La campagne électorale en Côte d'Ivoire débute ce jeudi 15 octobre 2020. Fernand Dedeh lance Election Tour, la campagne à sa façon.
À Barthelemy Zouzoua Inabo : La campagne électorale est ouverte. À partir de ce jeudi 15 octobre 2020, je lance Election Tour. La campagne à ma façon, de façon décalée. Observation, décryptage, reportage, interviews, coulisses, comme au Sport. Sans fards. Sans état d'âme.
Election Tour pour ne rien rater d'une élection controversée, de tous les dangers. Pouvoir et opposition marchent sur un boulevard sans lampadaires…
ADO, le mandat du « cas de force majeure »
Il avait demandé cinq ans « pour transformer la Côte d'Ivoire ». Il a eu cinq autres années supplémentaires. 10 au total. Il avait décidé de passer la main. Il a même désigné son successeur, candidat de son parti pour la présidentielle 2020.
Amadou Gon Coulibaly, alors premier ministre avait été investi de la confiance de celui qu'il a servi avec dévouement et loyauté depuis 1989. Le 12 mars 2020, il est devenu officiellement candidat du Rassemblement des Houphouetistes pour la Paix et la Démocratie.
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La mort de AGC rabat les cartes
Amadou Gon Coulibaly, désigné pour porter les couleurs du RHDP à la présidentielle 2020 était plus qu'un simple candidat. Il était certes le premier ministre, chef du gouvernement mais Alassane Ouattara le préparait à assumer la plus haute fonction de l'Etat. Il avait la haute main sur l'administration, agissait en fait en véritable moteur autour de son chef qui a son tour, le couvait, le guidait, dressait le tapis rouge pour lui. AGC comme l'appelaient ses proches, sortait de plus en plus de son costume de technocrate, entreprenait des visites dans les principales régions. Il allait donc à la rencontre des populations pour construire sa légitimité populaire.
Malheureusement, ce 8 juillet 2020, AGC meurt. Entre douleurs et déchirements, la décision est vite prise. Le parti présidentiel n'a pas le temps de trouver un remplaçant au défunt. Il choisit le surplace. Faire bloc derrière le président sortant, le supplier de garder la main.
Rétropédalage de ADO
Alassane Ouattara laisse mariner les peurs et angoisses de ses proches. Puis, il répond favorablement à leurs requêtes. Il sera le candidat de son parti pour le 31 octobre 2020. Un rétropédalage qui n'est pas du goût de ses opposants. « Sa candidature viole la constitution », crient en chœur, ceux-ci, regroupés dans une alliance non-idéologique.
La pomme de discorde
Alassane Ouattara le sait. Au delà de sa propre profession de foi de passer la main à une nouvelle génération, les rédacteurs de la nouvelle constitution adoptée en 2016 et le commissaire du gouvernement au Parlement, ont tous soutenu la même ligne de défense à l'occasion de l'adoption de la nouvelle loi fondamentale. « Elle ne permet pas à ADO de faire un troisième mandat à la tête du pays. ». Plusieurs ministres ont également soutenu la même position. Lui seul, au gré des interviews, jouait sur les mots pour maintenir la cohésion au sein de sa famille. « Au moment opportun, je me déciderai. »
Cas de force majeure…
La mort de l'ex-premier ministre a plongé le parti au pouvoir dans un tunnel. Alassane Ouattara affirme alors que ce cas de force majeur l'oblige à revenir sur son engagement. Il sera candidat. L'opposition se met en ordre de bataille pour obtenir la réédition du président sortant, sans succès.
Constitution-piège
En vérité, en dehors de quelques opposants, tous ceux qui se braquent contre la position de Alassane Ouattara ont appelé à voter Oui. Chacun a joué son intérêt dans ce jeu. Le déverrouillage de l'âge limite pour faire acte de candidature, profitait bien aux « elders » de la politique Ivoirienne. L'annulation du contrôle médical pour les candidats, profitait aux grands malades de la classe politique.
La députée Maho Clarisse s'est attirée les foudres au Parlement quand elle a bataillé pour protester contre les amendements « qui permettaient désormais à un vieux gaga, un grabataire, croulant sous le poids de l'âge et de la maladie, de devenir président de la République. ». Les élections législatives en 2018, elle a payé cash, sa témérité. Elle a été l'adversaire à abattre. Elle a été abattue.
Chacun pensait avoir l'autre par la ruse et les astuces. Alassane Ouattara s'est réservée une cartouche. Il l'a sortie au moment « du cas de force majeure ».
Une constitution qui se laisse interpréter au gré des intérêts des politiciens est mauvaise.
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Campagne électorale à minima
Alassane Ouattara est seul contre tous. Il fonce tout droit. Son frère aîné, feu El Hadj Gaoussou Ouattara m'avait prévenu en 1998: « mon petit-frère est un homme obstiné. Quand il veut quelque chose, il se rétracte difficilement. ». Face à la bronca de l'opposition, de ses ex-alliés du Golf en 2011, face même aux craintes de la communauté internationale, il a eu un mot : « l'élection se passera bien. Elle sera apaisée et transparente. ».
La campagne électorale débute ce 15 octobre dans un environnement de tensions. L'opposition a lancé un mot d'ordre de désobéissance civile. Les candidats de l'opposition, Henri Konan Bédié du PDCI et Pascal Affi N'guessan du FPI n'ont pas retiré leurs documents à la CEI. Ils n'ont pas officiellement dit qu'ils ne s'aligneront pas non plus. Seul concurrent du président sortant, Kouadio Konan Bertin, alias KKB.
Campagne électorale à minima pour le candidat du RHDP. Seulement six chef-lieux de région seront visitées. Ce jeudi 15 octobre 2020, le ministre d'Etat, Patrick Achi présentera aux cadres de son parti, le projet de société 2021-2025 du candidat Alassane Ouattara et le programme complet de campagne. Après, « ADO Solutions » et « Avec ADO », les observateurs attendent de connaître le slogan de campagne du « Takokélé ».
« Dites à nos compatriotes de sortir massivement le 31 octobre pour aller voter. C'est la seule façon de faire mentir ceux qui ne veulent pas d'élections », consignes du candidat Alassane Ouattara à ses coordonnateurs. Le terrain fait le chef.