Guikahué était l'invité Afrique de RFI, le 3 septembre 2020, sur la présidentielle d'octobre et la candidature de Ouattara.
L'intégralité de l'intervention de Maurice Kakou Guikahué sur RFI
RFI : Maurice Kakou Guikahué, bonjour!
Maurice Kakou Guikahué : Bonjour !
RFI : Comment réagissez-vous aux candidatures de Laurent Gbagbo et Guillaume Soro ?
MKG : Ce sont des candidatures normales, d'autant plus que ce sont des citoyens ivoiriens. Donc qui devraient être candidats.
RFI : Leurs candidatures risquent pourtant d'être invalidées…
MKG : Oui, mais parce qu'ils ont été exclus de la liste électorale pour des raisons fallacieuses. Plus politiques que juridiques.
RFI : Mais des condamnations existent.
MKG : La justice a été manipulée, c'est tout, y'a rien du tout. Tout juste pour les écarter.
RFI : Alors, vous ne cessez de dire que la candidature du président Alassane Ouattara est anticonstitutionnelle, mais comme le rappelle Patrick Achi, vous-mêmes vous avez appelé à voter en faveur de ce changement de constitution et à aucun moment, à l'époque, vous n'aviez alerté sur ce risque d'un troisième mandat, si vous le faites aujourd'hui, n'est-ce pas simplement parce que vous êtes dans l'opposition ?
MKG : Non. Pas du tout. Même si nous avions été RHDP, nous aurions dit au président Ouattara de faire le choix d'une autre personne mais pas lui. C'est une question de principe. C'est parce que nous avons appelé au vote de cette constitution qu'on veut que cette constitution soit appliquée. Et nous savons tous que nous avons fait campagne pour cette constitution. Il y avait l'article 183 qui concerne les mandats qui dit que ‘'toutes les dispositions qui ne sont pas contraires dans les deux constitutions sont valables''. Donc, comme l'ancienne constitution dit deux mandats et la nouvelle constitution dit deux mandats, c'est deux mandats. Donc, le président Ouattara est-ce qu'il a fait deux mandats ? Oui. Il n'a pas droit à un troisième.
RFI : Est-ce que finalement Henri Konan Bédié n'aurait pas préféré avoir un autre candidat face à lui plutôt qu'Alassane Ouattara ?
MKG : Non. Ouattara ne peut pas gagner les élections, madame. Donc nous, on n'a pas peur de Ouattara. En 2010, si Bédié avait choisi Gbagbo, Gbagbo était président. Mais il a choisi Ouattara et Ouattara a été président. C'est nous qui avons battu sa campagne. Ses éléments RDR ne pouvaient pas rentrer dans certains milieux, dans certaines régions, c'est nous qui sommes rentrés au PDCI pour faire campagne. Et aujourd'hui, nous ne sommes pas avec lui donc il y a des zones où il ne pourra pas faire grand-chose. C'est ça la réalité. Aujourd'hui, il y a rupture. Le PDCI s'est retiré, l'UDPCI de Mabri est partie, Gnamien Konan est parti, Soro de UPCI est parti. Donc Ouattara ne vaut plus un million d'électeurs, mathématiquement. Voici la réalité de la Côte d'Ivoire aujourd'hui.
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RFI : De graves violences ont eu lieu dans le pays ces dernières semaines, faut-il craindre des conflits intercommunautaires ?
MKG : C'est le danger. Et nous ne voulons pas que les populations soient manipulées. Le problème qui est posé, c'est un problème de troisième mandat du président Ouattara. La population s'est soulevée. Donc ce n'est pas quelque chose de communautaire. C'est dans tout le pays. C'est une réaction républicaine.
RFI : Mais est-ce que Henri Konan Bédié ne souffle pas sur les braises quand il parle des étrangers ?
MKG : Non, il n'attise rien du tout. C'est lui qui stabilise l'opposition. Si le président Bédié n'était pas le couvercle, mais ce que vous alliez voir en Côte d'Ivoire, c'était plus grave. Donc il faut dire merci au président Bédié. La rengaine qu'ils ont souvent, on dit Bédié et l'ivoirité, mais c'est faux. D'autant plus que le même Bédié qu'ils traitent d'ivoiritaire n'est-ce pas lui qui a fait élire Alassane Ouattara en 2010 ? Il a fait élire Ouattara deux fois. Donc le discours est dépassé, les Ivoiriens ne sont plus sensibles à ce discours, c'est un discours suranné.
RFI : Plusieurs voix commencent à demander le report des élections pour permettre un dialogue politique, y êtes-vous favorables ?
MKG : J'ai dit que nous sommes favorables au dialogue politique, mais il ne faut pas prendre les choses à l'envers. Il faut d'abord le dialogue politique qui va décider si on reporte. C'est à la table de négociation qu'on va prendre les décisions.
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RFI : Que pourrait permettre un tel dialogue selon vous ?
MKG : Mais régler beaucoup de choses. D'abord le cas de Gbagbo, de Soro, les prisonniers politiques, la commission électorale indépendante, la liste électorale, la candidature de Ouattara, tout ça, ça fait partie du dialogue. Donc créer un environnement sain pour les élections. Y compris le Conseil constitutionnel dont on vient de nommer trois membres à deux mois des élections.
RFI : N'est-il pas trop tard ?
MKG : Non, il n'est jamais trop tard pour dialoguer. Parce que, quels que soient les conflits, ils finissent toujours par le dialogue. Donc il n'est pas trop tard.
RFI : Vous avez obtenu un siège à la CEI, la Commission électorale, pourquoi n'y siégez-vous pas ?
MKG : Non, parce que les conditions ne sont pas remplies. Nous sommes entrés, on n'a pas prêté serment parce que l'arrêt de la Cour africaine des droits de l'homme n'est pas appliqué.
RFI : Vous jouez l'obstruction ?
MKG : Non, on ne joue pas l'obstruction. Le PDCI est ouvert. Le PDCI sait que le pays a souffert aux dernières élections avec la crise postélectorale avec de nombreux morts, donc le PDCI appelle à des élections inclusives, transparentes, apaisées.
RFI : Maurice Kakou Guikahué, merci.
MKG : Merci madame.