« Le fruit est mûr ! » Extrait de Fraicheur de résurrection, de Lazare Koffi Koffi, ancien ministre et cadre du FPI.
Le fruit est mûr !
Il va bientôt chuter !
C'est dans l'ordre normal des choses.
Quand un fruit est mûr
Il tombe
Inéluctablement
Ou il est cueilli.
Je vous le dis:
O familles humaines
Vous qui scrutez chaque jour l'horizon !
O corps social citoyen
Qui a les yeux fixés au ciel !
O peuple mien
Qui attend nerveusement le temps de la moisson !
Le fruit est mûr !
On en parle sous tous les toits
Comme d'un événement très attendu
Le fruit est maintenant mûr
Il va bientôt tomber !
C'est dans l'ordre de la nature.
Quand un fruit
Atteint sa phase terminale
De maturation
Il chute
Inévitablement
Ou il est cueilli.
De tout arbre
Qu'il soit domestiqué
Ou perdu dans la jungle
Qu'il soit géant et inflexible
Ou mince ou rabougri
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Qu'il soit vert et branchu
Ou fatigué et chenu
Quelle que soit la tige
Qui le porte
Et qui lui donne l'illusion
D'être un trésor impérissable
Ou qui le saoule d'utopies maladives
De résister aux intempéries
En validant aussi bien
Sous le souffle doux et caressant de Zephyr
Que sous la fureur orageuse de Typhon
Je vous le dis:
Tout fruit qui est mûr
Tombe
Ou est cueilli.
C'est une loi physique
Imparable !
Dans son aventure de maturation
Tout fruit se laisse entraîner
Par la cadence des saisons
Qui dansent et s'alternent sans bruit.
Il se laisse étourdir
Par les fines caresses de la pluie
Et les exquises câlineries
De la flamme du soleil
Qui réchauffe ses calculs
D'accroissement.
Solidement accroché
Dans les alvéoles du feuillage
Il se persuade
Être éternellement en sécurité
Dans une bastille
De ruche imprenable
Tout sens d'alerter dépourvu
Ayant noyé son esprit
De discernement
Dans les rêves et les effluves
Du narcissisme
De l'égocentrisme
Un fruit qui court
Vers sa maturation
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Se laisse griser par les attentions
Trompeuses et fourbes
De la gent des courtisans
Flatteurs
Hypocrites
Sournois
Et grimaciers
Qui lui font croire
Qu'il est un super-fruit
Une superstar convoitée.
Contemplée comme démiurge
Il provoque autour de lui
Des tensions incommodantes
Sur les regards rivaux et envieux
De tous les crève-faims de la terre
Les regards cupides des êtres humains
Des bestiaux
Des rats
Des souris
Des rampants
Et autres bestioles
Les regards concupiscents des araignées
Des scarabées
Et autres insectes
Qui palpitent et grelottent d'impatience
De jouir de sa saveur.
Ces regards supputent parient et pestent
Sur son avenir
Un avenir incertain
Qui enchevêtre craintes et irritations
Délicatesses et aigreurs
Sentiments mortifères
Destructeurs de l'entente et de la convivialité
Au milieu des éternels ambitieux
Qui guettent les retournements de l'histoire
Pour toujours en tirer profit.
Dans cette posture de superstar
Qui méprise les vertus
Le fruit ne peut pas voir
- il ne peut voir
Le péril
Venir jusqu'en sa branche
Le péril ravageur
Des nuages de convoitises
S' amonceler sur sa tête
Surchargée de gloires
Avec éclairs brûlants
Dans le dessein
D' éroder ses rétractions fibreuses
Et de l'étouffer
En coagulant sa sécrétion résineuse.
Dans cette posture de demi-dieu
Il ne peut pas s'attendre - il ne pouvait pas s'attendre
A être à la portée
De mains voraces
Qui ne ménageront
Aucun effort pour le cueillir
Le coeur frémissant
De désirs incontrôlés.
Un fruit mûr
Est à la merci
Des bourrasques de la nature.
Ayant perdu sa verdeur ardente
Désormais - Il n'est qu'un pauvre fruit
Un fruit ramolli
Un fruit affaibli
Un fruit déprimé
Sans résistance
Et sans espérance
Que celui de choisir de l'arbre
Pour étaler sa réalité nue
La réalité de sa mesure
La réalité de son volume
La réalité de sa couleur
Un fruit qui échoit de l'arbre
Etale toute sa nature altérée
Sur le sol nu.
Un fruit mûr
Connaît une chute brutale
Et inéluctable
Une chute vertigineuse
Et scandaleuse
Une chute fracassante
Et renversante
Une chute fatale.
Un fruit mûr
Est exposé
Aux caprices d'une main avide
Qui peut à tout moment
Le cueillir
Aux appétences d'une langue râpeuse
Qui à tout instant
Peut l'avaler
Ou aux obstinations des d'aiguillons
Qui inlassablement
Peuvent le sucer. - Je vous le dis:
Le fruit est mûr !
Il va bientôt chuter !
Son aventure terrestre
Court vers son terme.
Cest une question
De jours
D'heures
De minutes
Il va bientôt chuter de l'arbre
C'est son destin.
Celui de tomber !
Inéluctablement !
Un fruit mûr
Ne reste pas accroché
A son arbre.
Il tombe
Forcément !
On entrera bientôt
Dans le temps de la moisson
Temps de l'espoir
Pour assouvir les faims
Et savourer les joies immenses
Ce sera le beau temps attendu
Par tous les exclus
Des biens naturels de la nation
Les exclus par exil et déportation
Les exclus par séquestration et emprisonnement
Les exclus par rattrapage tribal et domination clanique
Les exclus par ostracisme et expropriation partisane.
Le fruit est mûr
Il va bientôt
Tomber
Ou être cueilli !
Qu'il tombe de lui-même - Selon l'ordre de la nature
Ou qu'il soit cueilli
Par des mains salvatrices
Ce sera la fête
Sur plusieurs journées
La fête bruyante au tam-tam
Et aux décibels élevés
Comme on en célèbre
Dans nos campagnes africaines
Là où la vie est encore
Communautaire et fraternelle
A la lumière blanche
Et riante de la pleine lune
Aux jours des récoltes abondantes.
Ce sera la grande fête joyeuse
La fête nationale de libération
Des longues années de disette
La fête des retrouvailles
Des familles citoyennes
Retrouvailles des bannis et des affamés
De notre société
Délivrée de la Domination
De l'Oppression
De la Tyrannie.
Ce sera la grande fête joyeuse
La fête populaire
Du peuple
Qui
Réconcilié avec lui-même
Mangera enfin
Librement et à satiété
Avec délectation
Le fruit savoureux de ses luttes de survie
Et de ses sueurs ensanglantées
Avec des mains frémissantes et ravies
Des dents enjolivées de bonheur
Des langues gloutonnes de plaisirs.
A la fin de ces jours de fête
Pour conjurer définitivement
Le mauvais sort qui s'est emparé de notre peuple
Et qui l'a poussé dans la voie de la perdition
Les femmes - Mères Epouses Sœurs et Filles
Attacheront toutes, leurs Kehiwa
Et, munies chacune de balais
De nervures de palmiers
Nettoieront nos cités
Et nos villages
Toutes les souillures et puanteurs du pouvoir absolu
Ainsi que les restes du temps des épreuves
Et les jetteront
Dans les poubelles de l'histoire
Afin qu'ils soient
A jamais oubliés.