Municipales 2023: « pourquoi veut-on nous faire croire qu’aujourd’hui, un Kouadio ou un Séry ne pourrait pas se faire élire au nord ? » (Venance Konan)

Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin
Venance Konan, journaliste ivoirien et ancien DG de Fraternité Matin © Crédit photo DR

« Autochtones et allogènes, » une analyse de Venance Konan sur les élections municipales, régionales et présidentielles en Côte d'Ivoire.

A chaque élection dans notre pays, le même vieux et filandreux débat resurgit : pourquoi tel individu, qui ne porte pas un nom du terroir, veut se porter candidat dans cette région ? Pourquoi ne va-t-il pas chez lui ? Et c'est à ce moment que nous ressortons nos histoires d'autochtones et d'allogènes quand on ne va pas chercher un mot encore plus savant tel allochtone. Tout ça pour dire que la personne en question n'est pas de l'ethnie du coin. Généralement, ce sont les personnes portant des noms à consonance nordique, comme on dit, que certains veulent interdire de candidature dans certaines régions du sud, du centre ou de l'ouest de notre pays. Mais depuis quelques temps, on y a inclus des personnes aux noms à consonance baoulé.

Ainsi a-t-on vu récemment des chefs d‘une région s'insurger contre le choix d'un parti politique porté sur un Kouakou dans une région du centre-ouest. Qu'est-ce que des chefs traditionnels ont à voir avec le choix du candidat d'un parti ? Et l'argument que l'on croit imbattable est celui-ci : est qu'un Konan ou un Digbeu peut être candidat au nord du pays, c'est-à-dire à Korhogo, à Odienné, A Ferkessédougou ou à Kong par exemple ? En clair, est-ce qu'une personne originaire du sud du pays peut se porter candidat à une élection au nord de notre pays ? Ceci pour nous dire que s'il y a bien une région qui refuse l'intégration des autres composantes de notre nation, c'est bien le nord de la Côte d'Ivoire, ce qui justifierait que par réciprocité, l'on refuse aux ressortissants de cette partie du pays d'être candidats ailleurs que dans leur région d'origine.

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Evacuons rapidement cette question. Oui, un ressortissant d'une autre région que le nord peut y être candidat et être élu. Comme nous ne connaissons pas notre histoire, nous avons oublié qu'Houphouët-Boigny a été élu député de la Côte d'Ivoire au parlement français en 1946 par le nord de la Côte d'Ivoire, ce nord qui à cette époque incluait une bonne partie de l'actuel . Oui, ce n'est pas le pays baoulé qui avait envoyé Houphouët-Boigny au Palais Bourbon, mais le nord de la Côte d'Ivoire. A cette époque, Houphouët-Boigny n'était pas le puissant président qu'il fut plus tard, mais il trouva les arguments pour convaincre cette partie du pays de voter pour lui, au détriment de candidats issus de cette région.

Alors, pourquoi veut-on nous faire croire qu'aujourd'hui, un Kouadio ou un Séry ne pourrait pas se faire élire au nord ? Qui a essayé d'être candidat dans cette partie du pays et a vu sa candidature refusée ?

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De l'autre côté, s'est-on interrogé sur les raisons pour lesquelles un Lida Kouassi qui se réclame fils autochtone d'une certaine région est battu aux législatives par un Kouyaté que l'on a présenté comme allogène ou allochtone, en tous cas pas fils pur jus de la région ? Simplement parce que Kouyaté a été plus convaincant aux yeux des électeurs. Nous ne sommes plus au temps du parti unique où les élus étaient plus ou moins imposés. Aujourd'hui chacun a la liberté de voter pour qui il veut. Et certains candidats, plutôt que de chercher des arguments pour convaincre le maximum d'électeurs, cherchent à exclure leurs adversaires en utilisant les ethnies ou les origines, comme on l'avait fait au temps de l'ivoirité.

Comme bon nombre d'entre nous n'avons pas de mémoire, nous avons déjà oublié où cela nous a conduits. Que ceux qui n'ont pas encore oublié se ressaisissent. Les Ivoiriens ne sont plus enfermés dans des ethnies géographiquement délimitées d'où ils ne peuvent plus sortir. Quelle que soient nos ethnies, nous pouvons naître et vivre n'importe où sur le territoire ivoirien et nous y enraciner. Et pour se faire élire quelque part, nos populations ne regardent plus les noms, mais les liens que les candidats ont tissés avec elles et les actes qu'ils ont posés.

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Aujourd'hui nous sommes très fiers de savoir qu'une , d'ethnie Dida et native d'Abobo est députée en France, donc française, mais nous avons du mal à accepter qu'un Kouakou, ou un Hien, natif de Côte d'Ivoire, soit candidat dans une certaine région de cette même Côte d'Ivoire. Essayons de grandir un peu. Avez-vous remarqué qu'un fils de Kenyan est devenu président des Etats Unis pendant deux mandats ? Avez-vous remarqué que l'actuel Premier ministre de la Grande Bretagne est d'origine indienne et pratiquant de la religion hindoue ? Tirons les leçons de notre histoire, voyons comment le monde évolue et grandissons.

Written by Venance Konan

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