La CPI, une cour pour juger les autres

Le conseil de sécurité de l'ONU où siègent les Etats-Unis, la Russie et la Chine n'ont pas signé le statut de Rome, de la CPI.

«Les États-Unis utiliseront tous les moyens nécessaires pour protéger nos concitoyens et ceux de nos alliés des poursuites injustes de la part de cette cour illégitime», avait prévenu en septembre 2018 John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis sous Donald Trump, avant de menacer : «Nous prendrons des mesures de rétorsion contre la et son personnel dans le cadre de la législation des États-Unis. Nous allons interdire à ces juges et au procureur l'entrée aux États-Unis. Nous allons prendre des sanctions contre leurs avoirs dans le système financier américain, et nous allons engager des poursuites contre eux dans notre système judiciaire». John Bolton était allé jusqu'à traiter la CPI de cour  » inefficace, irresponsable et carrément dangereuse »

Malgré ces menaces, la cour d'appel de la (CPI) avait autorisé en 2019 le procureur à enquêter sur de possibles crimes de guerre en Afghanistan qui auraient été commis par les soldats américains. La réaction des américains fut immédiate.

«Si tu es responsable de l'enquête envisagée par la CPI sur le personnel américain en relation avec la situation en Afghanistan, tu n'es plus autorisé à entrer aux États-Unis. Nous sommes déterminés à protéger le personnel militaire et les citoyens américains contre des poursuites injustes pour les actions entreprises pour défendre notre grande nation.  » avait réagi , secrétaire d'Etat américain de l'administration Trump qui avait aussitôt annoncé  » une politique de restriction de visas américains contre les personnes directement responsables pour toute enquête de la CPI contre des militaires américains».

LIRE AUSSI: Ces 27 pays démarrent le ramadan 2023 ce jeudi

Contre toute attente, en avril 2019, la CPI renonçait à ses enquêtes parce que, selon elle, elles ne serviraient pas « les intérêts de la justice « .

En mai 2019, après la présentation du rapport annuel du Bureau du procureur Fatou Bensouda devant le Conseil de sécurité de l'ONU. le vice-ambassadeur russe à l'ONU, Gennady Kuzmin, réagissant à cette décision des juges d'abandonner les enquêtes, avait émis des doutes sur la capacité de la CPI à restaurer sa réputation ternie .« Chaque année, la CPI devient un acteur de moins en moins important sur la scène internationale. Il n'y a pas d'élan dans ses enquêtes, ni de résultats (…)Ma crainte est qu'après un verdict aussi élégant décrivant les « intérêts de la justice » au sens où l'entend la CPI, elle ne pourra jamais restaurer sa réputation.» s'était-il inquiété.

Il faut dire que les américains et les russes n'ont pas ratifié le traité de Rome qui institue la Cour Pénale Internationale. Les États-Unis, sous l'administration Clinton, avaient pourtant participé à sa création en 1998, mais n'ont fait que manifester une hostilité grandissante à son égard, au point où, avant même son entrée en fonction en juillet 2002, ils ont renoncé en mai 2002 à ratifier le traité de Rome, estimant que ce tribunal international parce qu'il est censé n'être redevable envers aucune autorité, pourrait être au-dessus des tribunaux américains, ce qui leur poserait un problème de souveraineté.

LIRE AUSSI: Accident d'un car sur l'axe Bouna-Bondoukou 27 victimes

Pourtant les américains, et les russes aussi, il ne faut pas l'oublier, restent impliqués dans la saisine de cette cour qu'ils récusent car la CPI peut exercer sa compétence dans trois cas : 1- Si la personne mise en accusation est un national d'un État membre. 2- Si le crime supposé est commis sur le territoire d'un État membre. 3- Si l'affaire lui est transmise par le Conseil de sécurité des Nations unies où siègent les USA et la Russie

Et c'est ici qu'intervient le problème car les États-Unis qui, au contraire des russes, sont souvent actifs pour faire juger les autres par la CPI, siègent au conseil de sécurité de l'ONU. Et la question qu'on se pose est celle de savoir comment on peut considérer qu'une cour est illégitime, refuser donc logiquement d'être jugé par cette cour et , malgré tout, utiliser cette même cour pour juger les autres. Une autre question : comment peut-on se réjouir de voir les autres être poursuivis par cette cour alors qu'on la juge  » inefficace, irresponsable et carrément dangereuse » car Joe Biden , le président américain s'est bien réjoui du mandat d'arrêt contre le président russe Vladimir Poutine.

LIRE AUSSI: Peine réduite pour les militants du PPA-CI en prison

Rappelons que c'est le conseil de sécurité de l'ONU où siègent les Etats-Unis, la Russie et la Chine qui n'ont pas signé le statut de Rome, qui avait saisi la CPI dans le cas du président Omar El Bechir du Soudan.

Mais finalement , ce qui surprend le plus, c'est le manque de réaction des pays signataires du statut de Rome. Les Etats-Unis qui n'ont pas ratifié le statut de Rome qui institue la CPI, peuvent donc sanctionner les fonctionnaires de cette cour parce qu'ils refusent qu'elle juge des américains, tout en gardant la possibilité au Conseil de Sécurité de l'ONU, de mettre en mouvement cette même CPI qu'ils récusent. Il y a vraiment là quelque chose de difficilement compréhensible, de cynique même.

Written by Alexis Gnagno

Eléphants de Côte d’Ivoire: Sébastien Haller honoré

Le navire de croisière MS INSIGNIA au port d’Abidjan