Les révélations de Chris Yapi sur l’affaire Soro, Amon-Tanoh…

Chris Yapi fait des révélations sur le procès de la justice ivoirienne contre Guillaume Soro condamné a 20 ans de prison en Côte d'Ivoire.

Le métier d'enquêteur d'investigation est un métier risqué, très risqué même. Ce métier, je le pratique par passion. Aussi, bien que j'aie été menacé de mort, je ne peux m'empêcher de fouiner dans les dossiers de l'État. Malheureusement, en Côte d'Ivoire, on a vite fait de ranger l'enquêteur-investigateur au titre des ennemis d'État, hélas. Pour en savoir plus sur l'affaire de l'achat de la maison de , j'ai dû me résoudre, puisque je ne suis pas actuellement au pays, à bien me renseigner par un témoin fidèle qui a enregistré l'audience. Pour ceux qui ne le savent pas, les hommes encagoulés ont fait un tour à mon domicile en vue de m'exécuter, estimant que ma place était bien meilleure dans une tombe que dans une cellule. Bref, revenons au dossier du jour.

Il faut savoir que ce dossier d'achat de résidence a un nom, c'est le dossier Sansan Kambilé.
En effet, au moment où le Président Ouattara, dans sa rage contre Guillaume Soro, avait demandé de trouver des dossiers compromettants contre celui-ci, le Ministre Sansan Kambilé, avec le zèle qu'on lui connaît, a dit au Président qu'il avait été témoin (manquant de dire coauteur) d'un dossier compromettant contre M. Soro, datant du temps où lui, Sansan Kambilé était conseiller du Ministre de la Construction, un certain . « Bingo ! » s'était alors écrié le Président Ouattara.

Ainsi, on venait par le truchement de Sansan Kambilé de trouver la bombe nucléaire qui allait permettre d'écarter Guillaume Soro de la course à la Présidence de la République. Sansan Kambilé, comme c'est le propre des traitres, a oublié tous les bienfaits à lui rendus par le Ministre Amon-Tanoh, alors son conseiller juridique du temps où il était Ministre de la Construction. Oui, en sa qualité de conseiller, Sansan Kambilé a escroqué au passage quelques libanais à qui il vendait des terrains bien litigieux. Il a aussi oublié tous les bienfaits du Premier ministre d'alors, un certain Guillaume Soro qui fit sa carrière, le nommant successivement Directeur du département juridique de la Primature, Secrétaire National à la bonne gouvernance et enfin Secrétaire Général du gouvernement. Cela Sansan Kambilé n'en a cure aujourd'hui.

LIRE AUSSI: Mamadou Traoré révèle : « le RHDP vient de tomber dans le piège de Soro »

Ce dossier a donc un point de départ, le Ministre de la Justice Sansan Kambilé et un point d'arrivée, le même ministre Sansan Kambilé. Traîtrise quand tu nous tiens ! Fermons la parenthèse.

Chris Yapi est en mesure de vous dire ce qui s'est passé lors du procès express qui a vu la condamnation de Guillaume Soro à 20 ans de prison par le juge Cissoko Amouroulaye, sur ordre direct d' et mis en œuvre par le falot Sansan Kambilé.

Ce procès s'est déroulé dans la grande salle des audiences correctionnelles du Tribunal d'-Plateau. L'un des magistrats consultés m'a notifié que cette instance n'avait pas qualité pour juger un ancien Premier ministre selon la constitution ivoirienne. Mais, passons.
Le tribunal était composé de M. Cissoko Amouroulaye Ibrahim, Président du Tribunal, avec pour assesseurs, les magistrats Koné Bernard et Bini Yao, tous deux vice-présidents du tribunal. Le Ministère public était tenu par le désormais célèbre Adou Richard, Procureur de la République. Il était assisté d'un substitut que Chris Yapi n'a pas pu identifier puisqu'il portait un masque facial selon mon indic.

L'État de Côte d'Ivoire, qui était la partie plaignante dans ce procès était représenté par :

– Me Gueu Patrice
– Me Samassi Mamadou
– Me Méité Abdoulaye
– Me Mamadou Koné
– Me Marie Irène Niamkey

La partie défenderesse, c'est-à-dire M. Soro, n'était pas représentée à ce procès et pour cause ? Ses avocats ne reconnaissent pas à cette instance la compétence pour juger leur client et au surplus, une institution supérieure a déjà ordonné le 22 avril passé, la suspension de cette procédure, en l'occurrence la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples.
Le procureur a affirmé qu'il a envoyé un huissier remettre une convocation à M. Guillaume Soro à sa résidence de Marcory, qui avait été pourtant saisie et mise sous scellés depuis le 23 décembre 2019 ! Le procureur savait pertinemment que seuls des policiers occupaient la résidence depuis cette date, après l'avoir intégralement pillée d'ailleurs. Le tribunal savait bien que M. Soro avait quitté cette résidence depuis plus d'un an.
À preuve, sachant qu'il ne résidait pas en Côte d'Ivoire, c‘est un mandat d'arrêt international qu'ils avaient lancé contre lui. Mais pour ce procès, ils ont subitement feint d'ignorer qu'il n'était plus en Côte d'Ivoire et bien en où il se trouve confiné.
À ce procès, il n'y avait qu'un seul témoin : Me N'Guessan René (ce nom ne vous rappelle pas un souvenir ? Je vous en dirai plus ci-dessous), un respectable notaire de 80 ans défendu par son avocat Me Akré Tchakret Évariste.

LIRE AUSSI: Côte d'Ivoire : le bilan monte à 1333 confirmés au coronavirus avec 58 nouveaux, ce 1er mai 2020

Ce procès avait un seul but : prouver que Guillaume Kigbafori Soro était receleur des fonds publics détournés pour s'acheter une maison en 2008 et le condamner pour le rendre ainsi inéligible à l'élection présidentielle de 2020. Du reste, je vous avais déjà annoncé ce procès dans un de mes précédents écrits. Ce ne fut cependant pas une mince affaire. Le droit fuira par la fenêtre comme vous allez le constater.

Tout d'abord le notaire ne s'en est pas laissé conter. Il n'a nullement été intimidé par la horde d'avocats déployée par l'État contre lui, ni par les insinuations du Président du tribunal. Avant de venir à la barre, il avait obtenu une ordonnance de non-lieu, ce qui faisait qu'il n'était plus poursuivi comme complice dans cette affaire, mais intervenait comme simple témoin. Il a été abondamment questionné sur les circonstances de temps et de lieu qui ont entouré l'opération d'achat de la maison de Guillaume Soro à Marcory. Le notaire a expliqué qu'il avait été convoqué à l'Hôtel du Golf par Marcel Amon-Tanoh, alors Ministre de la Construction et Charles Koffi Diby, Ministre de l'Économie et des Finances. Vous avez remarqué que Guillaume Soro n'était pas à cette rencontre. Quand, le notaire s'est rendu à cet hôtel, les deux ministres lui ont expliqué le projet d'achat d'une maison pour le Premier ministre Guillaume Kigbafori Soro. Citons-le in extenso :

« Ils m'ont demandé de constituer la Société Civile Immobilière (SCI) Ebur en m'indiquant que cette SCI aurait pour associés MM. Koné Kamaraté Souleymane et Cissé Mory, ce dernier en serait le gérant. J'ai alors créé la SCI et ensuite nous avons signé l'acte de vente. J'ai reçu des virements du Trésor. Sur les montants reçus, j'ai réglé 1 milliard 400 millions de FCFA à M. Adrien Houngbedji le vendeur et le reste des fonds a été payé à une agence immobilière désignée par le Ministre M. Amon-Tanoh, à titre, m'a-t-on expliqué, de frais de négociation de la vente et de rénovation de la villa » a expliqué le notaire.

Il apparaît donc que la villa n'a pas coûté 1 milliard 500 millions, comme cela a été dit. Le reste de l'argent a été partagé entre les ministres et la société immobilière qui a repéré la maison en vente et l'a proposée au ministère de la Construction. Cette société immobilière n'existe plus, mais elle était dirigée à l'époque par Mme Érika Duparc ex-compagne du Ministre Marcel Amon-Tanoh.

Alors, le truculent juge Cissoko Amouroulaye, croyant intimider le notaire, essaie de le prendre à défaut et lui lance : « Trouvez-vous normal que des fonds sortent du Trésor pour acheter un bien qui n'est pas au nom de l'État ? » Et le notaire de répondre calmement : « du moment que l'opération était chapeautée par des hommes d'État, de surcroît ministres de la République, cela n'avait rien d'anormal ni d'illégal ».

Cette question du juge fait rire Chris Yapi. Que des fonds sortent du Trésor pour mener des opérations politiques, n'est ni illégal ni anormal. À preuve : le Ministre Amon-Tanoh, du temps où il était Ministre de la Construction a été particulièrement généreux avec le couple Ouattara. Non seulement, il leur a offert à titre gracieux, les meilleurs terrains de construction dans la ville d'Abidjan, mais aussi des financements de son ministère venaient alimenter les poches de M. Alassane Ouattara et son parti, le RDR. Le même Amon-Tanoh a été le principal négociateur auprès du Président Gbagbo et Charles Koffi Diby pour faire payer sans décision de justice au Président Alassane Ouattara plus de 2 milliards de FCFA, je dis bien 2 milliards de FCFA de la part du Trésor public pour la réhabilitation de sa résidence de Cocody-Anono. Alassane Ouattara a bel et bien empoché les 2 milliards du Trésor pour rebâtir une maison qui n'appartenait pas à l'Etat de Côté d'Ivoire.
Nous y reviendrons plus tard et nous dévoilerons au passage avec preuves, les maisons de l'actuel Premier et de Téné Birahima Ouattara (Photocopie) qui ont été construites avec l'argent du contribuable ivoirien par le célèbre architecte Pierre Fakhoury sous le régime Ouattara sans que cela ne choque le Procureur de la République d'Abidjan, Adou Richard.

LIRE AUSSI: Procès Soro : Said Penda réagit, « si Ouattara avait peur de ses adversaires, il n'aurait pas libéré Simone Gbagbo »

Poursuivons avec le procès. Les questions continuent de pleuvoir sur le notaire de la part du juge Cissoko :

– Connaissez-vous la Sogepie ?

– Oui, je connais la Sogepie. C'est l'organisme qui gère le patrimoine immobilier de l'État

– Ne vous est-il pas apparu qu'une opération de cette nature sans la Sogepie était illicite ?

– L'opération n'avait, de mon point de vue, rien d'illicite

Après le juge, le procureur Adou Richard vient lui aussi à la charge :

– Depuis combien de temps êtes-vous notaire ?

– Depuis 35 ans

– En 35 ans, combien d'opérations de ce genre avez-vous fait ?

– C'est la première fois.

Après le juge et le procureur, le témoin est confronté aux avocats de l'État. Le plus insipide d'entre eux, mais aussi le plus prétentieux, Me Méité Abdoulaye, à qui ses collègues reprochent d'être toujours prompt à aller pérorer devant les caméras, alors qu'en matière de droit pénal il est plutôt une mule, veut se rendre intéressant et pose sa question :

– Connaissez-vous la théorie des baïonnettes intelligentes ?

– Je ne comprends pas la question.

– Selon la théorie des baïonnettes intelligentes, celui qui est requis pour accomplir un acte doit s'en assurer de la licéité et à défaut, en assumer les conséquences. La question est alors de savoir comment il vous a échappé que des fonds sortis du Trésor pour acheter des biens pour un particulier ne couvraient pas un détournement ?

Me Akré Tchakret Évariste, l'avocat du notaire va lui rabattre le caquet : « un notaire n'a pas à sonder les arrière-plans d'un acte qu'il est requis de formaliser. Son rôle se limite à s'assurer de la régularité formelle. Qu'on ne vienne donc pas insinuer que mon client a couvert une opération illicite ». Fin de la discussion.

Me Gueu Patrice, un autre avocat de l'Etat, demande au notaire si le bien en question est au nom de M. Guillaume Kigbafori Soro. Ce à quoi le notaire répond par la négative.
Il relance : « vous avez déclaré lors de votre audition au cours de l'instruction qu'en 2017, M. Cissé Mory vous a approché pour vous demander de faire la mutation au nom de M. Soro ? ». Le notaire répond par l'affirmative.
Cette séquence est une révélation. Oui, sans le savoir l'avocat Gueu Patrice, qui au passage sera odieux avec l'ancien Premier ministre qu'il traita de délinquant, venait de donner l'occasion au notaire de disculper Guillaume Soro à son corps défendant.
Le notaire indique bien ainsi que la maison de Marcory, objet du litige, n'a jamais été au nom de M. Soro. Et donc, quand nous résumons les faits et les propos appuyés par l'acte notarié produit par Me René N'Guessan à la barre, il apparaît clairement :

1. Guillaume Soro n'a jamais utilisé les fonds dont il avait la gestion pour s'acheter une maison. Ces fonds étaient logés à la Primature et aucun centime de la Primature n'a été utilisé dans cette opération. Tous les fonds sont sortis du Trésor public.

2. La maison a été acquise pour lui par les ministres des Finances et son collègue de la Construction, donc pas par la Primature.

3. Les fonds ont été fournis par le Trésor dont la gestion n'était pas sous l'autorité directe du Premier ministre Guillaume Soro.

4. La maison n'étant pas au nom de M. Soro jusqu'à ce jour, elle ne lui appartient pas au regard du droit positif ivoirien. Guillaume Soro n'est donc pas propriétaire de ladite maison de Marcory, mais bel et bien la SCI Ebur.

Alors, une série de questions se posent :

1- Pourquoi fait-on juger Guillaume Soro, alors qu'on sait qu'il lui est impossible de se rendre à Abidjan du fait du en France où il réside et des fermetures des frontières ? Peut-on qualifier cela de fuite ?

2- Pourquoi n'a-t-on pas notifié la convocation à Guillaume Soro en France par voie diplomatique ?

3- Quelle urgence y avait-il à le faire juger par contumace par une instance qui n'a pas compétence pour le faire (Tribunal correctionnel) et malgré la décision de la CADHP ordonnant la suspension des poursuites contre lui ?

4- Pourquoi dans le souci de la recherche de la vérité, personne n'a entendu le Ministre M. Charles Koffi Diby qui était l'ordonnateur des fonds au moment des faits, quand on sait en plus que cette procédure a été entamée avant son rappel à Dieu ? À défaut, des fonctionnaires en charge ce dossier au moment des faits auraient pu être entendus par ce juge.

5- Pourquoi personne ne cherche à entendre le Ministre de la Construction de l'époque, Marcel Amon-Tanoh dans cette affaire ?

6- Pourquoi personne ne cherche à entendre la Directrice Générale du Trésor de l'époque, Mme Djédjé Mama Simone qui vit toujours en Côte d'Ivoire ?

7- Si Guillaume Soro est accusé de recel, de détournement de deniers publics, pourquoi alors les personnes qui ont autorisé et exécuté la transaction ne sont-elles pas poursuivies ?

8- Comment est-ce possible de poursuivre le receleur supposé sans en faire autant pour le principal coupable, celui qui a supposément détourné les fonds, c'est-à-dire l'État lui-même ?

Faisons un peu de polémique : j'écrivais plus haut que l'actuel Président de la République dans la même période avait bénéficié d'une somme équivalente pour sa résidence sans décision de justice et par les bons soins du Ministre Amon-Tanoh. Serait-il possible que le Trésor public enquête sur l'origine des fonds qui ont permis à Alassane Ouattara de rebâtir sa maison de Cocody-Anono ?

LIRE AUSSI: Côte d'Ivoire: les nouvelles règles d'acquisition de la propriété des terrains urbains

Vous l'aurez deviné : il s'agit d'un règlement de comptes politiques qui n'a rien à voir avec la justice. À propos de règlement de comptes, je vous parlais du notaire, Me René âgé de 80 ans, donc aîné du Président de la République actuel. Vous ne le savez peut-être pas, mais le Président Alassane Ouattara était décidé à faire condamner Me René N'Guessan et pour cause ? Tout simplement parce que lorsque les dossiers d'achat de son appartement à l'immeuble Signal à Abidjan-Plateau ont été publiés dans les journaux à l'époque de Bédié, tout le monde a vu que cet appartement avait été acheté avec son passeport burkinabé. À l'époque, ADO était fonctionnaire à la BCEAO au titre du . Alassane Ouattara en a conclu que c'était ledit notaire qui était à l'origine de la fuite compromettante pour sa candidature et il lui en a toujours voulu. Seul son âge avancé a sauvé le notaire de la prison.

Au sortir de l'audience, les juges étaient comme attristés. Il faut avouer qu'ils n'étaient pas particulièrement fiers d'eux-mêmes. C'est justement la raison pour laquelle ils avaient voulu ajourné le procès pour tenter d'expliquer au Ministre de la Justice Sansan Kambilé, les incohérences du dossier. Informé le Président piqua une crise d'urticaire menaçant de les limoger sur le champ. Alors, ce fut une avalanche de coups de fil de Sansan Kambilé en passant par Chantal Camara et Téné Birahima Ouattara. Pas question d'ajourner l'audience ! Le verdict est attendu par le Président d'un moment à l'autre. Sansan Kambilé poussa l'outrecuidance à envoyer par sms au juge la sentence qu'il devait prononcer. S'il ne l'a pas effacé, ce sms existe sûrement et pourra confirmer mes écrits.

LIRE AUSSI: Après les magistrats, l'ordre des avocats se dit inquiet : « Le droit et la politique s'entrechoquent »

Dans la cour, on entendait un magistrat bougonner : « Ces politiciens nous exploitent. Ils nous font faire le sale boulot et eux, ils se cachent là-bas dans leur salon. N'eut été à cause de ma famille, j'aurais rendu ma démission, car demain, quand il y aura des problèmes, ils ne seront pas là pour nous protéger. On nous demande de condamner le pauvre Monsieur pour rien, alors qu'on voit tout l'argent qu'ils détournent et les Libanais qu'ils escroquent à longueur de journée et on ne peut pas parler. Franchement, que Dieu vienne nous sauver de ces gens-là. »

Ainsi se trouve l'état d'âme de la justice ivoirienne. Aux dernières nouvelles, le Président Ouattara a fait parvenir un courrier à la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples pour lui signifier le retrait pur et simple de la Côte d'Ivoire de cette institution internationale. Tout ça pour un verdict rendu en faveur de Guillaume Soro.

Written by Chris Yapi

Chômage technique en Côte d’Ivoire : les promesses de Gon aux travailleurs le 1er mai 2020

Election FIF 2020 : Jacques Anouma s’adresse à la famille du football ivoirien