Pour Saïd Penda, les propos de Guillaume Soro devant la Chatam House à Londres, le 8 novembre 2019, sont tout simplement insultants pour les Ivoiriens.
Le 8 Novembre 2019, s'exprimant à la Chatam House, siège du Royal Institute of International Affairs (RIIA), un Think Thank britannique fondé en 1920, Guillaume Soro a fait une déclaration que je trouve particulièrement insultante, à la fois pour les Ivoiriens, mais aussi pour les Africains en général.
Ce qui a suscité le courroux de Soro Guillaume, c'est la déclaration du directeur exécutif du parti présidentiel affirmant que « le RHDP a plus de 3.750.000 électeurs ». D'abord sur la forme, là où le directeur exécutif du RHDP, Adama Bictogo parle d'électeurs, l'ancien président de l'Assemblée Nationale, à qui je veux bien accorder le bénéfice du doute de la précipitation, compare les chiffres donnés par M. Bictogo à ceux des adhérents officiellement annoncés par certains grands partis européens. Il cite notamment les 500 mille adhérents du Labor (parti travailliste britannique) et la République.
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En Marche de Macron, qui revendique 400.000 adhérents. Volontairement (ce qui serait profondément malhonnête) ou par précipitation (ce qui dénoterait d'une impardonnable légèreté), M. Soro aurait plutôt dû comparer le nombre d'électeurs revendiqués par le RHDP d'Alassane Ouattara aux scores réalisés récemment par ceux des formations politiques européennes qu'il a décidé de choisir comme modèle. Chacune de ces formations a récemment recueilli plus de dix millions de voix lors de récentes consultations locales ou nationales.
On ne saurait, dans une démarche qui se voulait scientifique, comparer le nombre d'électeurs potentiels d'une formation politique, avec celui des adhérents d'une autre. C'est comme si, pour comparer la cherté de la vie, on faisait le parallèle entre le prix de la tomate en Côte d'Ivoire avec celui de la pomme de terre au Ghana. Ce n'est pas la même denrée. La méthodologie comparative de Soro est donc biaisée, si elle ne trahit pas plutôt une carence intellectuelle.
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Mais c'est surtout dans le fond que je trouve le discours de Soro sur cette polémique qu'il a voulu créer insupportable et intolérable, car insultant pour l'Africain que je suis. La démarche de Soro consiste simplement à affirmer que c'est l'Occident qui définit la norme. « Si vous, les extraordinaires occidentaux, ne revendiquez pas telle chose, l'Afrique est mal fondée à dire mieux ». Quelle injure ! Quel mépris à la Côte d'Ivoire et à l'Afrique entière !
En réalité, à l'exception de l'obédience Gbagbo du fpi (« front national ivoirien ») qui conserve encore une base militante, toutes les autres formations sont de véritables nains politiques à côté du RHDP. En dehors du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix, aucune autre formation du pays ne peut rassembler plusieurs centaines de milliers de personnes pour une manifestation sous sa seule étiquette.
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Devenu une simple coquille vide, le PDCI de Konan Bédié est réduit à s'allier l'image de Gbagbo pour espérer attirer du monde. A l'opposée, le dernier grand rassemblement des Houphouëtistes d'Alassane Ouattara a donné une belle illustration de la popularité de ce parti. Ils étaient entre 200 mille et 300 mille personnes, selon les sources, à se serrer dans le stade Houphouët Boigny et dans toutes les rues adjacentes.
Alors oui, et n'en déplaise à Soro Guillaume, le parti présidentiel ivoirien occupe désormais une position de parti dominant, comme c'est le cas de l'ANC en Afrique du Sud ou du FLN en Algérie. Ce qui caractérise les partis dominants, c'est qu'ils rassemblent généralement entre 55% et 65% de l'électorat, ce qui les rend tout simplement imbattable. C'est à peu près le score du RHDP aux dernières élections municipales et régionales de l'année dernière, et son score à la présidentielle de l'année prochaine devrait se situer dans la même fourchette et lui assurer une victoire au 1er tour.
A côté d'un parti aussi dominant, l'ancien président de l'Assemblée Nationale Ivoirienne apparaît dès lors comme un épiphénomène qui a encore du chemin à parcourir pour amorcer sa mue, de micro-force politique en réelle mouvement que les autres acteurs pourraient prendre au sérieux.