Situation au PDCI, le bras de fer se poursuit

Ce lundi 18 décembre 2023, Ferro Bally se prononce sur la suspension du 8e Congrès du PDCI, qui devait se tenir le 16 décembre.

Le , le parti historique de Côte d'Ivoire, est de nouveau dans la tourmente. Sur saisine de deux militants, la juge Aminata Touré a ordonné la suspension du 8e Congrès extraordinaire du parti, qui devait se tenir le 16 décembre pour élire un successeur à Henri Konan Bédié, décédé le 1er août dernier.

Ci-dessous son commentaire :

OUATTARA AU BANC DES ACCUSÉS. Le PDCI-RDA est de nouveau sur la sellette. Sur saisine de MM. Blesson Christophe et Affrimou Ourah Mathieu, deux militants du parti et après une audience en référé, le 15 décembre 2023 au soir, la juge Aminata Touré a ordonné la suspension du 8è Congrès extraordinaire destiné à trouver, le 16 décembre, un successeur à .

Me Blessy Chrisostome et les avocats du parti septuagénaire sont à pied d'oeuvre pour produire une défense à exécution. À l'effet d'interjeter appel pour obtenir l'annulation de cette décision, dans les plus délais. Il urge de tenir ces assises avant le démarrage, le 13 janvier 2024, de la CAN 2023 de football en Côte d'Ivoire.

Car l'heure est grave. Après le décès de Bédié, le 1er août 2023, l'intérim de six mois de Philippe Cowppli-Bony Kwassy court statutairement jusqu'au 2 février 2024. Et si le parti ne se donne pas un nouveau président avant cette date, il sera placé sous administration provisoire.

C'est contre une telle perspective que Bédié s'était élevé pour taper du poing sur la table. « Nous ne tolérerons pas qu'un juge s'immisce dans les affaires du PDCI, dans les affaires d'un parti politique. Nous ne tolérerons plus et il n'y aura jamais d'administration provisoire du PDCI, » avait-il sévèrement mis en garde, avant de menacer clairement: « Personne ne s'avisera de prendre une telle décision. Autrement, c'est la chienlit et le désordre généralisé dans toute la Côte d'Ivoire. Et cela, je ne sais jusqu'où il s'arrêterait. À bon entendeur salut. »

La colère de Bédié, le 8 octobre 2018, était noire contre la justice, placée en première ligne. Sur saisine du militant N'Guessan Koffi Jérôme, membre du Bureau politique et du courant mort-né « Sur les traces d'Houphouët-Boigny », de Kobenan Kouassi Adjoumani, « micro de Bédié », le tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, avec la juge Massafola Méité-Traoré, prenait, le 19 septembre 2018, trois décisions lourdes de conséquences politiques.

Le PDCI-RDA dans la tourmente

D'un, l'annulation de la résolution du Bureau politique du 17 juin qui avalisait le report de l'alliance avec le parti unifié RHDP après la présidentielle du 31 octobre 2020.

Dans la guerre entre les adversaires et les partisans du maintien dans les arcanes du pouvoir d'État, c'était un refus élégant opposé au . Pour Bédié, le parti unifié devrait être la réunification du PDCI-RDA avec le retour, dans la formation-mère, du RDR d'Alassane Ouattara et de l'UDPCI d'Albert Mabri Toikeusse, sortis de ses entrailles.

De deux, après le 12è Congrès ordinaire en octobre 2013, la suspension du report du 13è Congrès ordinaire après la présidentielle. Et de trois, la fin du quinquennat de Bédié le 6 octobre 2018, à la tête du parti, avec la possibilité d'une mise sous tutelle administrative.

Trop, c'en était trop puisque, de son côté, la Commission électorale indépendante (CEI) avait débouté, début septembre 2018, le PDCI-RDA de sa demande d'interdire à ses militants ayant rejoint le RHDP d'user du logo du parti.

L'État a pris la nette et juste mesure de la fronde brandie par Bédié. Et il sera écouté. Le 5 juillet 2018, N'Guessan Koffi Jérôme a été exclu du Bureau politique et de toute autre instance du parti. Et au lendemain de la sortie musclée de Bédié, soit le 9 octobre 2018, la justice a annulé la plainte du banni.

Le Sphinx de Daoukro n'est plus et son parti est à nouveau dans l'oeil du cyclone, tanguant sur des eaux agitées. Le président intérimaire a produit, le 17 décembre 2023, un communiqué. Il a fustigé des « militants égarés », qui « se sont mis au service d'autres intérêts et se sont livrés à d'obscures manoeuvres par le biais d'une procédure judiciaire d'urgence infondée. »

Alassane Ouattara accusé de déstabiliser le PDCI-RDA

En réalité, se trouve au banc des accusés, dans le procès qui s'instruit au siège du PDCI-RDA. Si au plan de la gestion de l'État, Ouattara est un économiste avec des solutions que l'on ne voit pas toujours, selon , au plan politique, il est un redoutable ingénieur qui conçoit des plans concrets et des projets précis pour être le seul maître du jeu.

En effet, il a altéré le principe de la séparation des pouvoirs dans un État démocratique, pour mettre sous son contrôle exclusif tous les pouvoirs de l'État, qui se réclament de lui. Le régime présidentiel, consacré par la Constitution, a alors viré au régime présidentialiste dans le silence assourdissant du Conseil constitutionnel.

De plus, s'il ne veut pas du retour au parti unique, il manoeuvre activement pour une démocratie de façade et rabougrie. Et c'est un secret de polichinelle.

Il a clairement déclaré qu'il viderait le FPI de sa substance. Objectif atteint: ce parti au pouvoir de 2000 à 2010 a volé en éclats, à l'issue d'un procès au tribunal. Et Ouattara n'a pas renoncé à l'intégration du PDCI-RDA au RHDP.

Le système conçu revient à débaucher en masse et à instrumentaliser, par chantage, pression ou intimidation, des militants pour fragiliser et déstabiliser l'ex-parti unique. À defaut d'une fusion-absorption, la réalisation des voeux de Georges Djéni Kobenan Kouamé, premier responsable du RDR, est le but visé: réduire le PDCI-RDA à l'état de vestiges au nord et de reliques au sud, c'est-à-dire sa disparition de l'échiquier politique.

Des formations politiques, manipulées de l'intérieur, en font déjà l'amère expérience: le PIT, l'UPCI, le MFA se sont détruits dans des querelles de chiffonniers.

Dans cette opération de démantèlement de la démocratie, la justice aux ordres représente le bras séculier avec « Le gouvernement 20 ans », chanté par Tiken Jah Facoly. Tous les principaux leaders sont condamnés, pour la plupart, à 20 ans de prison ferme, sans mandat de dépôt et rayés pour certains de la liste électorale.

La désobéissance civile et le boycott actif pour empêcher sa « candidature illégale et anticonstitutionnelle » pour un troisième mandat, le 31 octobre 2020, a servi de prétexte à Ouattara pour créer, sur mesure, une Unité spéciale d'enquête (USE).

Cette Unité a rendu son verdict. Les seuls responsables des troubles qui ont émaillé le scrutin, avec des morts d'hommes, ne sont que les membres de l'opposition, présentés comme les « commanditaires et financiers ». Ouattara est blanc comme coton.

A ce titre, tous les adversaires majeurs (Bédié, Simone Éhivet-Gbagbo, Affi N'Guessan, Mabri Toikeusse, Mamadou Koulibaly, …), sans distinction, sont dans le collimateur et placés sous la menace de poursuites judiciaires.

Des prisonniers en sursis avec cette épée de Damoclès pour les réduire au silence ou restreindre leur marge de manoeuvre et laisser ainsi le pouvoir en roue libre dans un pays avec une prison à ciel ouvert.

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Written by Ferro Bally

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