Péage de Bassam : « le prix est entièrement justifié », ce qui n’a jamais été dit, entretien réalisé par Assalé Tiemoko.

Péage de Bassam : Assalé Tiemoko, dans un entretien avec un agent public impliqué dans la construction des routes, cherche des explications sur le coût du péage Abidjan-Bassam.

« Quand vous sortez de l’aéroport Blaise Diagne pour aller au Centre-ville de Dakar au Sénégal, vous avez environ cinquante kilomètres à parcourir sur l’autoroute. Et sur ces cinquante kilomètres, il y a cinq péages à 1000 Fcfa le passage, soit cinq mille francs pour cette distante et dix mille Fcfa, en aller-retour. Les Ivoiriens aiment se plaindre mais il y a des exemples autour de nous qui sont la preuve qu’en Côte d’Ivoire, nous sommes mieux logés. »

Ces propos sont ceux d’un agent public directement impliqué dans la construction des routes, auprès de qui j’ai été chercher les explications sur le coût de la construction du péage sur l’Autoroute Abidjan-Bassam et les coûts de passage annoncés pour prendre effet ce vendredi 24 juin.

Pour lui, les coûts annoncés sont totalement justifiés et il en donne les raisons.

« Ce qui fait la différence entre vous et les autres, c’est que vous ne développez pas et ne prenez pas de position radicale sans chercher à avoir tous les éléments et c’est pour cela que je vais vous donner des éléments objectifs pour apprécier. Généralement pour fixer les coûts, l’élément qu’on prend en compte est le linéaire sur lequel la circulation doit se faire.

l’Autoroute dont il s’agit ici, c’est en réalité l’autoroute Abidjan-Lagos au Nigéria. Si vous prenez par exemple Abidjan-Yamoussoukro, les usagers paient 2500f. Mais pour quelqu’un qui va à Kossihouein tout près d’Abidjan, il paye 1250F, quelqu’un qui va à Tiassalé, 120 KM, il paye 1250 F… »

LIRE AUSSI : Evasion de trafiquant de drogue à MACA: un cadre de l’opposition réagit, « avec l’argent, tout est possible en Côte d’Ivoire »

Pourquoi les coûts sont fixés de cette façon ?

« Pourquoi cela se passe ainsi ? Tout simplement parce que nos autoroutes en Côte d’Ivoire, ne sont pas des autoroutes fermées et je vous explique. Quand vous partez au Maroc ou en France, les autoroutes à péage sont majoritairement des autoroutes fermées, elles ne traversent pas des villes ou des villages, quand vous rentrez, vous prenez un ticket. Si vous devez parcourir 45KM, vous payez pour 45 Km, si vous parcourez 100 KM, vous payez pour 100 Km, puisqu’il y a des endroits de sortie et donc le prix que vous payez dépend de votre lieux de sortie, mais ici, on ne peut pas faire ça, parce que nos autoroutes sont complètement ouvertes. C’est pour cela qu’on paye un montant fixe. Celui qui va à Bassam, il paye le montant de celui qui va à Samo qui est plus loin, parce que la route de Samo aussi a été réhabilitée pour permettre aux gens de passer. C’est donc le critère qui permet de fixer le coût ».

Beaucoup d’Ivoiriens estiment que les coûts annoncés vont renchérir les coûts du transport.

« Pour les transporteurs, il faut être honnêtes, ils n’ont pas à renchérir les coûts. A la demande du ministère des transports, nous avons réhabilité l’ancienne voie où ils ont mis des bus qui vont à Bassam et dans tous les villages qui sont sur l’autre côté. Pour les transporteurs donc, pour ceux qui ne veulent pas venir sur Abidjan directement, il vaut mieux pour eux de passer sur l’ancienne voie qui a été réhabilitée. Cela leur permet de prendre tous les gens qui sont restés de l’autre côté de la nouvelle voie, ce qui n’est pas le cas sur l’autoroute qui concerne prioritairement tous ceux qui vont vers Aboisso, vers Assinie, ect. Celui qui veut aller à Bassam et qui veut passer par l’autoroute pour gagner du temps, il devra donc payer les 1000 F. »

LIRE AUSSI : Classement FIFA Afrique juin 2022: le Top 10, le Sénégal toujours leader et la Côte d’Ivoire en 9e position

Il y a aussi depuis plusieurs semaines, une polémique sur le coût de réalisation de ce péage. Qu’est-ce qui justifie ce coût de plus de 10 milliards. Que s’est-il passé ?

« Il s’agit là d’une polémique totalement inutile, les gens ne cherchent à avoir des informations crédibles avant de se défouler sur les réseaux sociaux. Quel est le coût de construction aujourd’hui, d’un km de route normale, bitumée ? C’est selon la nature du sol et des espaces traversés, autour de 750 millions à un Millard. On a des routes en Côte d’Ivoire qui sont construites à des coûts relativement moins chers. Si vous partez dans la zone des montagnes, dans la zone de Man où il faut parfois détruire des roches à la dynamite pour avancer, le km de route peut dépasser largement le milliard. Le prix d’un km d’autoroute, c’est au bas mot, deux milliards de Fcfa. Il faut que les gens aient des ordres de grandeur avant dire des choses qu’ils ne maitrisent pas. »

Quand on applique ces ratios au péage de l’autoroute Abidjan-Lagos ?

« Quand on revient à ce péage ci, cela donne quoi ? En 2015, lorsqu’on a vu le bailleur, pour obtenir le prêt avec la Chine, l’une des conditionnalités était que cette autoroute soit à péage pour assurer l’entretien, mais ce péage n’a pas été construit à temps et la première partie de l’autoroute a été construite. Quand le temps est venu de construire le péage, on a dû barrer la route et faire une déviation de ladite route, ce qui a engendré de nouveaux frais qu’il a fallu intégrer dans le coût de construction du péage. Il a fallu déplacer des réseaux d’eau et d’électricité qui passaient à cet endroit. Les gens ne le savent pas, mais les déplacements de réseaux d’eaux et d’électricité coûtent très chers. Il a fallu intégrer ces coûts dans la construction du péage pour pouvoir agrandir la plateforme. »

Pourquoi avoir élargi autant la plateforme si cela devrait renchérir tous les coûts initiaux ?

« C’est une très bonne question. On a élargi cette plateforme pour tenir compte des plaintes des Ivoiriens sur ce qui se passe au niveau des péages sur l’autoroute du Nord. Les embouteillages là-bas s’étendent parfois sur des kilomètres et des usagers perdent des heures parfois avant de passer le péage. C’est instruit de cette situation que nous avons décidé de construire une plus grande plateforme parce que le trafic attendu sur cette autoroute est de 16 mille véhicules au moins par jour. Donc il fallait augmenter le nombre de box à péage. On a fait donc 16 box, huit de chaque côté, huit box par sens pour éviter ce qu’on voit de l’autre côté. On pouvait faire 4 box comme sur les autres péages mais il faut toujours tenir compte des expériences. »

LIRE AUSSI : Trêve sociale 2017-2022 : le gouvernement et les syndicats des fonctionnaires satisfaits du bilan

Y-at-il une différence majeure entre ce péage et celui du troisième pont ?

« Oui, il y a une grande différence entre ces deux péages. Sur le troisième pont, souvent les matins et aux heures de pointes généralement, il y a une queue. A quoi cela est dû ? Cela est dû au fait que la route est deux fois trois voies et quand on approche du poste de péage, il y a un élargissement pour arriver à ce poste. Sur le troisième pont, cet élargissement fait 160 mètres. Sur le péage de Bassam, cet élargissement fait 500 mètres de long. Quand vous faites 500 mètres multipliés par 8 voies, cela fait deux kilomètres d’autoroute en linéaire. Dans l’autre sens, il y a également, deux kilomètres d’autoroute, ce qui fait quatre kilomètres d’autoroute. A deux milliards le kilomètres, vous avez déjà 8 milliards à dépenser, rien qu’au niveau simplement de la plateforme pour arriver au poste de péage »

A cela s’ajoute, d’autres travaux complémentaires ?

« Oui, beaucoup d’autres travaux complémentaires. On construit un poste de police sur le site, qui doit payer le coût de ce poste de police ? On a construit également, un poste pour les sapeurs-pompiers, cela a un coût. Il y a la direction de la commercialisation de la route du Fonds d’Entretien Routier (FER), qui louait des bâtiments aux deux plateaux, nous avons construit l’ensemble de leurs bureaux sur le site du péage et toute cette direction sera désormais logée là-bas. Tout ça a un coût. Il y a également les dortoirs des travailleurs qui ont été construits là-bas. Il faut ajouter à toutes ces infrastructures, le poste central de contrôle de tous les péages de Côte d’Ivoire qui a été construit sur ce site. Toutes ces infrastructures ont un coût. A tout cela il faut ajouter le fait qu’au moment d’ouvrir l’autoroute, toues les installations qui ont été endommagées comme les glissières et autres, il a fallu les reprendre, y compris les bandes blanches et toute la signalisation pour aller au péage. Tout ce que je viens de citer a un coût auquel il faut ajouter, le coût même la construction du péage et tout son équipement. Les concepteurs du projet en 2015, ont estimé que ce péage doit être la vitrine d’Abidjan, donc le péage a été conçu pour ressembler à la voute d’un Air Bus A380. Cette seule conception et sa réalisation physique ont coûté 3,6 milliards de Fcfa. Le constructeur n’a même pas pu terminer cette construction faute d’argent et on a dû rattraper ça par derrière. Les équipements du péage font 5 milliards, tout a été calculé au centime près, rien n’a été surfacturé, tout a été contrôlé à toutes les étapes.

Il faut que les gens arrêtent des cadres honnêtes qui travaillent pour faire avancer leur pays. Il faut arrêter de jeter les gens à la vindicte populaire, surtout sur la base de rumeurs. Sinon, au lieu de faire un péage à 16 voix pour faciliter la vie aux usagers, on aurait pu faire à 4 voies et les gens subiraient les engorgements au poste de péage tous les jours. Aujourd’hui, le poste de péage d’Adzopé, on est obligé, devant la souffrance des usagers bloqués à ce péage, de faire des travaux d’élargissement pour mettre fin à la souffrance des usagers.

Les prix fixés pour ce péage, sont totalement justifiés. »

Entretiens réalisés par Assalé Tiemoko.

Written by Assalé Tiemoko

« Le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire baisse à 39% » – Myss Belmonde Dogo

Le Président Ouattara échange avec Frédéric Oudea, le DG du Groupe Société Générale