Lettre ouverte de Jean-Yves Esso, du Bureau Politique PDCI à André Silver Konan, suite à sa sortie sur le bilan de Ouattara à face à Bédié et Gbagbo.
Cher frère,
Permets-moi de m'immiscer quelque peu dans tes échanges orageux de ces dernières 24h avec Serge KASSY car je ne peux laisser prospérer, sans réagir, cette idée selon laquelle il serait tout à fait naturel de comparer les bilans des présidents BEDIE, GBAGBO et OUATTARA, et d'en tirer des conclusions.
Tu a écrit et je cite :
« J'ai dit et je répète qu'en termes de bilan, celui d'Alassane Ouattara est mieux que celui d'Henri Konan Bédié et de Laurent Gbagbo. Ce n'est pas faux, on le sait tous, y compris les hypocrites qui veulent être dans le déni. »
Le monde matériel est plein d'analogies avec l'immatériel et c'est ce qui peut sembler donner une couleur de vérité à ce dogme de rhétorique qui veut qu'une comparaison puisse fortifier un argument aussi bien qu'embellir une description.
S'intéresser aux mots, s'investir dans l'écrit, croire au pouvoir de l'analyse objective sur l'opinion publique, tels sont les boussoles qui me poussent à m'inviter dans vos échanges. Souffrez donc que je le fasse sur ce point précis de la comparaison des bilans de nos trois présidents.
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Très cher André Silver,
Le président BEDIE a été élu démocratiquement et sans violences à la tête de l'Etat de Côte d'Ivoire en 1995. La violence s'étant invitée contre toute attente dans notre pays de paix, en 1999, il n'a pas pu terminer son unique mandat. La plupart des prouesses infrastructurelles de ces dernières années ne sont très précisément que la réalisation d'une pale contrefaçon des projets du président BÉDIÉ, amputée de tous les bénéfices économiques potentiels pour le peuple ivoirien sans état d'âme aucun.
Le président GBAGBO a été rétabli dans ses droits démocratiques par une manifestation populaire historique après que son adversaire direct, le général GUEI, ait voulu passer en force malgré l'évidence de sa défaite dans les urnes lors de l'élection présidentielle de 2000.
La violence ayant pris le relais et s'étant alors invitée dès le début de son mandat et ne lui ayant donné aucun répit jusqu'en 2010, en passant par un coup d'état manqué et une partition du territoire national en deux, on ne peut légitimement et en toute objectivité se prononcer sur ses réalisations.
Le président OUATTARA s'est installé par la force au pouvoir en 2011 à l'issue d'une crise post-électorale sans précédent ayant occasionnée plus de 3000 morts. Apres 10 ans de règne sans partage et sans la moindre petite anicroche pour effectuer ses deux mandats successifs, il viole la Loi Fondamentale ivoirienne en rempilant pour un 3eme mandat présidentiel en étant prêt à en découdre dans la violence face à quiconque oserait tenter de l'en empêcher.
En 10 ans, il nous a fait des routes et des ponts. C'est bien, nous prenons acte. Mais qu'il s'en aille tout simplement…car ce sont des routes et des ponts de la violence sans aucun bénéfice économique majeur pour les ivoiriens. Bien au contraire, il nous laissera une ardoise bien salée à rembourser lorsqu'il s'en ira.
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Le Mahatma GHANDI disait très justement qu'il s'oppose à la violence parce que lorsqu'elle semble produire le bien, ce dernier n'est que transitoire, tandis que le mal produit est permanent. Je pense qu'il a ainsi résumé et traduit la pensée de nombreux ivoiriens pacifiques et non violents.
Très cher jeune frère,
Permets-moi de te mettre en garde sur la propension qu'ont certaines victimes de viol ayant partagé longtemps la vie de leur bourreau à sympathiser avec lui et à adopter son point de vue. Je te demande donc, humblement, par ce billet dominical que je me permet de t'adresser publiquement, de bien te rendre compte à travers ces tentatives de comparaison de bilans, que tu commences très certainement à être sous l'emprise de notre bourreau.
Cela s'appelle le syndrome de Stockholm cher frère…Mais je ne t'apprends rien.
Je suis convaincu que ton intelligence très au-dessus de la moyenne et la pertinence de tes nombreuses analyses politiques et societales te permettront de vite prendre conscience que tu es entrain d'adopter petit à petit le point de vue de notre violeur et que tu pourrais même te surprendre parfois à développer une certaine admiration pour cette personne.
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En prenant ainsi conscience de ce qui est entrain de t'arriver, tu feras un pas de géant vers la guérison. Le travail de reconstruction psychologique pourrait cependant être long si l'expérience subie à ton propre niveau a été bouleversante. La thérapie repose sur un suivi psychologique intensif aidé d'un soutien familial de tous les instants, parfois pendant plusieurs années.
