Face à la montée vertigineuse de la fraude aux concours en Côte d'Ivoire, Mamadou Traoré se prononce et raconte l'expérience vécue.
Aujourd'hui, les gens sont scandalisés par la montée vertigineuse de la fraude dans les examens de fin d'année au niveau de l'Education Nationale. En effet, en 2018, on a dénombré 1516 cas de fraude. En 2019, c'est 6250 cas de fraude déclarés. Une augmentation vertigineuse.
Ils sont également choqués par la fraude aux concours qui est devenue aujourd'hui un phénomène banal. Je dirai même normal. Et on est étonné. Moi pas. Savez vous pourquoi ? Parce les adultes que nous sommes, sommes les modèles de nos enfants.
C'est sur nous qu'ils copient leurs premiers gestes et leurs premières paroles. Ce sont nous qui façonnons leur personnalité. Et malheureusement, nous ne leur reflétons pas le bon exemple.
En effet, quand nos enfants constatent que la société est gangrenée par la corruption et les détournements de deniers publics et qu'ils se rendent compte qu'il n'y a aucune réaction de la part des gouvernants, pourquoi voulez vous qu'ils soient honnêtes ?
Il vont finir par croire que ce sont des choses normales. Quand ils lisent dans les journaux et sur les réseaux sociaux que notre pays est classé parmi les pays les plus corrompus du monde, pourquoi ne voulez vous pas qu'ils pensent que la corruption est un pratique normale puisque pratiquée par les adultes et leaders politiques que nous sommes?
Quand depuis leur enfance, ils voient leurs parents donner de l'argent à des personnes afin qu'ils les aident à obtenir leurs examens ou concours, pourquoi voulez vous qu'ils ne fraudent pas si leurs parents ne sont plus là pour les aider à obtenir ce qu'ils obtenaient facilement ?
Notre société est pourrie. Les parents d'élèves, les élèves et les étudiants ont fini par admettre que sans pots-de-vin, on ne peut pas être admis à un examen ou à un concours.
Et malheureusement, c'est la triste réalité. Et le Directeur du centre de formation, où on entre par concours,qui s'hasarde à vouloir organiser des concours sans interventions extérieures, sans fraudes, est lynché par l'opinion publique et même par ses supérieurs hiérarchiques.
J'ai connu cette mauvaise expérience lorsque je dirigeais l'INFS. Ma trop grande volonté de vouloir changer la pratique de l'organisation des concours d'entrées dans cet institut m'a été préjudiciable.
D'abord on m'a lynché sur les réseaux sociaux parce que j'ai annoncé sur Frat-Mat et sur les réseaux sociaux qu'avec moi à la tête de cet institut, plus question de fraude.
Ce fût ma première déception. En effet, refusant de me soumettre à certaines pressions, on a fini par m'arracher de force l'organisation du concours d'entrée de 2015 parce que j'étais un insoumis.
Parce que je ne voulais pas manger de ce pain de la fraude sur le concours que j'ai pu obtenir grâce à la bienveillance du Ministre Cisse Bacongo devenu Ministre de la Fonction Publique. Je voudrais au passage lui réitérer toute ma reconnaissance et toute mon admiration. C'est un homme bon qu'il faut saluer. Il m' a été d'un soutien indéfectible lors de l'organisation du concours 2015 de L'INFS.
Je rappelle que si le concours de 2015 que j'avais organisé a été annulé, c'est parce qu'à travers un courrier adressé au Président du jury de ce concours, avec ampliation au Ministre de la Fonction Publique, j'ai dénoncé ma mise à l'écart de l'organisation de ce concours alors que j'en étais, par arrêté signé du Ministre de tutelle et du Ministre de la Fonction Publique, le principal organisateur.
Dans ce courrier, J'ai également accusé de fraude ceux qui ont pris l'organisation du concours en main. J'ai donc décliné ma responsabilité des suites de ce concours car je savais ce qui s'y préparait. Grande première en Côte d'Ivoire.
D'habitude ce sont les gens qui accusent le Directeur de fraude.Ici c'est le Directeur qui accuse les gens de fraude.
Le Ministre de la Fonction Publique Cissé Bacongo, après nous avoir écouté, les membres du cabinet du Ministre de tutelle et moi, a décidé d'annuler le concours pour suspicion de fraude dénoncé par le directeur que j'étais.
Dieu merci, il est encore vivant. On ne peut mentir que sur ceux qui sont morts. Je rappelle que deux ans avant, l'ex Ministre de la Fonction Publique, Gnamien Konan, avait décidé de suspendre l'organisation des concours de l'Infs pour suspicion avérée de fraude également.
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Je n'étais pas encore à la tête de cet Institut. C'est grâce à ma ténacité auprès du Ministre de la Fonction Publique Bacongo, lorsque j'ai été nommé à la tête de cet institut, que le concours de cet établissement a été de nouveau ouvert.
C'est encore grâce à lui que j'ai réglé le contentieux du concours 2012 de l'infs où je n'étais pas encore le gestionnaire.
Si je n'avais pas bataillé auprès de lui, beaucoup d'étudiants admis au concours 2012, n'auraient pas été affectés à la fonction publique.
Bref, je n'ai pas été épargné dans cette bataille pour un concours propre, sans fraudes, parce que la société était formatée pour la fraude comme seul moyen de réussir un concours. On a tenté de me faire croire que c'est moi qui n'étais pas normal.
Pas normal parce que je refusais de faire de la fraude une voie d'accès à l'INFS. Chose que les gens trouvaient normal. Moi non.
Pas normal également parce que j'avais osé faire de Guillaume Soro le parrain de la cérémonie de remise de diplômes de la promotion 2013-2015 alors que des instructions sous le boisseau avaient été données afin de le blaklister en prévision de la campagne présidentielle de 2015 où on le soupçonnait d'avoir des ambitions présidentielles pour cette année là. Il fallait me faire payer très cher cette défiance.
Je pense que si cette situation demeure au point de devenir une pratique normale, c'est la faute à nos gouvernants qui n'ont pas réussi à éduquer nos populations.
Pourtant en 2015, lors de leur campagne électorale, ils avaient promis faire de l'ivoirien un ivoirien nouveau, avec une nouvelle mentalité. Là encore, ils ont échoué.
Contrairement à beaucoup de personnes, moi je n'accuserai pas seulement les seuls tricheurs et leurs complices.
J'accuserai également nos gouvernants qui n'ont pas réussi à assainir la vie publique.
Vraiment, mon leader Guillaume Soro a du pain sur la planche en 2020 lorsqu'il sera au palais.
Lui qui ne sait pas dire non à quelqu'un quand ce dernier le sollicite.
Et au pouvoir, il sera sollicité par tous ceux qui veulent que leurs enfants ou protégés passent par la petite porte pour avoir leurs examens ou leurs concours.
Que fera t-il? Sa réponse à cette problématique sera connue lors de sa campagne électorale.
Il a déjà annoncé les couleurs de sa vision pour la Côte d'Ivoire en ce qui concerne la valorisation des compétences à travers le concours de logo sur le GPS.
Et cette valorisation des compétences apparaît dans le point 3 de l'offre politique qu'il a faite à Katiola le 11 Mai 2019.(Batir une socio-économique pragmatique de champions nationaux et internationaux ivoiriens en tous domaines…).
Et on ne peut pas bâtir des champions en érigeant la fraude et la tricherie comme règles de gouvernance.
Les paroles suivantes de Guillaume Soro, lors du lancement du concours sur le logo du GPS sont révélatrices de son projet de lutter contre la fraude en tous domaine:
« Laissez parler votre talent. Inscrivez-vous. La compétence sera reconnue »
