Le journaliste ivoirien Ferro Bally a réagi à l'annonce de la tenue du 8è Congrès extraordinaire du PDCI-RDA, initialement prévu le 16 décembre, finalement reporté au 22 décembre.
Dans une déclaration, M. Bally a salué la décision de la justice de lever l'interdiction qui avait été prononcée, mais il a également mis en garde contre la poursuite de la guerre du RHDP contre l'opposition ivoirienne.
Ci-dessous son analyse :
LA GUERRE SANS FIN. C'est un ouf! de soulagement. Après son interdiction, le 15 décembre 2023, par la juge Aminata Traoré du tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, le 8è Congrès extraordinaire du PDCI-RDA, initialement prévu le 16 décembre, se tiendra finalement le 22 décembre.
Les assises ont été délocalisées: du Sofitel Hôtel Ivoire (Abidjan), elles se dérouleront à la Fondation Houphouët-Boigny pour la paix (Yamoussoukro). Et sur les cinq militants ayant fait officiellement acte de candidature, seuls deux (Tidjane Thiam et Jean-Marc Yacé) vont solliciter les suffrages des six mille congressistes, après les désistements de Maurice Kacou Guikahué, Noël Akossi Bendjo et Moïse Koumoué Koffi.
Cet heureux dénouement n'est qu'un répit dans la guerre sans fin et tous azimuts que le pouvoir du RHDP a décidé de mener contre l'ex-parti unique depuis qu'il a claqué, en 2018, la porte du parti unifié. Et les pressions exercées, qui tournent au harcèlement, ne visent que sa liquidation, à défaut de son affaiblissement: révocation de ses élus comme Jacques Mangoua (président du conseil régional du Gbêkê) et Noël Akossi Bendjo (maire du Plateau), débauchage à la pelle de militants et annulation, par la justice, des décisions du Bureau politique, comme celles du 17 juin 2018 qui ont refusé l'adhésion au parti unifié RHDP.
Le PDCI-RDA face à la répression du RHDP
Preuve irréfragable de son instrumentalisation à des fins politiques, la justice ivoirienne est à double vitesse, et donc à sens unique: autant elle sévit contre l'opposition, autant elle observe l'image du singe de la gravure quand il s'agit du parti d'Alassane Ouattara.
Ainsi, le PDCI-RDA, après sa sortie de la coalition politique (2005) devenue parti Unifié (2018), s'est insurgé contre l'utilisation frauduleuse, par la mouvance présidentielle, de son logo, sur lequel il exerce, en principe, un droit exclusif.
Mais de la Cour suprême au tribunal de première instance d'Abidjan, la justice s'est déclarée « incompétente », parce qu'il s'agirait d'une « affaire entre partis politiques ». Le RHDP continue, en toute liberté, alors d'utiliser le symbole de son adversaire politique et cela laisse prospérer, au cours des élections, « une manoeuvre de manipulation, d'intoxication et de désinformation, source de confusion dans l'esprit des militants du PDCI-RDA ».
Il en va de même quand le parti a attrait le nommé Abdoul Awassa Racid devant la justice, pour violation de domicile. Le 11 juin 2019, à la tête d'un groupe d'individus se réclamant du RHDP, le président de l'Alliance de la jeunesse ivoirienne (AJI, proche du pouvoir) a versé un liquide rougeâtre, que certains ont assimilé à du sang, devant la résidence d'Henri Konan Bédié, à Abidjan-Cocody. Cette affaire n'a jamais été instruite et la plainte du PDCI-RDA est restée sans suite.
L'opposition ivoirienne sous les coups du pouvoir
Et c'est sûr de son impunité que le même « quidam », malheureux candidat aux législatives du 6 mars 2021 pour le compte du pouvoir dans la circonscription électorale de Prikro (région du Iffou), a remis le couvert de l'intimidation politique. Le 15 mars 2023, le redresseur des torts du RHDP s'est ainsi rendu à la résidence, aux Deux-Plateaux, de Marie-Odette Lorougnon-Gnabry, pour mettre en garde cette vice-présidente du PPA-CI; parti aussi dans l'oeil du cyclone, dont le président, Laurent Gbagbo, est rayé, par décision de justice, de la liste électorale et dont les militants continuent d'être l'objet d'une chasse à l'homme, depuis la perte du pouvoir en 2011.
En effet, Alassane Ouattara et son régime restent sur le pied de guerre, sans merci et sans aucun quartier pour leurs adversaires. Le niveau de paranoïa est tel que Pascal Affi N'Guessan était toujours placé sous la procédure de contrôle judiciaire, bien qu'il ait conclu, en mai 2023, un partenariat avec le RHDP, qui a conduit à un accord de dupes électoral.
Seule la mini-crise au PDCI-RDA à l'occasion du 8è Congrès extraordinaire, a sauvé le président du FPI. Il a ainsi bénéficié de la même mainlevée, qui n'éteint pas les poursuites judiciaires, quand la justice a levé opportunément cette mesure qu'a alléguée le comité électoral du parti septuagénaire pour éliminer Guikahué de la course pour succéder à Bédié.
La menace est donc permanente et omniprésente. Dans cette atmosphère de liberté placée sous haute surveillance, l'opposition demeure toujours en désordre de bataille. Chacun s'asseoit, Dieu le pousse, selon l'humour des Ivoiriens.
Or, elle le sait mais chaque parti exécute la politique de l'autruche, en ignorant, à ses risques et périls, la sagesse: « Quand le feu est à la maison de ton voisin, la tienne est en danger ».
F. M. Bally
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