Crimes rituels en Afrique : Comment les marabouts vous amènent à tuer gratuitement. Nous vous proposons ce texte dense en enseignement d'André Silver Konan, qui mène une réflexion psychanalytique, sur les crimes rituels en Afrique. Ci-dessous le texte.
Dans cette méditation dominicale, je vais essayer de décrypter la psychologie des auteurs de crimes rituels, en me basant sur le témoignage inédit d'un tueur présumé (il n'a pas encore été jugé et condamné) et montrer comment les commanditaires de ces crimes, les marabouts, charlatans et autres féticheurs amènent ceux qui les consultent, à tuer. Je vais essayer de montrer aussi, qu'en fait, ils amènent à tuer gratuitement.
Tout d'abord, écoutons Etienne Sagnon, 27 ans, assassin présumé du petit Bouba de Williamsville (Abidjan), mutilé à mort le 24 février 2018. Au cours d'un interrogatoire filmé, il a avoué que : « C'est un marabout du quartier qui m'a dit de le faire. Il m'a dit de suivre une procédure pour pouvoir avoir de l'argent, parce qu'autrement, si l'argent vient et que je touche, je serai paralysé. Je ne sais pas d'où viendrait l'argent, mais ça peut venir de n'importe où. L'argent peut se trouver quelque part où on peut t'indiquer et tu vas chercher (…) J'ai étranglé d'abord l'enfant. Je l'ai égorgé. Après sa mort, je l'ai égorgé, pour verser son sang, comme le marabout me l'avait demandé. Il m'a dit de faire simplement couler le sang, pas de le recueillir pour lui envoyer ».
Drame des crimes rituels en Afrique
Cet aveu parait anodin, voire ridicule, mais il renferme tout le drame des crimes rituels en Afrique. Suivez très bien. Le criminel présumé dit avoir agi sur instruction de son marabout. Mais comment a procédé le marabout ? Dans un premier temps, toujours suivant les aveux dans la vidéo que j'ai visionnée, celui-ci a procédé à un sacrifice de mouton, au domicile du tueur présumé.
C'est la première étape de la manipulation de la conscience : créer dans le subconscient du client, un suspense criminel. On tue un poulet, un mouton, un bœuf, et après ? Le client attend la suite. Comme dans un film d'horreur. A cette étape, il est sûr que le marabout a demandé à son client de procéder lui-même à la décapitation du mouton, à tout le moins, d'assister à sa mise à mort. Il prépare donc sa conscience aux autres étapes criminelles.
Voici pourquoi je me méfie de tous ces sacrifices d'animaux au 21è siècle, dans les quartiers, au vu et au su de tous, y compris de nos enfants. Il y a des abattoirs qui existent, on peut bien abattre les animaux dans ces endroits, sans paraître se dresser contre sa foi. Bref.
De fait, les marabouts et autres charlatans sont de vrais manipulateurs. Comme tous ces gourous de sectes, ils jouent sur la conscience, en usant à la fois de techniques de manipulation de masse, que de psychologie. Dans le cas d'Etienne Sagnon, la deuxième étape a consisté à lui demander de tuer un enfant, pour son sang. Mais à première vue, on ne voit pas la manipulation. Et pourtant, elle se trouve dans l'instruction donnée au tueur présumé : tuer un enfant et verser son sang.
Crimes gratuits
Notez que le marabout n'a pas demandé que le tueur présumé lui envoie le sang de l'enfant. Il lui a simplement demandé de tuer un enfant et de verser son sang par terre. En réalité, le marabout n'a que faire du sang humain, cela ne lui est d'aucune utilité. Il n'a même pas besoin du sang d'un enfant, la précision de l'âge, c'est juste pour donner un caractère mystique à son instruction. Il aurait pu demander à Sagnon de verser du sang d'un albinos ou d'une femme enceinte. Ces détails qu'ajoutent les marabouts et autres charlatans ne leur sont d'aucune utilité, je répète. C'est juste pour en ajouter au caractère mystique de leur instruction. C'est comme le prestidigitateur qui a un tour de passe-passe qu'il aurait pu réaliser simplement, mais pour mieux épater son public, il y ajoute des actions relevant de la mise en scène.
D'où ma conviction que les crimes de sang sont gratuits, qu'ils concernent des enfants, des jumeaux, le onzième enfant, des albinos ou des femmes enceintes. Les commanditaires de ces crimes font ces précisions, juste pour donner un caractère mystique à leurs œuvres diaboliques. Mais dans le fond, ils n'en ont pas besoin. Rien que par le bon sens, le sang d'une femme enceinte est le même que celui d'une femme non enceinte.
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Dans le cas d'Etienne Sagnon, la troisième étape qu'il n'a d'ailleurs pas pu mettre en oeuvre aurait été très simple. Elle est contenue dans une phrase qu'il a dite, sans en soupçonner le sens. « L'argent peut se trouver quelque part où on peut t'indiquer et tu vas chercher ». En effet, la prochaine étape pour le marabout consisterait à donner une instruction à son client, en vue d'aller chercher l'argent « quelque part ».
Ce « quelque part » peut être tout: un braquage, un assassinat à gages, la vente de drogue, etc. Enfin toutes sortes d'activités illicites. Dans le cas de notre bijoutier, le marabout dispose d'une palette de possibilités. Par exemple, dire : « Dans quelques jours, on viendra te donner des colliers en or, dès que tu as ça, tues un poulet, répands le sang sur l'or et viens me voir avec ».
Notez que le détail du sacrifice du poulet, c'est juste pour enrober l'affaire d'une once de mysticisme, sinon il n'est d'aucune utilité. Le marabout pourrait ainsi vendre l'or, déposer l'argent « quelque part », lui demander d'aller chercher, avant de lui intimer l'ordre de disparaître de la circulation.
Etienne Sagnon qui rêve d'être riche aurait ainsi réalisé son rêve, sans se rendre compte qu'en fait, il n'a juste fait que voler un client. Rien d'autre. Entre-temps, le marabout lui aura fait tuer. Gratuitement. Mais au passage, il se serait fait payer sur l'argent de l'or volé et vendu. Sagnon lui aurait auparavant payé plein de sous, pour les sacrifices. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je milite pour que ce marabout soir arrêté et je m'étonne que cela n'ait pas encore été fait, à moins que, comme le laisse entendre la presse, il y ait des implications politiques dans ces crimes rituels.
Brouteurs et braqueurs
Personnellement, je milite pour que les marabouts africains ne connaissent pas de repos et n'opèrent plus, au vu et au su de tous. Non seulement, ils encouragent l'enrichissement illicite, mais sont de vrais poisons dans nos sociétés. Combien de jeunes africaines ne rêvent-elles pas de rencontrer un marabout qui leur donnerait des potions magiques, en vue d'envoûter un homme qui deviendrait pour elles, une source de revenus ? Combien de jeunes africaines n'ont pas couché avec ces marabouts, qui ne sont rien d'autre que des manipulateurs ?
Combien de jeunes africains, plus connus sous le nom de « brouteurs » ne s'attachent pas les services de ces marabouts ? Mais que ce soit pour des « brouteurs », comme pour les hautes autorités dans l'administration ou la politique, le mode opératoire de ces marabouts reste le même : la manipulation des consciences.
« Je conclue pour te dire à toi qui continue de croire aux marabouts, que tu es un écervelé entre les mains d'un chef de gang, qui fait de ta conscience ce qu'il veut »
Les marabouts appliquent une maxime simple de la vie : qui peut le plus, peut le moins. Ici, je dirais qui peut le pire, peut le « moins » pire. En effet, quand un marabout demande à un politicien de tuer un albinos pour être élu dans sa circonscription, ce n'est pas le meurtre qui va le faire élire, puisque les électeurs ne vont pas changer d'opinion, juste pour ce meurtre. Le marabout demande au politicien de commettre le pire (tuer) parce qu'ainsi il n'aurait pas peur de commettre le « moins » pire : par exemple empêcher des adversaires de voter.
Un directeur général, un commerçant, un transporteur qui aura sacrifié son enfant, pour être riche, sur conseils d'un marabout, n'hésitera pas à voler l'argent de son entreprise (DG), à ne pas payer ses employés ou à éliminer physiquement ses concurrents (commerçants et transporteurs), toutes choses qui lui garantissent un enrichissement certain. Ce n'est donc pas l'enfant sacrifié qui garantit la richesse mais les actes bien réels que posent par la suite les clients.
Le marabout qui demandera à un braqueur de recueillir des parties génitales d'un homme ou d'une femme (le pire), pour se faire établir un fétiche, sait que ce braqueur n'aurait aucune crainte d'aller braquer une boutique du quartier « moins » pire), parce que ce client aurait déjà fait pire que braquer, il a déjà tué et tué atrocement.
« Enlèvement d'enfants : 75% d'Ivoiriens ont consulté au moins une fois, un sorcier »
Quand un marabout demande à un « brouteur » d'aller se laver au cimetière à minuit, avec un bain contenant du sang d'un enfant qu'il aura tué (le pire), il sait qu'ainsi, il ôte au « bouteur », sa peur de l'audace (le « moins » pire). Celui-ci n'a aucune crainte donc à pirater des comptes, soutirer des millions de francs CFA à des gogos. Pourquoi ? Parce qu'il a déjà vu pire. Il a tant et si bien vu pire, qu'il n'hésitera pas une seconde fois, à tuer par exemple sa petite amie, pour renforcer son audace.
En définitive, ce n'est pas le crime qui donne l'argent aux auteurs de crimes commandités par les marabouts. C'est l'audace créée en eux par leurs crimes commandités, qui leur donne de l'argent. C'est donc ici qu'intervient la foi et la spiritualité. Un homme qui pense que la réussite est uniquement financière n'a rien compris à la vie.
Les crimes rituels liés à l'enrichissement ont un fondement moral : le refus du labeur. On veut l'argent en vitesse, ici et maintenant, sans processus, sans fatigue, sans travail. On oublie que Bill Gates (…) La suite de ce texte dense, à lire sur le blog d'André Silver Konan.