Dette Côte d'Ivoire. Ponts, routes, immeubles, électrification : en arrivant à Abidjan, impossible de rater la transformation de la capitale économique ivoirienne ces dix dernières années.
La Côte d'Ivoire, sous la houlette du président Alassane Ouattara, a connu une croissance économique fulgurante, faisant d'elle un poids lourd de l'Afrique de l'Ouest.
Cependant, cette « success story » ne fait pas l'unanimité. Derrière les infrastructures flambant neuves et les indicateurs économiques en hausse, se cachent de fortes inégalités et un endettement qui suscite de vifs débats.
Une croissance au prix de l'endettement
Depuis son arrivée au pouvoir en 2011, Alassane Ouattara a mis l'accent sur les investissements dans les infrastructures, dopant la croissance du pays à plus de 7% en moyenne. L'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations en 2024 a également contribué à accélérer la construction de routes et d'autoroutes reliant les principales villes du pays.
Mais cette stratégie de développement s'est faite au prix d'un endettement croissant. La dette de la Côte d'Ivoire, détenue principalement par les bailleurs occidentaux et la Chine, s'élève aujourd'hui à 58% du PIB, contre 38% en 2019. Un niveau qui dépasse les recommandations du FMI pour les petites économies et qui inquiète certains observateurs.
Si la croissance économique a profité à certains, elle a également creusé les inégalités. Le taux de pauvreté, bien que divisé par deux depuis 2011, reste encore élevé à 35%. Les quartiers pauvres d'Abidjan, souvent insalubres, contrastent avec les zones huppées aux villas flambant neuves.
« Le PIB a été multiplié par deux sous Ouattara, c'est à son actif. Mais ce n'est pas un indicateur qui montre comment les richesses sont partagées », explique l'économiste ivoirien Séraphin Prao.
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L'opposition et certains économistes dénoncent un endettement « improductif », qui ne finance pas des investissements productifs mais sert essentiellement à payer les intérêts de la dette existante et les dépenses courantes de l'État.
« Sur le budget 2023, près de 42% sont des ressources propres, tout le reste est financé par perfusion de la dette », dénonce Ahoua Don Mello, vice-président de l'alliance des pays émergents des Brics et du Parti des peuples-africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI), la formation d'opposition de l'ex-président Laurent Gbagbo.
Au sortir de la crise, en 2011, la Côte d'Ivoire avait bénéficié d'un allègement de sa dette extérieure, d'environ 25%. « Cela aurait dû permettre d'affecter les ressources propres de l'Etat dans l'éducation et la santé. Or, les ressources propres ne suffisent même pas aujourd'hui à couvrir les dépenses courantes de l'Etat », pointe Ahoua Don Mello.
« La croissance est à crédit, les fonctionnaires sont payés à crédit », abonde Séraphin Prao. « Tant qu'on vit sous perfusion, on ne voit pas le problème, mais si la perfusion est enlevée on verra qu'il n'y a plus de moyens d'alimenter le budget de l'Etat », conclut Ahoua Don Mello.
Un avenir incertain ?
Alors que les défenseurs du gouvernement vantent la solidité de l'économie ivoirienne et sa capacité à rembourser sa dette, ses détracteurs craignent une crise si les conditions financières venaient à se durcir.
« La croissance est à crédit, les fonctionnaires sont payés à crédit », résume Séraphin Prao. « Tant qu'on vit sous perfusion, on ne voit pas le problème, mais si la perfusion est enlevée on verra qu'il n'y a plus de moyens d'alimenter le budget de l'Etat ».
La « success story » ivoirienne est donc loin d'être un long fleuve tranquille. Le pays devra trouver un moyen de concilier croissance économique, réduction des inégalités et gestion durable de sa dette pour assurer un avenir stable et prospère à ses citoyens.
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