Dossier Burkina – Mali – Niger, la CEDEAO dans l’impasse : « Ouattara à l’abordage » (Ferro Bally)

Alassane Ouattara
Alassane Ouattara, président de la République de Côte d'Ivoire © Crédit photo Présidence ivoirienne

L'analyse de Ferro Bally met en lumière les changements importants qui se produisent au Sahel, notamment dans les trois pays bannis de la CEDEAO : le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Forro Bally donne un aperçu des changements géopolitiques et économiques qui se produisent au Sahel. Il est clair que les trois pays bannis de la , le , le et le , sont déterminés à prendre leur destin en main et à se libérer de la dépendance des puissances occidentales.

Ci-dessous son analyse :

Les événements majeurs mentionnés par Forro Bally sont révélateurs de cette volonté. La mise en service de l'oléoduc du Niger est un symbole de l'indépendance économique. La reprise de Kidal par les FAMa est une victoire contre les groupes djihadistes et une affirmation de la souveraineté du Mali. Et le lancement de la construction de la raffinerie d'or au Burkina Faso est une étape importante vers la maîtrise de la filière de l'or.

Le chef de l'État ivoirien est à l'abordage. Après sa rencontre, le 21 novembre 2023 à l'Élysée, avec le dirigeant occulte de la CEDEAO, Emmanuel Macron, où il a été question de la situation au Sahel, il exécute la feuille de route.

Alassane Ouattara ne s'accorde donc aucun moment de répit. Les 28 et 29 novembre, il a reçu respectivement le Sénégalais Abdoulaye Diop, président de la Commission de l'UEMOA, et le Gambien Omar Touray, président de la Commission de la CEDEAO.

Entre temps, le 24 novembre, l'Ivoirien Jean-Claude Kassi Brou, gouverneur de la BCEAO, a eu des échanges avec le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition militaire burkinabé, à Ouagadougou.

Il y a, en effet, péril en la demeure dans les trois pays bannis de l'ouest-africain: le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Trois événements majeurs sont venus donner le tournis et mettre les puces à l'oreille de tous ceux qui ne vendaient pas cher la peau des « plaisantins » au pouvoir.

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Ainsi, le 1er novembre, le Niger a vaincu la fermeture des frontières dans la CEDEAO. Il a mis en service un oléoduc géant de près de 2.000 km pour permettre au pays, et pour la première fois, d'écouler sa production pétrolière de 110.000 barils par jour sur le marché international, via le port de Sèmè du Bénin voisin.

Plus de onze ans après en avoir été chassées par les rebelles touaregs indépendantistes du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et des groupes djihadistes, les Forces armées maliennes (FAMa) ont repris, le 14 novembre, la ville-symbole de Kidal.

Et pour terminer, le Burkina Faso a lancé, le 23 novembre, la construction de sa première raffinerie d'or d'une capacité de production annuelle de 150 tonnes d'or pur à 99,99%, soit environ 400 kg par jour. En rejetant l'état brut pour le rendre en produit fini, le pays se détermine à maîtriser le contrôle de l'or, son premier produit à l'exportation en remplacement du coton.

Au milieu de toutes les railleries sur la supposée misère et l'enclavement de ces trois pays de la sous-région, mis au ban de la communauté occidentale et ses satellites, ces actions sur le terrain sont révélatrices de la volonté des dirigeants militaires, le colonel Assimi Goïta (Mali), le général Abdourahmane Tchiani (Niger) et le capitaine Ibrahim Traoré (Burkina Faso) de tourner la page ancienne et sortir des sentiers battus, avec de nouveaux partenaires.

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C'est pourquoi, le 16 septembre, alors que le Niger était sous la menace d'une intervention militaire de la CEDEAO pour réinstaller Mohamed Bazoum, renversé le 26 juillet 2023, les trois pays ont signé la Charte du Liptako-Gouma, qui crée l'Alliance des Etats du Sahel (AES).

C'est un tournant, qui tire les leçons d'une organisation ouest-africaine incapable de prévenir et gérer les coups d'État et impuissante sur le terrain sécuritaire.

Et cette Alliance est une démarche endogène de solidarité. Elle se découvre à la fois une régionalisation du désaveu de la France (avec la dénonciation de tous les accords de défense), une réplique de l'OTAN au Sahel et une oraison funèbre du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), placé sous la perfusion occidentale.

En effet, l'AES prévoit que toute atteinte à la souveraineté et à l'intégrité -terrorisme, attaque extérieure, tentative de coup d'État- d'une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties et engagera un devoir d'assistance et de secours de toutes les autres parties. Et la riposte, avec des résultats probants, aux attaques des groupes djihadistes en est l'illustration.

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Les autorités militaires vont au-delà de ce changement géo-politique. Elles sont passées à la vitesse supérieure pour se lancer à l'assaut du pacte économique colonial. Les 24 et 25 novembre à Bamako (Mali), les trois pays ont décidé « d'impulser une nouvelle dynamique de coopération stratégique » pour « l'indépendance économique et l'intégration de l'espace du Liptako-Gourma ».

De ce fait, de très grands projets structurants sont à l'examen pour d'une part, rompre avec la dépendance sous-régionale ou internationale et les sanctions punitives, et d'autre part, engager le développement et l'industrialisation des pays pour assurer leur souveraineté. Et ils sont nombreux.

Nous citerons, entres autres, la création d'une véritable union économique et monétaire pour la mise sur pied d'un fonds de stabilisation et d'une banque d'investissement, la naissance d'une compagnie aérienne commune et le développement du projet de réseaux routiers, ferroviaire et fluvial, la réalisation des projets de centrale nucléaire civile à vocation régionale, les dispositifs de sécurité alimentaire communs à travers des organes dédiés (stock de sécurité alimentaire, système d'alerte précoce, observatoire des marchés agricoles), la construction des abattoirs modernes pour l'exportation de la viande (non plus sur pied) et produits dérivés, le renforcement et la construction des projets d'infrastructures (barrages, périmètres pastoraux, parc de vaccination du bétail…).

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Cette mutualisation envisagée des forces au Sahel jure avec le sauve-qui-peut de la CEDEAO, où chaque pays prêche pour sa propre chapelle. Et elle pourrait annoncer un tsunami avec le retrait très prochain des pays de l'AES de l'UEMOA et donc de la BCEAO, et finalement de la CEDEAO.

D'où la panique générale à l'organisation ouest-africaine avec le branle-bas de combat. Car quand on fait son lit, on se couche.

F. M. Bally

Written by Ferro Bally

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