Déguerpissements à Abidjan : un prêtre catholique réagit, « le coup du Marteau sur les pauvres »

Le Père Marius Hervé Djadji se prononce sur l'opération de déguerpissements en cours dans le district d'Abidjan depuis des jours.

Dans un pays où on ne sait jamais qui dit la vérité, lorsqu'il y a des faits, on hésite avant de parler. Parce que les mêmes victimes que tu défends aujourd'hui, seront demain derrière leurs bourreaux chantant, dansant au son des grelots ensorcelés parce qu'elles ont entendue parler d'élections et de visites.

Avec quelques billets de banques où au nom de la fibre ethnique, les victimes applaudissent les bourreaux, et les défenseurs de leurs droits deviennent les démons.

Voici la société dans laquelle nous sommes. Même pour avoir la vérité sur des faits, il est difficile parce que tout le monde ment. Personne ne viendra expliquer de manière objective à la population ce qui se passe. Chaque fois, sur le cas de la destruction des quartiers dits précaires, d'un côté des agents de l'Etat affirment toujours avoir averti depuis mathusalem, même avoir dédommagé les victimes. De l'autre côté, les victimes affirment toujours n'avoir rien reçu. C'est toujours la même danse macabre.

Mais dans une société où personne n'explique les choses de manière objective, dans une société où tout est construit sur le mensonge, que doit faire Jonas ? Que doit faire Jérémie?

Nous sommes obligés de nous appuyer sur ce que nous voyons pour parler. C'est en ce sens que j'accuse les autorités étatiques pour leur manque de prudence.

Avant de détruire des centaines de maisons, pourquoi ne pas trouver un site pour les habitants, les reloger d'abord avec des clés dans leurs mains avant de détruire les quartiers ?

Pour la CAN, vous avez mis des milliards pour construire en quelques mois des sites d'hébergement des joueurs, pourquoi ne pas faire de même pour ces Ivoiriens qui vivent dans les quartiers à risque avant de détruire ces endroits ?

Quelle est la place de l'école en Côte d'Ivoire quand des enfants assistent à la destruction de leur établissement scolaire ?

On peut accuser le propriétaire ou le fondateur, on peut dire tout ce qu'on veut, mais avant de détruire cet établissement, il fallait être sûr que ces enfants ont été relogés. De manière psychologique, ces enfants seront atteints toute leur vie. Ce seul geste met à nu la politique du gouvernement sur l'éducation et sur la jeunesse. Même si vous trouvez une école paradisiaque pour ces enfants, vous avez détruit quelque chose en eux. Mais bon dans une société où on pense que tous ceux qui dansent sont contents, on ne tient pas compte de la psychologie.

Vous oubliez que la destruction d'un quartier sans maitriser le relogement des habitants augmente la prostitution, l'insécurité, les réseaux de vente de drogue et les enfants dans la rue.

Chers Ivoiriens et Ivoiriennes, pendant la Coupe d'Afrique, devant une défaite de 4 à 0, on s'est tous levé pour dire non et nous avons tous poussé notre équipe à la victoire en demandant des démissions. Aujourd'hui, nous sommes devant une injustice sociale et sociétale, nous sommes devant des familles sans logements, nous sommes devant des enfants qui pleurent, que Faisons-nous ?

La destruction anarchique des quartiers précaires sans une politique ne doit pas être une récupération politique, ethnique ou religieuse. Au nom de notre culture, au nom de notre foi, au nom de notre humanisme, nous devons dire non et exiger réparation et démission. Unis, tous les Ivoiriens doivent faire bloc pour que l'Etat élabore une politique humaine et humaniste face à la question des quartiers précaires.

Beaucoup de citoyens doivent savoir que le développement implique l'humanisme. Le développement est fait pour l'homme.

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Aujourd'hui en Côte d'Ivoire, nous assistons à un développement flou, un développement sans humanisme. C'est un développement qui fait danser le lundi et qui fait pleurer le mardi. Le lundi on danse sur les ponts et le mardi, nous pleurons devant l'augmentation du coût de l'électricité. Le mercredi nous sommes fiers des stades et le jeudi, on est sans logement. Le vendredi on saute parce qu'on a liberé des prisonniers sans savoir pourquoi, et le samedi le coût de la vie augmente.

La question des destructions de ces quartiers doit être analysée à la lumière de ce qu'on nous a promis hier. Dans les discours, il avait été dit que Boribana et tous les autres quartiers deviendront des Jardins d'Eden en quelques mois, Asam et Eve deviendront des propriétaires de terrains et de logements sociaux.

Bon mon cher ami Éloi j'ai ma sauce au feu, peut-être que j'étais loin dans mon sommeil, je dormais à kpeboumou lorsque ces discours étaient tenus. Excusez moi j'avais mal compris il ne s'agissait pas des quartiers précaires mais on parlait peut-être des petits logements des grands de ce pays qui allaient se transformer en châteaux des Rois de France.

Vive le développement pour un Ivoirien nouveau sautant, parlant, votant et rampant.

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Père Marius Hervé Djadji

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