Pierre Kipré : « je n’ai peur de rien lorsqu’il s’agit du débat d’idées »

Le ministre Pierre Kipré a été nommé coordinateur du comité d'expert mis en place par Laurent Gbagbo pour lutter contre le covid-19 en Afrique.

Pour préparer les réponses endogènes aux divers effets du , le Président a pris l'initiative de mettre en place une équipe pluridisciplinaire et panafricaine…

Quels commentaires faites-vous de cette initiative ?

Pierre KIPRE (PK) : Cette initiative traduit trois choses : la dimension intellectuelle du Président Gbagbo ; ses convictions politiques et sociales, lorsqu'il s'agit de l' et de ses concitoyens; sa volonté d'aller toujours audelà de sa situation personnelle, pour se mettre à la disposition des autres.

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Comment avez-vous trouvé cette initiative ?

PK : C'est une très excellente initiative à laquelle j'ai adhéré immédiatement, lorsque le Président Gbagbo m'en a parlé. Vous savez, depuis nos jeunes années, malgré les turbulences de l'histoire, le Président m'a souvent fait l'honneur d'échanger avec moi, sur de nombreuses questions. Et nous continuons aujourd'hui comme depuis des décennies.

Est-ce qu'à travers cette équipe, le Président Laurent Gbagbo attend que les solutions viennent des Africains et de l'extérieur ?

PK : Il souhaite au moins que les Africains, pour eux-mêmes d'abord et à la faveur de cette énième pandémie, s'interrogent sur ce qui leur arrive. Pourquoi, comment s'en sortir, à quel prix, selon quel cheminement ?

Est-ce que c'est une occasion de saisir ces temps troublés, pour repenser l'avenir et la reprise en main du futur de l'Afrique ?

PK : C'est une conviction forte que nous sommes nombreux, dans le monde de la réflexion et des sciences en Afrique, à partager avec le Président Gbagbo. Un plan stratégique pour l'Afrique résume cette projection de l'Afrique pour elle-même… A partir des travaux de terrain menés partout sur le continent et dans les diasporas africaines, nous mettons la dernière main à un plan stratégique pour l'Afrique qui résumera nos propositions, des solutions immédiates aux solutions de moyen et long terme.

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N'avez-vous pas peur de voir ce projet combattu par l'extérieur et par des Africains ?

PK : D'abord, en tant qu'intellectuel, je n'ai peur de rien lorsqu'il s'agit du débat d'idées. Ensuite, c'est le débat contradictoire qui rend à un tel projet toute sa richesse. Et tous mes collègues et amis qui, avec moi, partagent l'appui à l'initiative du Président Gbagbo, sont dans ce même état d'esprit. Enfin, nous nous attendons à une levée de boucliers de divers milieux sociaux en Afrique et hors du continent (les défenseurs de la situation actuelle de l'Afrique qui y trouvent leur compte), de divers cercles économiques (les défenseurs de la dépendance économique de l'Afrique) et de divers milieux politiques (le monde surtout des entrepreneurs-politiques et des « démocratures » pour reprendre un néologisme à la mode en Occident, lorsqu'on y parle de l'Afrique politique).

Pourquoi avoir choisi de sortir un livre, alors que les Africains qui n'aiment pas lire veulent du concret ?

PK : C'est vrai ; les Africains n'aiment pas lire. Mais ce n'est pas une fatalité et le livre fixe définitivement les idées ; pour l'Occident qui lira cet ouvrage, ce sera un repère et une information sur le courant de pensée dominant en Afrique ; tout comme les travaux que, dans divers pays occidentaux, des cercles de réflexion produisent sur ce que devront être les politiques publiques et les attitudes demain vis-à-vis de l'Afrique. Le livre est un objet concret qui porte des idées, c'est-à-dire, ce qui nous différencie de l'animal et qui fait notre humanité fondamentale. Ce n'est pas un pactole de milliards de dollars, si vous comprenez le terme «concret » dans le sens « d'action de financement monétaire» ou « de remède à acheter à la pharmacie ».

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A quand la sortie de cet ouvrage ?

PK : Très bientôt. En raison de la crise économique consécutive à la pandémie à , toutes les maisons d'édition, en Occident comme en Afrique, ont beaucoup de peine à redémarrer leurs activités. Voilà d'où vient le retard. Mais, les choses vont aller vite. Je n'en dis pas plus.

Comment allez-vous mener la sensibilisation, pour fédérer toutes les énergies vers ce projet ?

PK : Une de mes équipes est à pied d'œuvre, pour soumettre au conseil scientifique du projet, un plan-média. Car, nous ne nous contenterons pas de publier un livre pour nous exonérer de notre véritable tâche, celle de convaincre au moins l'Afrique de cesser d'être un médiocre sous-système de la mondialisation, toujours « candidate » à la misère, aux pandémies venues souvent d'ailleurs, depuis des siècles, toujours prête à tendre la main et à mendier des « aides », au lieu de compter sur elle-même d'abord, en toutes circonstances. Voyez ce que font les Asiatiques depuis ces dernières cinquante années. Nous devons arrêter de « pleurnicher » et nous devons « retrousser les manches » pour être à la hauteur de notre humanité.

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Est-ce que votre message à travers ce projet va porter ?

PK : Je suis optimiste, surtout quand je pense à tout ce que plusieurs jeunes Africains du continent ou des diasporas font, avec «des bouts de ficelles» dans la recherche et l'innovation. Je prends par exemple le cas des recherches menées à l'occasion de la pandémie actuelle. Des chercheurs sur le continent participent à ces travaux, souvent en marge de ce que veulent les multinationales pharmaceutiques occidentales. On refuse de les soutenir parce qu'ils ne sont pas dans « le moule » (à , au , en Côte d'Ivoire même, etc.) Notre projet n'est dirigé contre personne ; bien au contraire, c'est une invite à intégrer l'africanité à l'élan commun de défense de notre humanité tout entière. La conscience de plus en plus aigüe de cette problématique chez les Africains fonde cet optimisme que je partage avec le Président Gbagbo.

Que préconisez-vous à travers cet ouvrage, pour lutter contre le Coronavirus ?

PK : Nous partons d'une évaluation critique de nos systèmes sanitaires africains, qui traduisent les traits essentiels d'un système social et d'un modèle économique inégalitaire, pour afficher notre volonté de changement de modèles en nous fondant sur le principe de compter principalement sur nos propres forces africaines (principe de la co-souveraineté africaine), même si nous sommes ouverts à toutes les formes de solidarité internationale, sans exclusive et pour affirmer notre volonté de promotion et de mise en œuvre de ce que nous devons considérer en Afrique comme nos biens communs (la santé, l'éducation/formation/recherche, la sécurité, les infrastructures économiques intra-africaines, la cohérence de nos États par le vécu démocratique qui seul permet la vraie mobilisation des communautés).

Ce sont ces points qui permettent le renforcement de toutes nos capacités endogènes de résilience ; l'engagement de relever le défi de la défense de nos biens collectifs ; la valorisation systématique de l'estime de soi et de la solidarité dans notre africanité ; la volonté de rupture avec notre position de sous-système médiocre de la mondialisation. Nous partons donc de l'urgent au fondamental, pour rompre avec le statu quo ante. D'aucuns diront que c'est une crise sanitaire et non-littéraire.

Par conséquent, il faut une solution médicale. Laissons les « minus habens » à leurs billevesées.

Ce sont de telles positions qui nous retardent en Afrique et qui expliquent que, cinquante ans après les indépendances, nous nous demandons pourquoi on piétine et exploite l'Afrique.

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Pourquoi avoir mobilisé des personnalités d'horizons disciplinaires variés. A savoir : les sciences de la santé ; les sciences humaines, sociales et économiques ; les sciences de la gouvernance politique, administrative, géopolitique et les relations internationales ; les sciences de la communication… ?

PK : Parce que la crise actuelle est multiforme et que la pandémie n'est souvent qu'un révélateur de trop nombreuses insuffisances structurelles. Vous êtes confrontés à une épidémie et vous n'avez pas de structures sanitaires et de remèdes pour y faire face ; vous allez donc emprunter de l'argent pour ré ; mais comme vous étiez déjà lourdement endetté, les conditions que l'on vous fait (moratoire ou autre) visent à renforcer votre dépendance visà-vis de ceux que vous sollicitez; et cette dépendance prend toutes les formes, y compris dans le choix de vos dirigeants. Or, les populations savent que c'est l'étranger qui vous a imposé et donc, lorsque, par exemple, vous décidez d'une politique de lutte contre une épidémie, le citoyen ne vous fait aucune confiance ; lorsque vous demandez que chacun se fasse vacciner, tous les citoyens se disent que vous avez passé un «deal» avec des multinationales, avec au passage des commissions occultes, pour tuer vos concitoyens… Vous voyez que, à travers ce mécanisme ématique, tout est lié, surtout lorsque survient une crise aussi grave que celle que nous vivons tous. D'où notre approche multidisciplinaire.

Quelle a été leur réaction, lorsque vous les avez contactés pour ce projet ?

PK : Très enthousiastes, ils ont immédiatement adhéré. Aujourd'hui encore, je reçois des propositions de contributions, plus de deux mois après le lancement du projet. Cela fait chaud au cœur de voir autant d'intellectuels Africains chercher les moyens de sortir notre continent de l'ornière.

Pourquoi ont-ils accepté sans hésiter ?

PK : Parce que l'approche panafricaine et la volonté de voir les Africains se prendre en charge ont séduit. Pourquoi avoir tablé sur quatre axes. Le renforcement de toutes nos capacités endogènes de résilience ; L'engagement de relever le défi de la défense de nos biens collectifs que sont la santé, la formation/recherche, les infrastructures, la sécurité collective et la consolidation de nos communautés politiques ; La valorisation systématique de l'estime de soi et de la solidarité dans notre africanité ; La volonté de rupture avec notre position de sous-système médiocre de la mondialisation… Je n'ai pas tablé sur ces axes. Ils ressortent simplement de l'exploitation de toutes les contributions que j'ai réunies. Ce sont les thèmes principaux de ces travaux ; ils ont fait l'objet d'échanges suivis avec chaque contributeur, très souvent par mail ou téléphone, quelques rares fois par vidéo-conférence.

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Cet ouvrage, selon vos dires, s'adresse aux décideurs africains, aux institutions africaines, aux Africains du continent et de la diaspora. Peut-on savoir les raisons ?

PK : C'est une évidence pour moi. Nous nous adressons principalement aux Africains du continent et des diasporas. Mais, nous savons aussi que les autres peuples seront intéressés par ce que nous nous disons, nous Africains, ne serait que pour «réajuster » leurs politiques visà-vis de nous.

Comment se fera le financement de cet ouvrage ?

PK : Il est acquis. merci !

On apprend que des organismes sont prêts à financer immédiatement l'édition. Comment êtes-vous arrivé à les convaincre ?

PK : Plusieurs l'ont trouvé pertinent ; d'autres veulent entendre une autre voix africaine, en dehors de celle des financiers et hommes politiques habituels. D'autres enfin veulent indirectement apporter leur appui à l'initiative du Président Gbagbo qui garde intact sa dimension d'homme d'Etat.

L'ouvrage sera dit-on, immédiatement disponible en français et plus tard dans quatre des langues de travail de l' (français, anglais, arabe, portugais)…

PK : Oui.

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A travers un plan stratégique pour l'Afrique, ce comité d'experts africains se situe résolument dans la prospective, en partant de l'urgent au fondamental, pour rompre avec le statu quo ante. En toute liberté de pensée…

PK : Oui. C'est la conclusion pratique de tout ce travail. Il sera remis à l'Union africaine, aux organisations régionales et aux chefs d'Etat africains. Nous espérons qu'ils y trouveront matière à réflexion et action.

L'expertise sollicitée vise à l'élaboration des fondements d'une nouvelle africanité, capable de conduire elle-même son destin, sans repli sur soi…

PK : Oui ; nous croyons au panafricanisme, comme beaucoup d'Africains du continent et des diasporas. Nous croyons en la solidarité vraie et non à l'alliance du cavalier et du cheval.

Beaucoup s'étonnent que le Président Gbagbo, même en prison est soucieux du sort de ses compatriotes.

PK : Le Président Gbagbo est ainsi fait. Et les savent qu'il est ainsi. Quelle que soit sa situation personnelle, ce qui l'anime c'est le partage, c'est l'échange, c'est la disponibilité, pour l'autre en toute lucidité. Du moins, c'est comme cela que je l'ai toujours perçu depuis plus de cinquante ans que nous nous connaissons.

Interview réalisée par : Gbané

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