Le Général Vagondo Diomandé est-il l’homme de la situation ? : analyse de Jean Bonin

Le Général Vagondo Diomandé, ministre de la sécurité et de la protection civile, depuis 2019, a été nommé ministre de l'Intérieur le 15 décembre 2020. Il cumule donc la Sécurité et l'Intérieur. Deux très gros portefeuilles ministériels.

Sur la base des dénonciations que nous recevons quotidiennement de nos abonnés, nous allons nous atteler à analyser, en toute objectivité, la gouvernance managériale du ministre Vagondo à la tête de son ministère.

Dans le cadre de cette analyse, nous nous appuierons sur le décret N° 2022-301 du 04 mai 2022 portant attributions des membres du gouvernement, en ses dispositions relatives au champ de compétence du ministre chargé de l'Interieur et de la sécurité (art 6).

Nous analyserons deux des principales attributions de ce ministère en ce qu'elles concentrent la plupart des dénonciations reçues par FIER. Il s'agit des attributions relatives à l'Intérieur et à la Sécurité.

A – En ce qui concerne la sécurité intérieure :

Nous notons une nette amélioration de la gouvernance sécuritaire dans notre pays. De fait, le nombre de dénonciations pour surfacturation de certaines prestations policières est en chute libre. Dans la quasi totalité des commissariats, les tarifs officiels des prestations sont affichés et visibles par les usagers. À titre d'exemple, depuis le mois de décembre, nous n'avons plus reçu de dénonciations relatives à des surfacturations du coût des attestations d'identité dans les commissariats.

En ce qui concerne le racket sur les routes, le nombre de dénonciations a aussi baissé, même si dans un corps de police qui compte plus de 22 000 membres, de mauvaises pratiques subsistent.

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Doit-on mettre cette embellie à l'actif du ministre en charge de la sécurité ? Objectivement, rien ne permet de soutenir cela. En effet, contrairement au DGPN qui a multiplié les actes administratifs (notes de service, circulaires…) à l'endroit de ses collaborateurs pour exiger d'eux qu'ils soient irréprochables, comme l'a fait récemment la ministre de l'éducation relativement à des rançonnages dans son ministère, nous n'avons trouvé aucune note écrite y afférente du ministre de l'intérieur.

Clairement, l'efficacité relative actuelle de la sécurité en Côte d'Ivoire et plus particulièrement de la police nationale est plus à mettre à l'actif du DGPN qui est lui-même sur tous les fronts qu'à celui du ministre. Nous en voulons pour preuve le récent séminaire de réflexion et de perfectionnement de ses services qu'il vient d'organiser.

B – En ce qui concerne l'Administration du territoire

Nous avons interpellé à plusieurs reprises le ministre sur la persistance d'une pratique dans les sous préfectures qui consiste en la tarification, variable, d'une sous préfecture à une autre, des actes administratifs.

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Ainsi, alors que le principe c'est la non tarification des actes, autres que les timbres fiscaux, dans certaines sous-préfectures les attestations d'identité sont facturées jusqu'à 7000FCFA, au su et au vu du ministre.

Les sous-préfets expliquent ce racket d'Etat par le fait que les agents et fonctionnaires affectés dans ce ministère ne perçoivent aucune indemnité ni prime, contrairement à la plupart des autres ministères. Ils se paient donc, en toute illégalité, « sur la bête ».

Le ministre de l'Interieur n'a, jusqu'à présent, pas pris aucune mesure efficace pour demander à ses collaborateurs de respecter les tarifs officiels. Pas plus qu'il n'a mené à bon terme, en Conseil des ministres, un projet de décret ou une communication en vue d'améliorer la situation financière de ses collaborateurs.

C – En ce qui concerne l'Administration décentralisée

FIER reçoit quotidiennement de nombreuses dénonciations relatives aux polices des collectivités locales (Districts et communes) qui dressent, en toute illégalité, des contraventions fantaisistes qui sanctionnent des infractions au code de la route, qui devraient relever des prérogatives régaliennes de la police nationale.

Ainsi, là où la police nationale dresse des contraventions à 2000F pour des infractions routières, les policiers municipaux imposent un paiement de 22500F à payer non pas dans les caisses du Trésor public mais dans des régies financières municipales, alors même que dans la nomenclature des recettes budgétaires des collectivités territoriales, nulle part il n'est dit qu'ils sont autorisées à percevoir des recettes additionnelles au titre du recouvrement de contraventions aux infractions routières ou de police judiciaire.

Le ministre de l'Intérieur a, là aussi, plusieurs fois été interpellé. Force est, malheureusement, de constater qu'il n'a pris aucune mesure pour mettre fin à cet autre racket généralisé d'Etat.

D – En ce qui concerne l'identification des personnes

FIER est constamment saisie de dénonciations relatives à de nombreux dysfonctionnements de l'ONECI, lesquels privent des milliers de nos compatriotes de leur CNI, alors qu'ils ont fourni tous les documents nécessaires et payé tous les droits requis.

Nous avons, à ce sujet, saisi le DG de l'ONECI qui est sous la tutelle technique du ministre de l'Intérieur et de la Sécurité. Aucun des deux n'a réagi pour trouver une solution durable et définitive à ce problème qui ternit passablement l'image de toute l'Administration ivoirienne.

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E – En ce qui concerne la fraude sur les pièces d'identité et le passeport ivoirien

Nous avons interpellé le ministre à maintes reprises sur ce phénomène de fraudes sur les documents administratifs ivoiriens par des ressortissants étrangers, notamment dans les pays maghrébins.

Là aussi, ne ne voyons aucune mesure de sécurisation des documents d'identité prise par le ministre, qui semble totalement s'en désintéresser. Or, cette situation entache l'image de la Côte d'Ivoire dans les pays concernés, lorsque des personnes non ivoiriennes commettent des infractions avec des faux documents administratifs ivoiriens en leur possession.

F – En ce qui concerne la politique de contrôle de l'immigration

Difficile de dire qu'il existe en Côte d'Ivoire une véritable politique de contrôle de l'immigration et quelles en sont ses principales articulations. Quelle est la vision du ministère de l'intérieur et de la sécurité sur l'immigration en Côte d'Ivoire et notamment les mesures de réciprocité prises quand, par exemple, il est de notoriété publique qu'un pays comme le Ghana, de surcroît membre de la CEDEAO, impose aux ressortissants ivoiriens d'avoir à payer, chaque année (120 $), une carte de résident, dès lors qu'ils séjournent plus de 90 jours sur le territoire ghanéen ?

Les contrôles aux frontières terrestres sont plus que préoccupants. On n'a pu l'observer avec les attentats terroristes de Grand Bassam où les assaillants, après leur acte, sont remontés sans aucune entrave jusqu'au Mali.

À tout cela vient de s'ajouter le fait que l'ONECI s'attribue désormais la prérogative de délivrer les cartes de résidence aux étrangers. Si ce n'est plus la police qui délivre ces cartes de résident, comment peut-elle contrôler le nombre d'étrangers qui résident effectivement sur son territoire, dans une localité donnée ?

G – En ce qui concerne la dématérialisation des actes

Alors que de plus en plus d'Administrations modernisent leurs services en procédant à la dématérialisation des actes, on voit bien que le ministère de l'intérieur n'est pas engagé dans cette dynamique. Or, c'est un passage obligé pour rapprocher l'administration de ses administrés.

De nos jours, il n'est plus nécessaire que les usagers se déplacent pour se faire établir un certain nombre de pièces administratives, telles que les extraits d'actes de naissance ou les actes de mariage. La dématérialisation sécurisée permet de mettre en chantier un tel projet, au bénéfice des populations.

Le ministère de l'économie et des finances, à travers notamment les impôts et surtout le Trésor avec sa solution Trésor Pay, permet aujourd'hui à des milliers d'usagers de payer leurs contributions fiscales en ligne. Le ministère des transports a prévu également de mettre en place un tel système pour ce qui concerne le permis à point.

NOTRE CONCLUSION

Nous n'avons pas passé en revue toutes les prérogatives du ministère de l'intérieur et de la sécurité, mais essentiellement celles pour lesquelles nous recevons des dénonciations.

Sinon, en ce qui concerne l'organisation du Hadj, il y a à redire. Tout comme, s'agissant du paiement de la dotation budgétaire des collectivités territoriales.

À partir du traitement des dénonciations que nous recevons et de l'absence d'initiatives du ministre en vue de corriger les dysfonctionnements relevés, nous sommes fondés à affirmer que le ministre Vagondo n'est pas l'homme de la situation à ce ministère.

Compte tenu de la menace djihadiste et du péril territoriste au nord du pays, nous suggérons que le gouvernement sépare le securité de l'intérieur et confie l'intérieur à un spécialiste des questions sécuritaires qui a fait ses preuves et qui connaît parfaitement les défis sécuritaires auquel notre pays est confronté.

Nous sommes persuadé de la police est le 1er rempart contre les coups d'Etat et autres désordres dans un pays. Il est donc nécessaire de confier la sécurité non pas à un politique mais à un spécialiste.

En ce qui concerne l'intérieur, là aussi, compte tenu dus retards accumulés en Côte d'Ivoire, nous suivrons de le confier à un réformiste qui a une claire vision moderniste de l'Administration. Cet homme de terrain devra avoir la culture du résultat, s'il veut transformer de façon efficiente notre administration décentralisée et territoriale.

Written by Jean Bonin

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