« Ces réformes constitutionnelles qui risquent de rendre la Côte d’Ivoire presque ingouvernable dans l’après-Ouattara »

Alassane Ouattara
Ivory Coast's President Alassane Ouattara looks on as he attends the opening of an extraordinary session of the West African Economic and Monetary Union zone (UEMOA) on April 10, 2017 in Abidjan. / AFP PHOTO / SIA KAMBOU

Pourquoi Alassane Ouattara veut-il impliquer les Députés dans la nomination du Vice-président de la République ? Que dit l'Article 38 de la Constitution ?

Lors de son adresse à la Nation, le président sortant, Alassane Dramane Ouattara, a levé le voile sur trois (03) réformes parmi tant d'autres qu'il compte effectuer dans le cadre de son projet de modification de la Constitution. Ces réformes sont d'ordre institutionnelles.

I- REFORME LIÉE A LA VICE-PRÉSIDENCE :

En Novembre 2016, a fait instituer le poste de Vice-président dans le . Selon cette constitution, le Vice-président est élu au suffrage universel en tant que colistier du président de République. Contre toute attente, alors que Ouattara est en fin de mandat, il décide (à 07 mois de la future présidentielle) de changer le statut du Vice-président de la République. Ainsi, le Vice-président devra désormais être proposé et nommé par le président de la République avec l'accord du parlement. Il faut rappeler qu'en cas de vacance de la présidence par décès, démission ou empêchement absolu du président, le vice-président devient président et exerce la fonction jusqu'à l'expiration du mandat en cours. Je suppose que vous mesurez d'ores et déjà l'importance d'une telle fonction au sommet de l'exécutif. Pourtant, le bon sens aurait voulu que celui qui est susceptible de remplacer le président de la République en cas de force majeure soit un élu de la République comme le Chef de l'Etat lui-même ou encore le président de l'Assemblée Nationale.

Pourquoi Ouattara veut-il impliquer les Députés et les Sénateurs dans la nomination du Vice-président de la République ?

**Ouvrons d'abord une parenthèse.
Ouattara dispose de la majorité absolue à l'Assemblée Nationale et au Sénat. Il a pu obtenir cette majorité au prix d'un électorale qui tire ses racines d'une part dans le découpage électoral de notre pays, et d'autre part dans l'organisation des élections législatives non seulement avec une commission électorale fortement partisane de la cause de Ouattara ; mais aussi, sans que les membres de l'Opposition aient pris part à ces élections puisque emprisonnés et exilés du fait de leurs opinions politiques.

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La base électorale du est essentiellement issue du nord de la Cote d'Ivoire. Or la population ivoirienne inégalement répartie est à 80% concentrée dans l'autre moitié du pays ; en partant du centre au sud. L'inconvénient pour le parti de Ouattara est que cette zone est réputée proche de l'Opposition. Ouattara décide alors de faire le découpage électoral ci-après.

Le NORD avec ses 398 261 électeurs (on leur octroie 67 communes), le CENTRE avec ses 551 956 électeurs (on leur octroie 24 communes), le SUD avec ses 2 584 858 électeurs (on leur octroie 59 communes), l'EST avec ses 253 292 électeurs (on leur octroie 21 communes), et l'OUEST avec ses 468 778 électeurs (on leur octroie 31 communes).

Ce découpage électoral ajouté à l'organisation d'élections législatives sans la participation de l'Opposition a permis au RHDP d'avoir 164 sièges / 255 à l'Assemblée Nationale et 83 sièges / 99 au Sénat. A présent, nous comprenons tous que le Parlement ivoirien n'est pas représentatif de la population on du peuple ni des différentes sensibilités politiques qui constituent le paysage politique ivoirien. Tout au long de sa gouvernance, M. Ouattara a dû fonder la légalité de ses actions sur un Parlement clanique, partiel, partial, et parcellaire.
Refermons la parenthèse.**

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Ceci dit, à quelles situations pourrons-nous être confrontés après les élections d'Octobre 2020 ?
– 1er cas : Si le RHDP (Parti de Ouattara) remporte le scrutin, il sera alors plus facile pour Ouattara d'être nommé au poste de Vice-président et de continuer de maintenir son emprise sur la gestion du pays.
– 2ème cas : Si l'Opposition remporte les élections, il sera alors plus aisé pour les élus (députés et sénateurs) du RHDP d'imposer un Vice-président au Chef d'Etat nouvellement élu ou à la limite de boycotter l'exécutif au cas où le Vice-président proposé au Parlement ne leur est pas favorable.
– 3ème cas : Si le scrutin présidentiel est annulé pour des raisons de troubles ou d'irrégularité constatées avant, pendant ou après le vote. (Vous comprendrez l'explication de ce cas sera détaillée dans la suite de l'analyse).

II- REFORME LIÉE AU POUVOIR LÉGISLATIF :

« En cas d'impossibilité d'organiser les élections parlementaires, il est proposé que le Parlement demeure en fonction jusqu'à l'organisation desdites élections. », affirme le camp présidentiel.
Et pourtant, l'Article 59 de la Constitution fixe formellement le mandat du Député à cinq (05) ans sans ajouter une quelconque forme de continuité de mandat. Ce nouvel élément prend donc tout son sens dans (le 3ème cas de la Partie I).
En effet, l'actuel mandat des Députés actuellement en exercice prend fin en 2021. Et celui des Sénateurs, bien au-delà puisqu'ils ont été élus en Mars 2018. Ce qui veut dire qu'en 2021, pendant que les seront appelés aux urnes pour élire leurs nouveaux Députés, le Sénat (où le parti de Ouattara est ultra-majoritaire) continuera toujours de fonctionner sans soucis : normal.

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Et si le scrutin présidentiel est annulé pour des raisons de troubles ou d'irrégularité constatées avant, pendant ou après le vote, M. Ouattara pourrait ainsi demeurer président selon l'Article 38 de la Constitution, et peut en conséquence user de subterfuges pour retarder l'organisation de nouvelles élections présidentielles. Or tant que les nouvelles élections présidentielles ne sont pas organisées, les élections législatives ne peuvent pas non plus être organisées. Ce serait donc une situation de crise qui continuera d'alimenter le ‘'restaurant'' du RHDP, pendant que l'Opposition et les ivoiriens débourseront des moyens colossaux pour une sortie de crise.

Au passage, Que dit l'Article 38 de la Constitution ?
« En cas d'événements ou de circonstances graves, notamment d'atteinte à l'intégrité du territoire, ou de catastrophes naturelles rendant impossible le déroulement normal des élections ou la proclamation des résultats, le Président de la Commission chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel aux fins de constatation de cette situation.
Le Conseil constitutionnel décide dans les vingt-quatre (24) heures, de l'arrêt ou de la poursuite des opérations électorales ou de suspendre la proclamation des résultats. Le Président de la République en informe la Nation par message. Il demeure en fonction. »

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CONCLUSION
Que Alassane Ouattara quitte le pouvoir ou pas, ces réformes cruciales qu'il est effectue (sans l'avis du peuple souverain qui est consultable par voie référendaire) lui permettent de garder un pied ou une influence dans le prochain quinquennat. Entre-temps, le gouvernement annonce que d'autres modifications vont suivre les jours à venir.

Voici en réalité ce dont il est question quand, dans mes analyses précédentes, je parlais du ‘'Virus Ouattara » dans « l'après Ouattara ». C'est le même problème que vit aujourd'hui la République Démocratique du Congo. Le « Virus Kibala » domine les institutions Congolaises malgré « l'après Kabila » sous le règne actuel du président .

Written by Malan Aka

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