« L’ONU dénonce trop de facteurs négatifs qui freinent la tenue des élections »

Danièle Boni-Claverie a animé une conférence sur le thème: « Périls sur la paix et les élections quelle alternative a une crise électorale ? »

Mesdames et messieurs les journalistes, cher invité, l'URD, a encore pris la décision de s'exprimer sur la conduite des affaires publiques. Nous voulons une fois de plus donner notre lecture des développements sociopolitiques en cours au sein de la Nation. Nous voulons partager avec vous nos préoccupations, exprimer nos doutes, attirer l'attention de tous les acteurs en présence notamment ceux qui tiennent aujourd'hui les rennes de l'Etat et, en appeler à la responsabilité des uns et des autres.

A 11 mois de la présidentielle d'octobre 2020, l'URD, par ma voix, voudrait dresser ‘'un inventaire'' des entraves à la bonne marche démocratique de notre pays; lesquelles entraves constituent, nous continuons de le dire et redire , un sérieux obstacle à la tenue d'élections en 2020. De même qu'on ne peut construire une maison sans fondations solides, on ne peut pas aller à la présidentielle de 2020 sans qu'un certain nombre de fondements, que dis-je de conditions, ne soient dûment remplies. L'URD a toujours fait connaître sa volonté de participer au prochain scrutin mais pas à n'importe quel prix. Dans nos pays africains, les élections se déroulent rarement dans la paix, or la paix est nécessaire pour organiser de bonnes élections.

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C'est pourquoi, depuis plusieurs mois, mon parti élève la voix pour dénoncer les conditions partisanes, arbitraires et confligènes, érigées artificiellement par le régime du Président
Ouattara, sur la route qui mène à l'élection présidentielle de 2020. En effet, nombre de critères ne sont toujours pas réunies pour un scrutin juste, ouvert, transparent et incontestable. Dans ces conditions, nous refusons d'engager le pays dans un nouveau cycle électoral aux perspectives plus qu'incertaines. A moins d'un an du scrutin, l'URD s'interroge sur la volonté du gouvernement et sur sa capacité à trouver des solutions démocratiques viables qui garantiraient des élections apaisées et irréprochables.

Le Pouvoir s'est à nouveau figé dans une position de passage en force
– une CEI inacceptable, une caution scandaleuse et anti-démocratique de 100 à 200 millions de francs pour les futurs candidats à la présidentielle, la décision solitaire qui se profile à l'horizon d'une élection à un seul tour
– toutes mesures qui découlent de l'autoritarisme du chef et qui est le fait du
prince. Les qui ont beaucoup souffert des crises passées ne veulent plus qu'on les mène à l'abattoir, de même, ils n'accepteront plus qu'on leur vole leur vote, qu'on leur vole une victoire. Les Ivoiriens ne sont pas prêts à aller à des élections avec une Commission électorale , j'enlève le mot « indépendante » à bon escient, une Commission non consensuelle, inféodée donc manipulée ;
Ils n'iront pas à des élections avec des médias d'Etat aux ordres, diffusant une pensée unique et fermés aux débats contradictoires ;

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Ils ne veulent pas non plus d'une liste électorale opaque qui va passer de 6, 7 millions d'électeurs à 12 millions d'inscrits sans que les conditions de délivrance des attestations d'identité et des cartes nationales d'identité n'aient fait l'objet de transparence et d'équité. Des CNI qui en plus sont contrefaites avec une facilité déconcertante et ce n'est pas la dernière saisie de contrefaçon de milliers de pièces nationales d'identité opérée par les services de police à la frontière Est du pays, au mois de mai de cette année qui me contredira. Ce qui revient à dire que trop de facteurs négatifs freinent la tenue de ces élections. Dans un contexte où de nombreuses armes continuent de circuler, (situation régulièrement dénoncée par l'ONU) ces instruments de mort peuvent à tout moment servir pour de basses œuvres.

Dans un contexte où de nombreuses armes continuent de circuler, (situation régulièrement dénoncée par l'ONU)

Mesdames et messieurs, la situation d'accalmie que connait le pays est en trompe-l'œil. La paix n'est pas seulement une absence de guerre ou de conflits. Et la démocratie ne se juge pas exclusivement à l'organisation d'élections par ailleurs hypothétiques. La démocratie que nous recherchons depuis l'aube de 1990 est un ensemble de facteurs inclusifs, une conjonction de volontés collectives, dans une approche non verticale, non jupitérienne, mais au contraire, dans une démarche horizontale, respectueuse des droits et des libertés, constamment soucieuse de l'intérêt général. La démocratie est exigeante.

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Or, ce que l'on constate depuis bientôt 10 ans est tout simplement contraire aux attentes de la majorité des Ivoiriens, aux antipodes de la promesse d'une démocratie, fut-elle jeune.
A l'Union Républicaine pour la Démocratie, notre conviction est faite depuis longtemps :

-Tant que la réconciliation vraie, inclusive et effective souhaitée par les Ivoiriens ne sera pas actée, la Côte d'Ivoire ne connaitra pas la paix ;

-Tant que des opposants politiques font l'objet de procédures judiciaires iniques et ne sont pas réhabilités, tant que le Président et Charles Blé Goudé ne seront pas
de retour, chez eux, le pays ne peut pas remis sur la bonne voie.

-Tant que perdurent les problèmes fonciers de plus en plus aigus, la Côte d'Ivoire vit dans l'insouciance sur un terrain miné;

-Tant que l'immigration incontrôlée continuera d'être agitée comme un chiffon rouge, la gouvernance économique et sociale ne sera pas fiable ;

-Tant que le pouvoir d'achat des Ivoiriens, le chômage des jeunes, la situation de précarité des femmes, le délitement de l'école et la santé, la corruption, n'auront pas été redressés sérieusement avec de vraies réponses structurelles et non par quelques coups de pinceau superficiels, l'Etat de Côte d'Ivoire ne sera pas un état de droit, pas plus qu'une république qui porte haut les valeurs citoyennes.Alors que proposons-nous concrètement ?Ce que l'URD suggère, c'est la mise en place d'une transition politique pour l'élaboration d'un nouveau contrat social.

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Je sais que ce mot peut faire peur parce qu'il est synonyme de désordre, de violences et de coups d'état. L'URD ne fera droit ni au chaos ni ne peut cautionner un coup d'état.
C'est pourquoi, étant légalistes, nous proposons qu'elle ne prenne effet qu'à la fin du mandat du Président de la République, soit le 1er novembre 2020.Cette mesure exceptionnelle sera l'occasion de tout mettre à plat, de nous mettre d'accord sur l'essentiel, de repartir sur de nouvelles bases et grâce à un dialogue constructif fera en sorte que tous les futurs prétendants au fauteuil présidentiel competissent dans la vérité. La transition politique que j'évoque devra aboutir à l'instauration d'un régime démocratique sain et durable et à un système électoral efficace. Ce temps consacré à la discussion nationale sera dédié à la mise à plat des institutions actuelles, à l'érection d'une Assemblée Constituante dont le mandat sera de proposer une nouvelle loi fondamentale plus consensuelle, plus inclusive et de portée générale.

Il s'agira aussi d'améliorer l'exercice des libertés politiques et entreprendre des réformes profondes dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de la justice, de la sécurité, de l'armée, de la vie publique en général.Plusieurs schémas peuvent être envisagés. Nous n'en avons retenu que deux. Le plus improbable. Celui qui verrait le Pouvoir accepté cette proposition. Et celui beaucoup plus réaliste où l'idée d'une transition serait rejetée. Le Président a dit « pas de retour en arrière ». Soit. Le maintien de l'élection dans ces conditions nous entraîne donc droit dans le mur et la transition s'imposera d'elle-même.

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Mesdames et messieurs les journalistes,
Au cours des années 90, certains responsables politiques ivoiriens avaient proposé l'organisation d'une concertation nationale afin de procéder à une réforme en profondeur des
institutions démocratiques, faire le point du vivre ensemble de l'époque avant d'envisager l'avenir. Nous étions de ceux qui voyaient, à l'époque, cette idée d'un très mauvais œil…
Aujourd'hui, avec du recul, face aux errements de la gouvernance actuelle, je dois avouer que ne pas avoir retenu la concertation nationale était probablement une erreur.

C'est sans aucun doute pour cela que des solutions telles qu'un gouvernement d'ouverture ou d'union nationale (2002 à 2009) n'ont pu être des réponses efficaces aux tentatives de règlement des disfonctionnements constatés. Bien au contraire, elles ont été des solutions limitées, partiales et incomplètes.

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Chers amis, L'URD, mon parti demeure convaincu que seule une transition peut restaurer les fondements de l'Etat de droit et de la démocratie en Côte d'Ivoire et éviter à notre pays une autre crise post électorale. Même si le mot transition est de plus en plus dans l'air du temps, nous sommes conscients que cette proposition peut surprendre. Elle peut même déplaire. Elle est certainement dérangeante. C'est le philosophe grec Socrate qui disait 5 siècles avant Jésus-Christ « quand on me contredit, on éveille mon attention, pas ma colère et celui qui me contrarie, je le respecte car il m'instruit ».

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