« La lettre à Collette », un décryptage Omar Sanson de la candidature de Bédié, de Ouattara et de la présidentielle ivoirienne d'octobre 2020.
Quelle est cette inconséquence dans les rangs des défenseurs des différents états-majors des postulants à la présidentielle de 2020 ? Telle est la question qu'on serait tentée de poser suite au remue-ménage auquel nous assistons depuis la mise en berne de certains qui se croyaient présidentiables, et la volonté des vieillards de ne pas disparaître de la sphère politique.
En septembre 2014, à la place HKB de Daoukro, Bédié a lancé son fameux appel. A travers celui-ci, il indiquait son soutien à Ouattara pour un second mandat. Nous avons souhaité avoir une seule copie du contenu de l'accord ayant abouti à cette appel. De tous côtés, nous avons été qualifiés de trouble-fêtes. « Laissez-nous savourer l'instant ». Il est évident que dans les indicateurs de cohésion social de « Fund For Peace », cet appel a eu la chance de stabiliser les relations entre les dirigeants.
Mais il a été l'une des plus grosses erreurs politiques pas pour Bédié (qui doit assumer les conséquences), mais pour le PDCI qui s'est laissé berner par les envies d'un homme. Nous revoyons encore les cadres du PDCI sillonnant le pays et expliquant aux chefs de cantons du V baoulé, l'intérêt qu'il y'avait à laisser Ouattara seul candidat en 2015. Ils avaient cru qu'un boulevard s'offrait à eux pour 2020. Mais c'était mal connaitre le nombre de personnes à qui 2020 avait ou aurait été promis.
Ensuite 2016, année du vote du référendum ou du « second grand arrangement entre les vieux ». En notre qualité d'ivoirien, nous sommes libres de nous prononcer et d'analyser cette constitution « retouchée » à coup de dizaines de milliards pour absolument rien du tout dans l'intérêt des ivoiriens. La preuve, de quelle lacune souffrait l'assemblée nationale pour ne pas pouvoir statuer sur tout ce qui est soumis depuis des années au sénat ? depuis l'arrivée de Duncan à la vice-présidence quel acte concret a découlé de sa nomination à part le joyeux anniversaire qu'il a chanté pour Macron. (Je n'invente rien, il l'a fait). Pourquoi désormais, l'état de santé des postulants n'est plus contenu dans le texte fondamental ? N'installons pas un mur entre la sincérité qui doit nous animer et notre militantisme (Alassaniste, je l'ai voté en 2010, revoté en 2015).
Mais le texte a été retouché et transformé en petit arrangement politique entre deux hommes à cause de la forte envie de ne jamais disparaitre du microcosme politique. La preuve, Ouattara a toujours clamé haut et fort que le nouveau texte ne lui interdisait pas un nouveau mandat (d'ailleurs, bien qu'ayant positionné Gon à qui nous souhaitons prompt rétablissement au passage, je persiste et signe pour dire que Ouattara n'a pas encore dit son dernier mot), mieux, ce texte pour lequel les jeunes et les cadres du RDR ont fait le tour du pays en appelant à voter Oui n'interdit nullement à Bédié de se présenter en 2020.
Voilà que le vieux Bédié souhaite briquer la candidature à la candidature. Quel dysfonctionnement mental peut conduire ceux qui ont battu le pavé en appelant à voter OUI en 2016 pour sa candidature à le diaboliser ? En allant voter « NON » en 2016, notre vœu le plus cher était le renouvellement de la classe politique, à défaut, un passage de témoin entre les trois vieux qui nous tiennent en haleine depuis 1994 et dont les âges associés font 239. Ce pour lequel vous êtes allés voter massivement est sur le point de s'accomplir. Ce pour lequel vous avez priés nuit et jour se réalise enfin.
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Ce pour lequel vous avez fait de multiples sacrifice est enfin exaucé. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, que n'entendons-nous pas ? Il est vieux, il est rancunier, il est plein de haine. A moins d'être animé par de la mauvaise foi foncière, comment quelqu'un peut toucher un câble dénudé branché et espérer sentir du velours sur le corps ? La candidature de Bédié pourrait relancer 2020 et modifier beaucoup de calculs. Ceux qui sont conscients du caractère conservateur et ethnique du vote en Côte d'Ivoire sont inquiets, loin des agitations des autruches.
A quatre mois donc des joutes électorales d'octobre, voici la configuration : un premier candidat croulant sous le poids d'un mandat d'arrêt international, un second candidat à la santé hyper-fragile (état de santé nié par ses partisans qui parlent de visite médicale de routine de bientôt deux mois, il serait d'ailleurs moins hypocrite de leur rappeler que même si à son retour de la Salpêtrière il regagnait son domicile en courant plus rapidement que Donavan Bailey, il ne se porte pas bien, néanmoins il est le meilleur choix au sein du RDR), enfin un troisième candidat pour qui le palais du plateau devrait être baptisé établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
A cela, il faudra ajouter un second groupe de candidats, il s'agit de ceux qui viendront prendre les 50 ou 100 millions à eux octroyés via l'argent du contribuable et disparaitre sans poursuite judiciaire, enfin les candidats acteurs de cinéma n'ayant plus donné de signe de vie depuis la dernière élection, ni pour soulager les populations lors des inondations, lors des attaques terroristes, lors de l'apparition du COVID… mais qui viendront nous faire croire qu'ils se soucient de nous et souhaitent nous extirper du miasme morbide. Ko « Complesse ! » n'importe quoi.
Il faut un rajeunissement de la classe politique ivoirienne. Ce changement restera un leurre tant qu'on n'aura pas de démocratie endogène (choix des candidats selon des primaires ouverts), exogène (critères de candidatures moins corsés et moins personnalisés), il faut une volonté manifeste des trois acteurs de passer la main à de vrais jeunes, enfin une jeunesse responsable moins cupide, naïve, accrochée à des miettes, tout en encourageant la gérontocratie. Nous y reviendrons.
L'ancienne constitution nous donnait l'opportunité de finir avec les calculs naissants. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons appelé à voter « NON » Cependant, les regrets de ces dernières semaines sont la suite logique de choix opérés par ceux qui ont appelé à voter OUI, par conséquent, tout ce qui en découle doit être reçu à bras ouvert par ces derniers. Autant la clause de la limitation d'âge enlevée permet pleinement à l'un de postuler, celle de l'état de santé ayant disparu, même les locataires de l'hôpital psychiatrique de Bingerville pourront déposer leur dossier.
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Celui qui a voté OUI et refuse d'accepter cet état de fait a certainement installé une mesure barrière entre lui et les différentes étapes de sa capacité de réflexion. La seule alternative qui nous reste donc c'est opter pour un enrôlement massif et battre campagne pleinement. Aucun parti ne sera lésé même pas d'un grain de moutarde, mieux, avec les lourds investissements chinois, libanais, marocains et français, aucun chienlit ne sera toléré par ces grandes puissances. 2020 sera donc diffèrent de 2010.
Ma très chère Colette va répéter çà à ton oncle.