Jamais Marché africain des arts du spectacle africain (Masa 2018) n'avait connu un échec aussi retentissant. A un jour de la fin des festivités, le constat reste le même : public inexistant, retard dans l'organisation des spectacles, bénévoles qui se plaignent de ne pas toucher le minimum à leur promis, etc.
Seule satisfaction : la qualité des prestations. Dans les disciplines des arts de la rue, du conte, de la danse, de l'humour, de la mode, de la musique et du théâtre, les artistes, en groupe ou individuellement excellent, à en croire les rares visiteurs qui ont fait le déplacement du Parc aux bois ou du palais de la Culture d'Abidjan. De fait, les 101 groupes dont 13 de Côte d'Ivoire, pour cette dixième édition, rivalisent de créativité.
« L'absence du grand public est dû « au fait que nous avons communiqué beaucoup sur le caractère payant des spectacle,s alors que ce n'est vraiment pas cher »‘ (DG du Masa)
Mais si l'excellence est au rendez-vous au niveau des artistes participants, c'est la médiocrité qui l'est au niveau des organisateurs. Premier responsable de cet échec cuisant, le premier de ce genre, vingt-cinq ans après la création du Masa : Yacouba Konaté, ci-devant professeur d'université, directeur de cabinet de la Grande chancelière et directeur général du Masa (pardonnez pour le peu de titres et fonctions).
Cet intellectuel de 64 ans, réputé dans son domaine de prédilection qu'est la philosophie, n'a pas le profil du poste. Nommé en 2012 pour revaloriser le Masa qui avait été envoyé aux calendes grecques par Laurent Gbagbo, qui considérait cela comme une vacuité d'Henri Konan Bédié ; Yacouba Konaté n'a jamais été à la hauteur de la tache.
Masa 2018 et amateurisme
Les éditions se succèdent depuis cette date et se ressemblent. Cette année, l'échec cuisant est surtout dû au ticket d'entrée de 5 000 FCFA institué, pour voir certains spectacles, dans un contexte de précarité des Ivoiriens. Pour Konaté, l'absence du grand public est dû « au fait que nous avons communiqué beaucoup sur le caractère payant des spectacle,s alors que ce n'est vraiment pas cher ».
5 000 FCFA « pas cher » ? Pour une bonne moitié d'Ivoiriens qui peinent à manger une fois par jour et vivent avec moins de deux dollars (environ 1 000 FCFA) par jour, 5 000 FCFA est certainement cher. Mais preuve que l'argent n'est pas forcément l'explication principale de l'absence du grand public, le tarif avait été revu à 2 000 FCFA, deux jours après l'ouverture du marché, puis est totalement gratuit, depuis jeudi. Cependant, le public ne répond toujours pas à l'appel.
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Le leadership des organisateurs est en cause. Ils n'ont pas épousé l'esprit du Masa, mais refusent obstinément d'appeler à la rescousse les pionniers tels Mel Eg Théodore ou Alpha Blondy, qui avaient été désignés par Bédié, pour faire du Masa, un rendez-vous incontournable du spectacle africain. A l'heure du digital et de la communication, ils refusent de se faire entourer de professionnels, pour les accompagner. De même, n'étant pas eux-mêmes issus du milieu des artistes, ils refusent de s'attacher les services d'artistes qui maîtrisent mieux les subtilités de leurs domaines.
En définitive, tout se passe comme si les organisateurs du Masa étaient moins préoccupés par le succès d'un marché qui avait pourtant déjà écrit ses lettres de noblesse, que par le budget de 900 millions FCFA, pour lequel ils s'étaient battus pour obtenir, auprès de l'Etat et des nombreux partenaires.
Prince Beganssou