Tidjane Thiam : PDCI, « consensus au forceps » (Ferro Bally)

Ferro Bally est revenu ce 11 décembre sur le 9 décembre 2023, de la campagne pour la présidence du PDCI-RDA, de Tidjane Thiam.

a lancé, le 9 décembre 2023, sa machine électorale pour la présidence du . Pour cette pure formalité, il a choisi, pour son baptême de feu, la ville de Yamoussoukro, « terre mienne, terre de ma mère, terre de ma grand-mère, terre de mon arrière-grand-mère ».

Premier couac imposé par la société matrilinéaire baoulé, le prochain président de l'ex-parti unique n'a eu aucun mot pour celui dont il porte le nom patronymique, Amadou Thiam.

Ce père de Tidjane est d'ascendance sénégalaise, mais il était Ivoirien et a exercé dans l'administration en étant ministre et ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. C'est en cette dernière qualité qu'il a rendu l'âme le 6 janvier 2009 à Rabat, au Maroc, où il a été inhumé le lendemain.

Sur sa lancée, Tidjane Thiam a rendu un vibrant et mérité hommage à son grand-père maternel, Félix Houphouët-Boigny, fondateur du PDCI-RDA et « père de la nation ivoirienne ».

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Et là, second couac. « C'est ici, à Yamoussoukro, que le président Houphouët-Boigny, entouré de ses compagnons, a dirigé notre combat finalement victorieux contre les abus du régime colonial, » a-t-il déclaré pour enraciner le PDCI-RDA sur la terre de Yamoussoukro.

Cette réécriture est une falsification de l'histoire que Sémi Bi Zan, professeur d'histoire et ancien recteur de l'université nationale (aujourd'hui université Houphouët-Boigny), avait déjà fustigée. Quand, en 1983, le débat sur le transfert de la capitale politique à Yamoussoukro faisait rage à l'Assemblée nationale entre partisans et adversaires, il affirmait que « Yamoussoukro n'a jamais été le berceau du PDCI-RDA », sans avoir jamais été démenti ni par Houphouët-Boigny ni par Henri Konan Bédié, alors président du Parlement, ni par aucun autre baron du parti.

En effet, si le RDA a vu le jour à Bamako, au Mali, le PDCI, lui, est né le 9 avril 1946, à Abidjan, à l'Étoile du Sud au quartier de Treichville. Et dans les luttes menées par Houphouët-Boigny et le parti contre la colonisation, notamment à Bouaflé, Grand-Bassam, Korhogo et Guiglo, nulle part n'apparaît le nom de Yamoussoukro, inconnu aux archives du parti.

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Mais, il faut comprendre Tidjane Thiam; il arbore désormais l'habit du politicien, qui enjolive et embellit selon ses intérêts. Car, la politique n'est que stratégie pour séduire ou broder, conquérir et conserver le pouvoir par tous les moyens; la fin justifiant les moyens.

C'est ainsi qu'il a fait sienne la phrase, inspirée du machiavélisme, de son grand-père maternel. « Je préfère l'injustice au désordre, » se défendait Houphouët-Boigny, après l'affaire des « faux complots » (1963-1964), au nom de laquelle des dizaines de ministres et hauts cadres d'administration ont été jugés et condamnés pour « atteinte à la sûreté de l'État », avant d'être blanchis et réhabilités.

De ce fait, le slogan de campagne de Tidjane Thiam est tout trouvé: « Tous ensemble. » De gré ou de force. C'est manifestement la formule imagée des idéologies des dictatures de l'époque qui se résumait ainsi: « Un seul peuple, un seul État et un seul chef. »

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Les apparatchiks et anciens compagnons d'Houphouët-Boigny ne s'en rendent certainement pas compte, mais ils sont en train de créer, avec son plein gré, un autocrate avec sa candidature unique pour un seul peuple de militants, un seul parti et un seul chef.

Au contraire de ses prédécesseurs à la tête du parti, Thiam n'est pas, pour le moment, un tribun ni un orateur aux formules chocs, mais il se découvre déjà un calculateur froid.

Flatté par sa comparaison à un Deus ex machina, présenté comme le messie ou, selon les mots du député Jean Likane Yagui, « l'homme envoyé par Dieu pour chasser Ouattara du pouvoir, » Thiam se retrouve déjà sur les nuages pour se construire une tour d'ivoire.

La démocratie interne au PDCI-RDA avec la pluralité des candidatures pour la présidence du parti, aux 11è (2002) et 12è (2013) Congrès ordinaires sous le mandat de Bédié, vient de prendre fin. Toutes les règles du jeu ont été piétinées, sans état d'âme, pour les beaux yeux de Thiam, afin de lui faire la place et toute la place.

Il sera un président de parti fort, avec un pouvoir absolu, à l'instar de celui de son grand-père. C'est pourquoi, avec presque désinvolture, il invite Maurice Kacou Guikahué, le secrétaire exécutif en chef que des dirigeants ont arbitrairement éliminé, à le rejoindre, sur un ton qui signifie, c'est à prendre ou à laisser.

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Thiam est en roue libre. Au PDCI-RDA, tout le monde rêve, les yeux ouverts, à la reprise du pouvoir d'État après l'avoir perdu le 24 décembre 1999. Pour chacun et pour tous, il est venu le temps de rompre avec le syndrome Poulidor, pour jouer les premiers rôles.

Et comme on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, tous les obstacles sont détruits pour un consensus au forceps. Au nom de l'union forcée. Et Thiam, homme présumé de la situation, est César. Il vient remplacer Bédié, le 16 décembre 2023, pour voir et vaincre, le 25 octobre 2025 à la présidentielle. Alea jacta est.

F. M. Bally

Written by Ferro Bally

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