La succession de Bédié décédé le 1er août 2023 est ouverte au PDCI et les échanges commencent à se muscler pour tourner au vitriol. Tidjane Thiam en cours. Une analyse de Ferro Bally.
Des trois militants, qui ont officiellement fait acte de candidature, un est particulièrement au centre de la polémique: Tidjane Thiam ou TT. Il est autant bien l'objet de controverses que de passions.
De même qu'il est porté au pinacle par ses indécrottables admirateurs, de même il est descendu en flammes par ses irréductibles adversaires. Et TT assume à la fois le destin de la pierre angulaire et de la pierre rejetée.
De ce fait, il apparaît clairement comme la pierre d'achoppement aussi bien pour les hautes responsabilités à la tête du PDCI-RDA que pour la présidentielle ivoirienne du 25 octobre 2025.
Comme au référendum sur l'adoption de la nouvelle Constitution créant, en 2000, la IIè République, TT peut, à l'instar d'Alassane Dramane Ouattara, tenir ce même discours: « La loi me vise mais ne me concerne pas. »
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En effet, il se dessine un péril d'affrontement politique et moral dans le PDCI-RDA et dans la nation. Pour prétendre diriger l'ancien parti unique, le 16 décembre prochain à l'issue du 8è Congrès extraordinaire, tout candidat doit remplir six conditions dont une se trouve au centre d'âpres discussions entre anti- et pro-TT: « Avoir été membre du Bureau politique pendant au moins dix ans. » C'est évoquant cette disposition, qui les élimine, que Thierry Tanoh et Jean-Louis Billon ont jeté l'éponge.
Les adversaires de TT excipent de son inéligibilité au regard de sa situation au parti. S'il a intégré, pour la première fois, le Bureau politique au 10è Congrès ordinaire, en 1996, il n'aurait plus été membre de cet organe à partir des assises du 11è Congrès ordinaire, en 2002. Et c'est seulement le 6 mai 2023 que Bédié l'a, de nouveau, coopté au Bureau politique. Cela suffirait pour que, légalement, il soit déclaré forclos.
Ce n'est naturellement pas l'avis des partisans de TT, qui dénoncent un juridisme abscons. Ils arguent que, sauf décès, démission ou empêchement absolu, l'entrée au Bureau politique est à vie.
Car, renchérissent-ils, TT n'a pas été le seul promu le 6 mai 2023. Sur les 2.271 membres de cette instance, figurent tous les pontes du parti, notamment Bédié lui-même, Gaston Ouassenan Koné et Émile-Constant Bombet.
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Face à un texte apparemment flou que chaque camp interprête à son avantage, le collège électoral, qui a à charge de sélectionner les candidatures, a la lourde tâche de trancher dans un contexte très difficile.
Noël Akossi Bendjo, candidat à la candidature et condamné, en juillet 2019, à 20 ans de prison ferme et 5 ans de privation de ses droits, ne jouit pas de ses droits civils et politiques, comme exigé par le code électoral interne, et est frappé d'inéligibilité.
De son côté, Maurice Kacou Guikahué, le secrétaire exécutif en chef, est libre de ses mouvements depuis janvier 2021. Mais, il reste placé sous une épée de Damoclès: le contrôle judiciaire; ce qui fait de lui un pion fragile et à portée de main du régime en place dans sa volonté affichée d'affaiblir le parti.
Et le PDCI-RDA, qui rêve de revenir au pouvoir en 2025, risque, avec tout ce mic-mac, de se retrouver dans l'impasse. Pour cette perspective, une unanimité apparente se dégage autour de TT. Les militants, dans leur immense majorité, écartent l'hypothèse de David contre Goliath pour envisager le combat de gladiateur contre gladiateur.
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Tous se convainquent que, parmi tous, TT est l'homme qu'il faut à la place qu'il faut. Haut fonctionnaire international, rompu aux arcanes des institutions financières et des assurances internationales, il est une perle rare capable d'affronter victorieusement « l'indéboulonnable » Alassane Ouattara ou son dauphin.
Dans ce cadre, Guikahué et Bendjo déclarent renoncer à la course à la magistrature suprême s'ils prenaient la tête du PDCI-RDA, afin que le président du parti ne soit plus le candidat naturel.
Mais, car il y a un gros mais, quel sera l'avenir de cet effet d'annonce une fois la première étape franchie!? On se rappelle encore que l'accord non écrit n'a pas fait prospérer l'appel de Daoukro, en septembre 2014, de Bédié pour un retour du parti en 2020 au pouvoir. Et le parti a claqué la porte du RHDP.
Soro Kigbafori Guillaume vit aujourd'ui en exil. Il est entré en dissidence ouverte contre Ouattara qui ne lui aurait pas retourné l'ascenseur de sa rébellion armée contre Laurent Gbagbo, pour viser plus haut que la primature. En politique, le double langage est la règle et la parole n'est jamais donnée au point que du côté de TT, c'est la prudence.
De plus, se dresse devant ce candidat idéal du PDCI-RDA un obstacle: la Constitution. L'alinéa 3 de l'article 55 nouveau dispose: « Le candidat à l'élection présidentielle doit jouir de ses droits civils et politiques et doit être âgé de 35 ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d'origine. »
TT ne répond pas à cette dernière conditionnalité. Il est présenté comme un Ivoiro-Français. Mais le tour peut être rapidement joué. Ou les traces de cette bi-nationalité peuvent être très vite effacées comme cela a été le cas de la supposée nationalité voltaïque du fonctionnaire du FMI Alassane Dramane Ouattara dans les colonnes de Jeune Afrique. Ou alors, TT renonce librement à la nationalité française.
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Cette dernière hypothèse va alors poser la question de la légitimité et de l'éthique dans cette aventure et cette ambition personnelle de TT. N'ayant jamais participé à la vie du PDCI-RDA sur le terrain et absent du pays depuis le coup d'État militaire du 24 décembre 1999, son cas défraie la chronique.
Aussi, les Thierry Tanoh et JL Billon assistent-ils à distance à la guerre d'usure et, en embuscade, affûtent-ils leurs armes en attendant la Convention destinée à désigner le candidat du PDCI-RDA. Au milieu des faux pas et des peaux de banane, la partie est loin d'être gagnée.