Laurent Gbagbo : un retour à l’Église catholique qui divise

Jean-Claude Djéréké dans sa chronique de ce 30 juin 2021, est revenu sur le retour de Laurent Gbagbo à l'Église catholique.

“Le président a été baptisé catholique, mais, dans son cheminement, il a quitté l'Église à un moment donné pour se faire évangélique. Après ce petit tour chez les Évangéliques, il s'est dit, je reviens dans la religion dans laquelle j'ai été baptisé.” C'est par ces propos que le cardinal Jean-Pierre Kutwã, assisté de Mgr Boniface Ziri (Abengourou) et d'un évêque francais, annonça, le dimanche 20 juin 2021, le retour de l'ex-numéro un ivoirien dans l'Église catholique.

L'annonce fut bien accueillie par les chrétiens catholiques qui, soit dit en passant, avaient peu apprécié le soutien apporté par le maître des lieux au régime Ouattara depuis son investiture le 21 mai 2011 jusqu'à la déclaration le 31 août 2020 de sa candidature au 3e mandat jugée pas nécessaire. Les catholiques, qui étaient contents de retrouver leur frère en Christ, auraient néanmoins souhaité que l'enfant prodigue fasse une profession de foi publique pour montrer son adhésion à la foi catholique comme le font tous ceux qui reviennent dans l'Église en récitant le credo de Nicée-Constantinople au cours de la messe.

Ils auraient aussi aimé qu'il ne fût point associé à la fête des pères parce qu'étant rentré trois jours plus tôt de Belgique avec une autre femme sans avoir divorcé de Simone Ehivet avec qui il est marié depuis 32 ans. Dans le camp des chrétiens évangéliques, en revanche, c'était la consternation et la colère. Certains pasteurs qui hier avaient leurs entrées au palais et mangeaient à la table du couple présidentiel n'hésitèrent pas à accuser Laurent Gbagbo de trahison, accusation qui fut aussitôt rejetée par d'autres pasteurs, lesquels pasteurs n'avaient accès ni à la mangeoire ni à l'intimité de Laurent Gbagbo.

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Les derniers reprochaient aux premiers d'avoir « mal encadré » Gbagbo, de l'avoir trompé en lui faisant croire qu'il triompherait au premier et au second tour de l'élection présidentielle de 2010. L'homme qui se fait appeler le général Camille Makosso est celui qui adressa les critiques les plus féroces aux « pasteurs de Gbagbo ». Dans une vidéo enregistrée le 21 juin 2021, il révèle que ceux-ci étaient opposés à la démission de Gbagbo, qu'ils recevaient de lui 2 milliards de francs CFA par an, qu'ils l'avaient pris en otage et qu'ils n'excellaient que dans le mensonge et l'arnaque.

Makosso estime en outre que, si Gbagbo est revenu dans la famille catholique, c'est parce que les écailles sont enfin tombées de ses yeux. Il se réjouit que l'ex-président ait rompu avec ces « faux prophètes » soucieux, selon lui, non pas de soigner les brebis mais de les dévorer. Pour lui, Paul Ayo, Dion Robert, Vincent Kodja, Willy Kacou, Koré Moïse et autres n'étaient attirés que par les espèces sonnantes et trébuchantes de l'ancien président.

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Comme on peut le voir, Makosso se montre peu tendre avec ses collègues qu'il juge trop sévèrement à notre avis car il nous est difficile de croire que les pasteurs qui gravitaient autour de L. Gbagbo étaient tous pourris et adeptes du faux. Contre eux, il sort l'artillerie lourde mais, et c'est une question qu'on ne peut s'empêcher de poser, celui qui se considère lui-même comme « le père de la marmaille » fulmine-t-il contre ses confrères parce qu'il est tombé amoureux de Laurent Gbagbo, parce qu'il a découvert que celui-ci est le vainqueur de l'élection présidentielle de 2010 ?

Autrement dit, pourquoi Makosso fait-il assaut de tant d'amabilités à l'endroit de Gbagbo ? À la suite des juges de la Cour pénale internationale, s'est-il rendu compte que l'ancien président n'était pas l'auteur des crimes contre l'humanité qui lui étaient imputés et qu'il faudrait chercher les vrais coupables ailleurs ? A-t-il pris conscience que le successeur de Robert Gueï fut injustement traîné dans la boue et privé inutilement de liberté pendant dix ans ? Reconnaît-il aujourd'hui la justesse de son combat ?

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Pour nous, il n'y a aucune sincérité dans les propos de Makosso sur Laurent Gbagbo. Ce soi-disant pasteur, de notre point de vue, n'est qu'un opportuniste qui encense aujourd'hui Gbagbo uniquement pour être dans l'air du temps et s'en tirer à bon compte. Car il a dit des choses extrêmement graves sur l'ex-président dans un communiqué produit le 12 avril 2011 et signé au nom d'un Directoire national des Églises évangéliques et protestantes de Côte d'Ivoire.

Ce communiqué, que Makosso n'a pas encore publiquement désavoué, décrivait Laurent Gbagbo comme « un candidat malheureux entêté », le radiait avec son épouse « de la grande famille évangélique et protestante de Côte d'Ivoire pour crimes de sang et blasphème », mettait fin au Haut Conseil, « organe minutieusement mis en place par le couple Gbagbo aux fins de mettre les Églises évangéliques et protestantes sous son emprise et son autorité pour des intérêts électoraux et politiques ».

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Dans la foulée, Makosso félicitait tour à tour « Monsieur , Président de la République de Côte d'Ivoire pour sa brillante élection confirmée par Dieu et par le monde entier, pour ses valeurs de paix, de travail, de réconciliation, de pardon, de justice et de vérité, surtout pour avoir eu la sagesse nécessaire en préservant l'intégrité physique de M Laurent Gbagbo lors de son arrestation, le Premier ministre Soro Guillaume, son gouvernement et les forces républicaines pour leur engagement au retour de la paix dans notre pays, M Choi, représentant du Secrétaire général de l'ONU pour sa détermination à l'éclatement de la vérité et au respect des résultats des élections présidentielles, Nicolas Sarkozy et la Licorne pour leur engagement à la délivrance du peuple de Côte d'Ivoire ».

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