« Qu’est-ce que Bédié a oublié de faire qui justifierait que les Ivoiriens lui accordent encore deux mandats de 5 ans »?

Désigner Henri Konan Bédié candidat lors de la convention du PDCI pour les élections présidentielles 2020 serait une bien piètre idée selon Jean Bonin.

L'église catholique admet les 7 péchés capitaux comme étant : la Paresse, l'Avarice, la Colère, l'Envie, la Gourmandise, la Luxure et l'Orgueil.

Au PDCI de Bédié, ils sont tout autre.

1 – Une inextricable soif de réhabilitation personnelle

En dépit du retrait de Ouattara de la course à la présidentielle d'octobre prochain, la volonté d' de se présenter à des fins de réhabilitation personnelle reste intacte et devrait être actée lors de la convention du de mi-juin 2020. Ce jusqu'au-boutisme d'un ancien président de la République à concourir coûte que coûte doit être interprété comme une régression, une incapacité du PDCI d'aller de l'avant, de se régénérer et de renouveler son personnel politique.

Notre pays a certes besoin d'une alternance mais certainement pas d'une tontine à la façon « le renard passe, passe, chacun à son tour ». Cette alternance-tontine souhaitée par Bédié n'est pas rassurante, en Côte d'Ivoire et même au delà, car ses conséquences sur la stabilité économique, sociale et politique du pays sont insondables.

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Nul ne devrait ambitionner de (re)conquérir le pouvoir pour essentiellement une question de réhabilitation personnelle. Or, c'est justement ce qui motive la candidature actuelle de Bédié qui estime qu'il n'a pas été bouté hors du pouvoir par les urnes mais par un coup de force militaire. Dès lors, pour lui, sa réhabilitation passe nécessairement par la reconquête du pouvoir par les urnes. Est-ce là les aspirations profondes du peuple ?

2 – La revanche comme ambition politique

Le 21 septembre 2019, à une question de Jeune de savoir si Bédié souhaiterait redevenir président de la République dans un souci de revanche il a répondu ceci : « oui, ce serait une revanche, mais il n'y aurait pas de vengeance. Ce serait me rendre justice ». Alea jacta est.

Le dictionnaire Larousse définit la revanche comme étant « l'action de rendre la pareille pour un mal que l'on a reçu : prendre une revanche sur un vainqueur ». Voilà donc ce qui motive le Sphinx de qui n'a manifestement pas encore digéré le coup de force de décembre 1999, le « vol » de ses 300 000 voix en 2010 et la supposée trahison dont il aurait été victime de la part de Ouattara sur le retour d'ascenseur du pouvoir en 2020.

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Ça fait beaucoup pour une seule personne. Quand va t-il se décharger de ce lourd fardeau qui pèse sur son cœur et qui l'aveugle ? Comment pourrait-il réconcilier les avec tous ces ressentiments ? À quel moment s'occupera-t-il des problèmes essentiels de développement qui font cruellement défaut à ses compatriotes s'il arrivait au pouvoir ? Avouons-le, tout cela n'est pas très rassurant pour l'avenir de notre beau pays.

3 – L'incapacité à gérer les ressources humaines du PDCI

S'il est vrai que de nombreux cadres du PDCI ont rejoint le pour des nécessités carriéristes ou trivialement alimentaires, cela n'est pas le cas pour un certain nombre d'entre eux.

Même s'il est convenu que nul n'est suffisamment riche, personne ne soupçonnerait un homme comme Aka Aouelé, ex-ministre, député et président d'un Conseil Régional ou , avocat prospère, ancien ministre, ancien 1er ministre, d'être si affamés qu'ils en soient réduit à pactiser avec « le diable », quand tout le monde connaît leur attachement et leur parcours au PDCI.

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Leur problème, ce sont les perspectives. Quelle perspective politique leur offrait Bédié au PDCI si ce n'est que demeurer des suiveurs et des instruments pour étancher sa soif de réhabilitation ? (72 ans) ou Jeannot Ahoussou (69 ans) ne comptent plus les années comme un KKB (52 ans), un Billon (55 ans) ou un (57 ans). Ils ne se projettent plus sur le long terme.

Des hommes politiques de ce niveau, qui ont occupé de très hautes fonctions au sommet de l'Etat et qui sont donc pleinement présidentiables, il faut savoir les gérer avec tact et surtout inscrire leur dynamique politique dans une perspective à court terme. C'est ce que Bédié n'a pas su faire et que le RHDP a pu faire. Et c'est certainement pour cela que le PDCI a perdu des gens comme Ahoussou et Aouélé.

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Aka Aouélé n'a été ministre, de mars à décembre 2010, que parce que Gbagbo l'a imposé à Bédié. Tout montrait que depuis l'accession au pouvoir du RHDP, il avait été rangé au placard par Bédié et n'avait donc plus de perspectives politiques à court terme sur le plan national, puisque n'ayant jamais été proposé depuis lors à un poste à la dimension de ce qu'il représente sur le plan politique. Sauf cas de force majeur, quel ingénieur ou professeur d'université accepterait d'être ouvrier ?

Tout le monde s'accorde à dire que si Affi Nguessan, ancien premier ministre ou un Gon Coulibaly, actuel premier ministre, ont tous les deux l'étoffe nécessaire pour être président de la République, il en va évidemment de même pour Ahoussou Jeannot qui en plus d'avoir été 1er ministre comme Kablan Duncan (76 ans), est président d'une institution, le Sénat.

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En restant au PDCI, quelle perspective et même chance avait-il d'être un jour candidat du parti alors que Bédié refuse, à 86 ans, de lâcher l'affaire, au risque de gripper les chances du PDCI de reconquérir le pouvoir ? Aucune, d'autant que le candidat du PDCI ne sera officiellement connu que 2 mois avant la date de dépôt des candidatures. Tout un exercice de chiromancie.

Le RHDP a donc su trouver les failles dans la cuirasse du PDCI en offrant de meilleures perspectives à ses hauts cadres et à ses présidentiables pour qu'ils le rejoignent et c'est exactement ce qu'ils ont fait. Honnêtement, comment pourrait-on leur en vouloir d'assurer, à leur âge avancé, une honorable fin de carrière politique ? Peut-être ceux qui pensent que certains ont seuls le droit d'être Chef d'Etat et les autres ne devraient, ad vitarm aeternam, se contenter que de les suivre… bêtement.

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4 – L'absence d'une offre politique moderne.

Bédié veut reconquérir le pouvoir en s'appuyant non pas sur les acquis de son passage à la tête de l'Etat, de 1993 à 1999, mais sur les actions de développement du pdt , dont il s'autoproclame unique héritier politique. Quelle inconséquence !

Les maux qui assaillent au quotidien les Ivoiriens s'appellent : cherté de la vie, chômage, insécurité… À tous ces maux, le seul remède que nous promet Bédié s'il arrivait au pouvoir, c'est de chasser les orpailleurs étrangers de notre pays. Comment va-t-il s'y prendre pour mettre fin à un fléau qui existait déjà sous sa gouvernance ? Motus et bouche cousue.

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5 – La boulimie du pouvoir

Son excellentissime Bédié, actuel président du PDCI depuis presque 30 ans, a été ambassadeur aux États-Unis de 1961 à 1966, délégué aux Affaires économiques et financières de 1966 à 1968, ministre de l'Économie et des Finances de 1968 à 1977, président de l'Assemblée nationale de 1980 à 1993 et enfin président de la République de 1993 à 1999.

Avec une si riche carrière politique et administrative, qui a commencé en 1961, soit depuis 59 ans, qu'est-ce que Bédié a oublié de faire ou n'a pas eu le temps de faire qui justifierait que les Ivoiriens lui accordent encore deux mandats de 5 ans afin qu'il ne lâche le pouvoir qu'en 2030, à 96 ans ?

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PDCI pardonnez, ayez pitié de vous, de nous, des Ivoiriens et de la Côte d'Ivoire… Nous ne militons pas dans votre parti, certes, mais nous aimons votre parti politique car, pour avoir fondé la nation ivoirienne, le PDCI est pratiquement devenu un patrimoine national.

Brave et compétente jeunesse du PDCI, le pays vous appelle, soyez courageux et prenez vos responsabilités devant l'histoire en nous servant autre chose que du réchauffé, du déjà vu et du déjà entendu.

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Written by Jean Bonin

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