Quelle était l’objectif de l’armée sur le tarmac de l’aéroport ? Contraindre Soro à l’exil ou l’assassiner ?

Ange Grah demande au Gouvernement la raison de la présence de tous les éléments armés sur le tarmac de l'aéroport à l'arrivée de Soro.

C'est avec surprise, que l'ex-sous-directeur de la coopération judiciaire et le formateur de formateurs en coopération judiciaire que je suis, a entendu la version officielle du non-atterrissage de l'avion du Président qui fait état de ce que la cause de cette abstention serait qu'il avait voulu se soustraire à l'exécution d'un mandat d'arrêt international qui avait été décerné contre lui. J'ai tout de suite vu que c'était un mensonge et que celui ou ceux qui étaient à l'origine de cette information ignoraient ce qu'était un tel mandat.

Dans le cas de l'ex-Pan qui revenait très officiellement en Côte d'Ivoire, ç'est une incongruité de délivrer un simple mandat d'arrêt à plus forte raison un mandat d'arrêt qualifié »d'international ». Avant de continuer et pour rendre plus clair nos propos, il y a lieu d'expliquer qu'est-ce qu' « un mandat d'arrêt » et quand on parle de « mandat d'arrêt international ».

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Un mandat d'arrêt est un ordre donné à la force publique par un magistrat de rechercher la personne à l'encontre de laquelle il est décerné et de la conduire à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat où elle sera reçue et détenue. Il est donc émis contre une personne qui est en fuite et qui n'a pas encore été localisée. C'est un acte qui est adressé aux agents de la force publique ivoirienne. Si la personne recherchée est toujours sur le territoire national, sa seule production est suffisante pour qu'il soit exécuté. Par contre si elle s'est réfugiée à l'étranger, ce n'est plus le cas car le Magistrat ivoirien n'a pas le pouvoir de de donner des ordres à la force publique d'un autre pays.

Il est donc nécessaire de lui adjoindre un autre document, la demande d'extradition, qui est une demande de coopération judiciaire, qu'introduit le Gouvernement ivoirien auprès du Gouvernement d'un autre pays où a été localisée la personne contre laquelle le mandat d'arrêt a été décerné.le Magistrat qui a décerné le mandat d'arrêt, transmet son acte au Gouvernement ivoirien en la personne du Ministre de la Justice afin que celui-ci saisisse le Gouvernement du pays où la personne se trouve. Un préalable est cependant incontournable pour se faire, une convention de coopération judiciaire doit exister entre les deux pour pour que la demande d'extradition puisse être transmise.

En application de ce convention que l'autre Gouvernement va demander aux agents de sa force publique d'arrêter le fugitif qui sera livré ensuite à la Côte d'Ivoire dans le respect de la procédure d'extradition. Si ce dernier revient sur le territoire national avant d'être arrêter, le force publique ivoirienne exécutera le mandat d'arrêt comme si une demande d'extradition, n'a jamais été introduite. C'est donc improprement qu'on parle de mandat d'arrêt international. C'est juste un simple mandat auquel a été joint une demande d'extradition pour pour qu'il soit exécuté par les agents de la force publique du pays où le fugitif a été retrouvé.

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C'est vrai que même certains magistrat produisent des imprimés de mandats d'arrêt appelé improprement « mandat d'arrêt international ». La lecture de leur contenu dément cette appellation. C'est juste des mandats d'arrêt dont les auteurs, parce qu'ils savent que le fugitif est à l'étranger et que leur acte doit être accompagné d'une demande d'extradition, le qualifie ainsi par anticipation. C'est une erreur parce que si ce dernier revient sur le territoire national, c'est le même mandat qui servira à son arrestation.

En réalité il n'y a qu'un mandat d'arrêt qui est diffusé auprés de la force publique national et éventuellement auprès de celle des pays étrangers directement avec une demande coopération judiciaire ou par interpol qui est une agence de diffusion d'avis de recherche et non un organe qui décerne des mandats d'arrêt comme le croit l'opinion publique. Quand on sait qu'un mandat d'arrêt est décerné contre un fugitif et qu'on parle de mandat d'arrêt international lorsque le mandat d'arrêt est transmis à une puissance étrangère avec une demande d'extradition, on ne prend nécessairement pas au sérieux la version officielle dans l'affaire de la prétendue fuite du Président Soro Guillaume.

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Comment peut-on décerner un mandat d'arrêt international contre quelqu'un qui rentre au pays et qui n'est donc pas en fuite ? N'est-il pas en effet absurde de dire qu'on a introduit un mandat d'arrêt avec une demande d'extradition d'un individu auprès d'un Etat étranger alors que celui-ci rentrait au pays après l'avoir annoncé officiellement plus de deux semaines avant ? On serait tenté de demander auprès de quel Etat si l'incongruité n'était pas si évidente.
En vérité, aucun mandat n'était nécessaire pour procéder à l'arrestation de l'ex-Pan si telle était l'intention du Gouvernement.

Cela pouvait se faire sans aucune formalité sinon à respecter les différentes obligations qu'imposaient ses statuts d'ancien Président d'Institution d'ancien membre du Gouvernement et de député. J'en déduis qu'il s'agissait en réalité de déclarations de politiques pour masquer les véritables raisons qui ont empêché l'atterrissage de l'aéronef. Parce qu'ils n'ont aucune connaissance du fonctionnement de la Justice, ces personnes ont cru pouvoir assimiler la situation de l' ex-Pan, comme il revenait de l'étranger, à des précédents comme ceux du Président à l'époque et Monsieur Akossi Bendjo plus récemment qui ont fait l'objet d'un mandat d'arrêt dit international.

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Le hic c'est que contrairement au premier qui rentrait, ces personnes vivaient á l'étranger et n'entendaient pas revenir en Côte d'Ivoire, au moment où les mandats ont été émis, pour se faire entre par le Juge. Même incongru également, dire qu'un simple mandat d'arrêt avait été décerné, aurait été plus plausible. Je peux donc affirmer qu'au moment où la version officielle était donnée, aucun mandat n'avait encore été décerné, car l'histoire de l'émission du mandat d'arrêt international ne vise qu'à justifier après coup, la véritable raison pour laquelle l'avion n'avait pas atterri qu'il ne paraît pas convenable de dévoiler. Le communiqué du Procureur de la République corrobore mes propos.

Cela m'emmène à m'interroger sur le point de savoir la raison de la présence de toutes ces éléments armés sur le tarmac de l'aéroport puisqu'elle ne visait pas à exécuter un acte de justice comme le prétend mensongèrement le Gouvernement. Quelle était donc leur objectif ? Contraindre le Président Soro Guillaume à l'exil ou l'assassiner comme lui et ses partisans le soutiennent ?

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Il faudra que le Gouvernement éclaircisse l'opinion public sur ce qui s'est réellement passé parce que malheureusement le crime a été très loin d'être parfait. Je souligne pour terminer, qu'en plus, aucune demande d'extradition ne peut être introduite lorsque les infractions visées dans les poursuites ont un caractère politique aussi évident. Je puis dire que non seulement il n'y avait pas de mandat d'arrêt international, mais qu'en plus il n'y a aucune chance qu'il y en ait à l'avenir.

Written by Ange Olivier Grah

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