PDCI-RDA : trois candidats pour un poste à haut risque

Ferro Bally, journaliste ivoirien, revient sur l'élection du nouveau président du PDCI-RDA, qui aura lieu le 16 décembre 2023.

Il souligne que cet événement est d'une importance capitale pour le parti, qui traverse une période difficile depuis la perte du pouvoir en 1999.

L'article commence par rappeler l'histoire du , qui a été fondé en 1946 par Félix Houphouët-Boigny. Le parti a dominé la vie politique ivoirienne pendant plusieurs décennies, mais il a perdu le pouvoir en 1999 à la suite d'un coup d'État.

Depuis lors, le PDCI-RDA a été divisé et affaibli. , qui a dirigé le parti de 1994 à 2023, a échoué à le réconcilier et à le faire revenir au pouvoir.

La mort de Bédié le 1er août 2023 a ouvert une nouvelle phase dans l'histoire du PDCI-RDA. Trois candidats se sont déclarés pour lui succéder : Maurice Kacou Guikahué, Noël Akossi Bendjo et .

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L'article analyse les chances de chacun de ces candidats. Kacou Guikahué est le candidat favori, mais il est critiqué pour son passé controversé. Akossi Bendjo est un ancien maire de la commune du Plateau, mais il est condamné par contumace pour des détournements de fonds. Thiam est un financier ivoiro-français qui est revenu au pays après plus de vingt ans d'absence.

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L'article conclut en soulignant que l'élection du nouveau président du PDCI-RDA est un moment important pour le parti. Le choix du candidat qui réussira à réconcilier le parti et à le faire revenir au pouvoir sera déterminant pour l'avenir du PDCI-RDA.

L'intégralité de son analyse :

e plus vieux parti politique de Côte d'Ivoire prépare activement un grand événement de son histoire: l'élection de son nouveau président; le troisième capitaine qui, tenant fermement le gouvernail, va lui permettre de négocier et franchir les eaux tumultueuses et déchaînées.

Depuis sa création le 9 avril 1946, il y a donc 77 ans révolus, ce sera la première fois que le PDCI-RDA fera face à un très grand défi pour sa survie.

Son fondateur, Félix Houphouët-Boigny (président de 1946 à 1993) est mort au pouvoir le 7 décembre 1993. Henri Konan Bédié, son successeur (président de 1994 à 2023), qui était candidat à sa réélection au 13è congrès ordinaire du parti (19, 20 et 21 octobre 2023) annulé, a été brutalement rappelé à Dieu le 1er août 2023, dans sa 89è année.

Il se trouve que depuis le 24 décembre 1999, le parti a perdu le pouvoir d'État et tangue sur des eaux agitées. Aux nombreux militants qui ont tourné casaque pour répondre aux chants des sirènes du régime en place, s'ajoute l'OPA du chef de l'État Ouattara pour l'avaler au RHDP dans une fusion-absorption contre la volonté de Bédié.

Pour ce dernier, le parti unifié n'est pas le RHDP, mais la réunification du PDCI-RDA. Car, à l'exception du MFA d'Innocent Anaky Kobena, c'est de ce parti d'origine que sont parties les autres formations politiques (PDCI-RDA, RDR d'Alassane Ouattara et UDPCI d'Albert Mabri Toikeusse), qui ont porté sur les fonts baptismaux, le 18 mai 2005 à Paris, la coalition baptisée Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP).

Bédié est donc mort au front de la préservation de l'héritage politique d'Houphouët-Boigny. Ces mots, qu'il a adressés aux militants, à l'occasion du 7è congrès extraordinaire (30 mars 2023), sonnent comme sa dernière volonté. « Souvenons-nous, ameutait-il les troupes, de cette conclusion du physicien Isaac Newton et je cite: ‘Lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité est double.' Unis et déterminés, joignons alors toutes nos forces pour garantir la victoire du PDCI-RDA. »

Le président Bédié a mené, sans relâche, cette bataille parce que deux accidents de parcours ont noirci « les chemins de (sa) vie » -titre de son ouvrage. C'est au lendemain de son élection, le 30 avril 1994 au 3è congrès extraordinaire, que l'ex-parti unique va connaître, pour la première fois de son histoire, le schisme conduit par Djéni Kobinan Kouamé, qui créera le RDR.

En effet, ses contempteurs, qui avaient échoué à couper l'herbe sous les pieds du dauphin constitutionnel qu'il était, par un coup d'État constitutionnel au décès, le 7 décembre 1993, d'Houphouët-Boigny, lui refusaient le passage de témoin à la tête du PDCI-RDA.

Leur objectif sera atteint. Le 24 décembre 1999, le régime sera renversé par un putsch, le premier de l'histoire du pays.

Mais Bédié réussira, après son exil français, à faire son retour à la tête du parti. Et bien que la donne ait désormais changé avec les candidatures multiples pour diriger le PDCI-RDA, il a battu à plate couture d'abord, Laurent Dona Fologo et ensuite, Alphonse Djédjé Mady, les secrétaires généraux du parti, ses plus proches lieutenants, aux 11è (8 avril 2002) et 12è (6 octobre 2013) congrès ordinaires, en recueillant 82,5% des voix contre 12% pour Fologo et 93,29% des suffrages exprimés contre 3,29% pour Mady.

Mais la reprise du pouvoir qu'il espérait en 2020 grâce à son appel de Daoukro du 17 septembre 2014, en faveur de la candidature unique d'Alassane Ouattara pour le compte du RHDP, à la présidentielle de 2015, a tourné en eau de boudin.

Par conséquent, la succession de Bédié à l'issue des assises du 8è congrès extraordinaire (16 décembre 2023), fait l'objet d'âpres batailles. Des militants pressentis ont jeté l'éponge: Émile-Constant Bombet, Jean-Louis Billon et Thierry Tanoh.

Trois autres cadres ont officiellement fait acte de candidature: Maurice Kacou Guikahué, secrétaire exécutif en chef (72 ans), Noël Akossi Bendjo, conseiller spécial du président du parti en charge de la réconciliation et de la cohésion sociale (72 ans), et Tidjane Thiam, membre du Bureau politique (61 ans).

Et les débats font rage sur l'avenir du parti. D'abord Kacou Guikahué baptisé « capitaine courage ». Arrêté le 3 novembre 2020, après l'épisode foireux du Conseil national de transition (CNT), pour « complot contre l'autorité de l'État et actes de terrorisme », il a été libéré le 19 janvier 2021, mais reste placé sous contrôle judiciaire.

Pis, il est accusé d'avoir fait partie, sous la transition militaire, des Judas du PDCI-RDA. En tant que secrétaire national à l'organisation et à la mobilisation, il a demandé aux militants du parti de voter pour le tombeur de Bédié, le putschiste Robert Guéi, à la présidentielle d'octobre 2000.

À la présidence du parti, ses détracteurs se montrent alors méfiants devant les appétits politiques pantagruéliques du chef de l'État.

Ensuite Akossi Bendjo. Révoqué le 1er août 2018, en conseil des ministres, de ses fonctions de maire de la commune abidjanaise du Plateau pour le maniement des fonds communaux, il a été condamné par défaut, le 2 juillet 2019, à 20 ans de prison ferme, 10 milliards de nos francs d'amende et cinq ans de privation de ses droits civiques, pour les faits de « détournements de fonds, faux, usage de faux et blanchiment de capitaux. »

Après trois ans d'exil, il est rentré au pays le 3 juillet 2021, sans bénéficier ni d'amnistie ni de grâce. Il reste donc, pour ses adversaires, un pion fragile aux mains du pouvoir, mais que la jurisprudence Gbagbo protège.

Enfin, Tidjane Thiam. Contrairement aux autres prétendants, il est clean devant la justice. Et non seulement doté de moyens financiers conséquents, mais reconnu, comme Ouattara, à l'international, il représente le deus ex machina du parti dans sa traversée du désert.

Mais cet Ivoiro-Français est traité d'opportuniste et de parvenu. Ayant quitté le pays au renversement de Bédié, dont il était le ministre du Plan et du Développement (1998-1999), il n'est revenu que le 8 août 2022, pour une visite, après plus de vingt ans d'absence.

Aussi, avec cette intrusion jugée brutale, est-il vu comme un cheveu sur la soupe, qui vient récupérer le travail de terrain que les autres ont abattu. Et c'est voulant le tacler que Bendjo a ouvertement déclaré que le PDCI-RDA n'a pas besoin « d'homme providentiel ».

Sans compter qu'après avoir, dit-on, déboursé un milliard de nos francs pour le financement des campagnes des candidats du parti aux élections locales (municipales et régionales du 2 septembre 2023), il s'engage à payer les arriérés de cotisation des membres statutaires afin qu'eux tous, estimés à 15.000 militants, participent à la grand-messe du 16 décembre. D'où les accusations de clientélisme et d'achat de conscience qui fusent de presque partout pour dénoncer son opération de charme.

Et les militants de l'ex-parti unique, face aux enjeux d'un horizon incertain, croisent les doigts. Après avoir raté, à la mort d'Houphouët-Boigny, sa rénovation par une « véritable régénération du parti », le PDCI-RDA, après le départ de Bédié, se retrouve au pied du mur de sa reforme, par sa réinvention pour faire à nouveau rêver les Ivoiriens afin de reconquérir le pouvoir d'État. Perdu depuis bientôt 24 longues années.

Written by Christian Binaté

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