Vincent Toh Bi ses conseils aux Ivoiriens : « Y’a lahan dedans »

« Y'a lahan dans affaire de terre « , Vincent Toh Bi Irié, ex-préfet d'Abidjan, invite les Ivoiriens à investir dans les plantations.

Tu les vois agbôlô* comme ça, c'est parkings et boîtes de nuit ils surveillent. Un vrai gâchis de force naturelle! Et ils vous diront qu'il n'y a pas d'autre chose à faire, d'autres emplois que ça. Y a d'autres qui refusent de faire des études; leur rêve, c'est de devenir stars sur les réseaux sociaux en train de jouer les clowns. Y a d'autres encore. si eux ils n'ont pas porté cravate pour s'asseoir dans bureau, c'est que leurs mamans les ont pas encore mis au monde .

Y a d'autres enfin , leur spécialité c'est escroquerie, escroquerie de cœur des gos, escroqueries de terrains, escroquerie de poches de leurs camarades.

Sérieux , on passe le temps à Abidjan à se faire des vies artificielles, alors qu'il y a plein d'argent qui pourrit au champ, dans les plantations et dans nos villages .

Tous ces agbôlôs, ces personnes oisives, ces sans-emploi, ces jeunes ingénieux et entreprenants peuvent trouver une vie heureuse et épanouie dans l'agriculture qui est possible partout, car chaque village dispose de beaucoup de terres inexploitées.

L'agriculture seule peut résorber une bonne partie de tous les problèmes du pays et offrir des emplois à une bonne proportion de la population, en améliorant les revenus individuels et la qualité de vie aussi bien en zone rurale qu'en ville .

Y'a lahan dans affaire de terre . Dieu nous a donné de belles terres, riches , bien arrosées par la pluie et par les cours d'eau .

Sans porter davantage de préjudice à la terre, sans détruire ce potentiel naturel, sans réduire le couvert végétal , en maximalisant et organisant bien les surfaces déjà exploitées, on peut produire bien , commercialiser mieux et s'enrichir plus .

Regardez l'anacarde dans une bonne partie du Nord et du Centre . Elle a radicalement changé la qualité de vie de beaucoup de villages où il n'y a plus de cases rondes en terres, mais plutôt de belles maisons. Les parents avec les nouveaux moyens assurent de bonnes scolarités à leurs enfants et disposent maintenant de comptes bancaires s'il vous plaît.

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Des produits de cycle court tels le maïs ( 3 mois) ou le manioc (6-12 mois) sont achetés souvent avant la récolte tellement ils sont demandés. Une location ponctuelle de terres pour les pratiquer rendrait des gens heureux .

Mais pourquoi on n'en parle pas suffisamment pour motiver la jeunesse à s'y investir ?

Ne regardez pas les habits sales et déchirés du champ. Ils cachent le diamant.

Dans l'élevage comme dans le travail de la terre, il y a de la richesse. En matière de poissons et de viandes seulement, la Côte d'Ivoire ne produit même pas 30% de ce que nous consommons . Tout le reste vient de l'étranger. Donc ceux qui se mettent à l'élevage , s'ils sont aidés et encadrés, ne peuvent qu'avoir des marchés, être indépendants et avoir des opportunités.

J'encourage les start-ups et les jeunes entreprises ivoiriennes dynamiques à accorder un peu plus d'intérêt au domaine de l'agriculture. Je constate une floraison de start-ups et jeunes entreprises dans le domaine de la technologie, de l'immobilier, du transport, de la communication, des produits financiers, de la restauration. Et pourtant les applications technologiques ou les opportunités d'affaires sont infinies dans l'agriculture également peu investie par les petites entreprises.

Les start-ups par exemple peuvent faire des prodiges technologiques dans les domaines agricoles: analyses de la qualité des terres et des cultures appropriées, inventions d'engrais bio et composts naturels, mécanisation agricoles, récoltes automatisées, systèmes intelligents d'irrigation, prévisions météorologiques, transformation locale et sur sites, négoce international, transport , distribution, financement, systèmes de paiements.

Pourquoi tous les continents du monde mécanisent leurs agricultures, y appliquent les toutes dernières technologies et nous en Afrique, on continue de cultiver avec des dabas et des machettes comme nos arrières-arrières-grands-parents cultivaient ? Donc nous Africains on est venus au monde pour ne jamais évoluer, quoi ? Nous on est condamnés à rester derrière et derniers quand la terre entière est loin devant ? Sommes-nous limités à récolter nos produits et à les mettre bruts sur les bateaux pour aller être transformés dans les autres continents et ramenés à 20, 40, 50 ou 100 fois plus cher?

Avec nos start-ups et nos jeunes entreprises, qui, il faut l'avouer, ont une puissance dans l'innovation et les approches, avec nos jeunes qui ont étudié dans les plus grandes Universités de la Terre, nous pouvons rattraper notre retard et être une puissance agricole incontournable, à un moment où chaque crise militaire ou politique menace la sécurité alimentaire mondiale.

Avec nos jeunes entreprises et nos start-ups, nous pouvons réussir là où nos États n'ont pas toujours pu faire évoluer les pratiques ancestrales.

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Avec nos jeunes, nous pouvons enfin transformer en différents produits toutes nos spéculations et leurs dérivés. Prenez quelques exemples: du cacao, on ne prend que la fève. Le jus , la cabosse vide , les feuilles sont jetés. De l'anacarde, on se contente de la noix . Le jus, la pulpe sont jetés. Très peu d'entreprises font de la transformation et même quand elles le font , elles produisent si peu que cela ne suffit pas pour alimenter une seule boutique de façon permanente pendant une année.

Il y a tellement de gaspillage et de déperdition dans l'agriculture dans notre pays que les produits rejetés ou inutilisés pourraient eux-mêmes alimenter toute une économie.

Au lieu de regarder le ciel , de sacrifier des bœufs, des poulets et souvent autre chose pour savoir quand la pluie va tomber, on peut savoir par des collaborations avec des agences spatiales, quel jour il va pleuvoir exactement à Tioronaradougou ou à Angbavia, de quelle heure à quelle heure et la quantité exacte de pluie qui va tomber. Aujourd'hui, nos jeunes ont la capacité de pénétration de grandes entreprises et agences spatiales, elles peuvent nous aider à innover dans ce domaine. De bonnes prévisions sur la pluviométrie, c'est une bonne agriculture et d'excellentes récoltes et profits .

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Y a lahan dans la terre .

Regardez vous -mêmes: -location d'engins pour préparer le planning sur un terrain: 500.000 frs/jour

-débrouillage-abattage: 150.000 frs/ha

-labour: 100.000 frs/ha

-sarclage, piquetage, trouaison : 280.000 frs/ha

-achat graines, pépinières, semences sélectionnées: dépend de la spéculation

-personnel : 100.000 frs/ agent

-entretien: 180.000 frs/ha/an

-Engrais/compost: 120.000 frs/ha

-herbicides: 100.000 frs/ha

-équipement de travail: millions

-système d'irrigation: dizaines de millions

-transport de pépinières sur sites ou de récoltes : 500.000 frs/ voyage .

Si vous fournissez ces services , vous vous faites des ressources financières importantes.

En plus de tous ces coûts qui ne sont pas exhaustifs , la main d'œuvre est devenue rare . Ceux qui étaient ici ou qui sont venus des pays voisins sont devenus propriétaires. Ils ne travaillent plus pour les gens mais pour eux-mêmes. Beaucoup de manœuvres sont devenus orpailleurs clandestins, il y a gros argent en vitesse là bas . Qui va se contenter de travaux champêtres pénibles? Donc même si vous avez de l'argent , vous pourriez ne pas avoir de main d'œuvre pour travailler dans vos plantations. Une entreprise pourrait organiser des travailleurs saisonniers pour des exploitations agricoles et permettre à des populations, des élèves et étudiants majeurs d'avoir un peu d'argent, comme cela se fait en Europe, aux États-Unis, au Canada. Là encore, il y a une opportunité de business légal et social.

En moyenne dans le monde , ce sont 146 kilogrammes d'engrais qui sont utilisés par hectare d'exploitation agricole . Par chance , la moyenne en Afrique est de 22 kilogrammes par hectare. Gloire à Dieu! Cependant pour limiter l'usage des pesticides et engrais aux conséquences dangereuses qui peuvent durer pendant des siècles, les entreprises locales qui fabriqueraient des composts et engrais bio seront prospères et sauvegarderont nos terres d'une destruction durable.

Quand vous vous plaignez que des produits vivriers sont devenus chers sur le marché, c'est parce que nos parents n'ont pas toujours l'argent pour payer tous les frais ci-dessus . Ils se contentent donc de petites productions qui conduisent quelques fois à la raréfaction de produits vivriers sur le marché.

Donc s'il y a beaucoup de start-ups et entreprises qui investissent le domaine agricole , elles pourront trouver des solutions faciles et considérablement réduire les coûts ci-dessus, en se faisant de bonnes opportunités d'affaires pour elles mêmes tout en aidant le monde agricole.

Ceux qui offrent des services agricoles ont de bonnes opportunités d'affaires comme on le voit . Ceux qui produisent ont aussi leurs profits .

C'est vrai que les frais sont élevés , mais les prix des produits agricoles , qu'ils soient du vivrier ou des cultures pérennes, sont en constante hausse et les cultivateurs et planteurs rigoureux et consciencieux s‘en sortent bien : gombos, piments, tomates, aubergines , manioc, oignons, carottes , ail, légumes igname, akpi, anacarde, café, cacao, agrumes, arachides , noix, tout marche , se vend et s'achète bien.

Ceux qui ont des moyens et qui peuvent vendre l'excès de produits vivriers à l'étranger seront encore plus heureux s'ils développent de bons circuits : 1 kilogramme de bananes plantain origine Côte d'Ivoire coûte au Sénégal 1.500 frs/kilo et une noix de coco qui revient à 75 frs à Bassam coûte là bas 800 frs !!! L'attieke se vend à tous les coins de rue de Dakar. Des entreprises ivoiriennes pourraient donc explorer ces opportunités, exporter et renforcer la solidarité régionale en approvisionnant régulièrement ces marchés tout en réduisant considérablement les coûts pour que chaque Ouest-Africain puissent s'acheter les produits des terroirs ouest-africains.

Sur toutes les routes de Côte d'Ivoire, vous trouvez de nombreux produits agricoles vendus en abondance tous les 5 ou 10 kilomètres. Une bonne partie de cette production pourrit dans les zones rurales. Une desserte rationnelle et une récupération alimenterait bien plus un commerce sous-régional.

Les gars , y a lahan dans la terre. C'est pas mieux on va aller s'installer au village pour avoir pour nous aussi ?

*lahan: l'argent (en nouchi, langage ivoirien)

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