrainages, ce ne sera pas une mince affaire. Dans l'article 51 du Code électoral nouveau, il est indiqué que chaque candidat à la présidentielle doit être parrainé par une liste d'électeurs représentant 1% de l'électorat local, dans au moins 50% des districts autonomes et des 31 régions du pays. 

Déjà que dans l'état actuel des choses, il faudra payer 5 000 FCFA pour être électeur, ce qui aura pour conséquence, dans certaines régions en majorité rurales, d'exclure de la participation au scrutin les populations défavorisées proches de l'opposition. Il est aisément imaginable que des candidats financent la carte d'identité de certains citoyens, et leur réclament en retour leur parrainage. Achat de consciences quasi-institutionnalisé.

Au-delà de la barrière de l'argent, il y a une sorte de violation du secret du vote. Si vous ne pouvez parrainer qu'un candidat, on considère a priori que c'est celui pour lequel vous comptez voter. Pendant et après le scrutin de 2010, des citoyens ont subi des représailles parce qu'ils étaient accusés d'avoir voté pour Laurent Gbagbo dans le nord du pays. Qui peut imaginer que dans cette zone d'exclusion politique féroce, des citoyens signent des documents qui remonteront au sommet de l'Etat et s'auto-désignent ainsi comme des dissidents ? On peut déjà anticiper les menaces voilées qui circuleront à bas bruit, pour barrer la route des parrainages, et donc de la présidentielle, à certains candidats. 

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Une autre disposition sournoise est prévue. “Dans le cas d'une présence sur plus d'une liste, le parrainage sur la première liste contrôlée, selon l'ordre de dépôt, est validé et est invalidé sur les autres”. Rien n'empêche donc le parti au pouvoir, soupçonnant un citoyen d'avoir parrainé un adversaire, de le pousser, via la corruption ou la menace, à faire de même pour son candidat, qui aura de toute façon plus vite réuni ses parrainages que les autres. Bien sûr, un multi-parrainage est puni par une amende et une peine de prison. Mais qui rend la justice, sinon le pouvoir ? 

Au , pays qui a déjà connu plusieurs alternances pacifiques, les effets de censure de ce système de parrainages ont pourtant été dénoncés par l'opposition, et par la mission d'observation de l'.

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« Dans une petite communauté, le parrainage, qui peut être interprété comme une intention de vote, exposerait nécessairement le citoyen concerné », avait-elle constaté. Et pourtant, le sang ne coule pas abondamment au pays de la Téranga au moindre scrutin ! 

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