Affaire Russie en Afrique: Ahoua Don Mello recadre Macron, « si les Africains sont manipulables, la France est mieux placée pour le savoir »

Ahoua Don Mello apporte une réponse à Macron qui dénonce une manipulation des Russes et de Wagner en Afrique. Explication.

Cette interview a été réalisée par le journaliste Ferro Bally.

Justement, la France dénonce une manipulation des opinions par les Russes et les manœuvres de l'opérateur privé russe Wagner dont les actes de violation des droits de l'homme seraient suffisamment documentés en Centrafrique. Qu'en pensez-vous ?

Si les Africains sont si facilement manipulables, la France est mieux placée pour le savoir. C'est le même peuple qui a applaudi l'armée française en 2013 qui la désavoue aujourd'hui. Doit-on conclure qu'en 2013, c'est la France qui a manipulé l'explosion de joie des Maliens ? Non !

Le peuple malien a tout simplement pris conscience qu'il est le détenteur exclusif de la souveraineté du Mali. Il sait féliciter ou sanctionner ses dirigeants ou ses partenaires. C'est ainsi qu'il faut analyser le comportement du peuple malien.
Il y a eu des erreurs dues à des stratégies inadaptées, des agendas cachés et des traumatismes dus aux dégâts collatéraux causés par l'opération Barkhane.

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Accuser les Russes et Wagner en instrumentalisant les droits de l'homme sans prendre conscience de ses propres erreurs et de son propre palmarès sur les violations des droits de l'homme de l'armée française et ses mercenaires en Afrique, c'est se priver d'un retour d'expérience qui peut entraîner d'autres échecs et reproduire ailleurs le sentiment anti-français. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets en Côte d'Ivoire et en Centrafrique. Cette stratégie d'autosatisfaction et de diabolisation de la Russie ne sert ni la lutte contre le djihadisme ni l'intérêt de la France en Afrique. Le peuple africain n'est pas amnésique, ni privé d'intelligence. Par conséquent, les autorités françaises ont intérêt, vis-à-vis des Africains, à cesser d'instrumentaliser les droits de l'homme.

L'occasion me permet de présenter l'ensemble des PMC (Private Military Company) français qui ont opéré et opèrent encore aujourd'hui en Afrique comme protecteurs des alliés françafricains ou déstabilisateurs professionnels des Etats africains irrespectueux de l'ordre françafricain.

La France n'a été qu'un bon élève des PMC anglophones massivement utilisés en Afghanistan et au Moyen-Orient, dominés par des sociétés comme Vinnell, DynCorp, MPRI, Sandline, Kroll, Task, Cubic, AirScan…Leur particularité est que les soldats morts sont des inconnus des Etats et n'ont donc pas d'effet sur les opinions publiques occidentales. Les PMC français sont, comme l'affirment les dirigeants de Secopex, une PMC française «une alternative au savoir-faire anglo-saxon représenté par les multiples SMP (sociétés militaires privées) américaines ou britanniques».

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L'ombre des mercenaires free-lance comme Bob Denard et des sociétés militaires privées à la française n'ont fait que recycler les militaires français d'Afrique pendant la période coloniale et de la période post-guerre froide. C'était l'époque des Schramme, Tavernier, Hoare et autres Denard. Réprimées par les Nations unies et l'Organisation de l'unité africaine en 1977 puis en 1989, leurs activités ont été camouflées sous des sociétés offrant des services d'intelligence économique et de sécurité sans changer d'habitudes.
Du Katanga aux Comores, en passant par le Biafra, il n'est pas rare de retrouver les mêmes baroudeurs, les mêmes officiers de réserve, les mêmes ex-sous-officiers des paras commandos belges ou de la légion étrangère. Le Français Bob Denard avait profité de la création, en 1978, de la garde présidentielle comorienne, pour se doter d'une base arrière permanente, d'un noyau stable de mercenaires et de ressources financières appropriées.

L'équipe du mercenaire français lui a permis de tenir onze ans et de mettre sur pied plusieurs opérations périphériques (Tchad en 1981-1982). L'expérience comorienne de Bob Denard a tourné court au moment où les Anglo-Saxons structuraient le milieu du mercenariat free-lance et créaient les premières grandes sociétés militaires privées. Après la guerre froide, les grandes armées ont massivement démobilisé. Des milliers d'hommes, formés, expérimentés mais sans grand avenir professionnel civil, se sont tournés vers l'industrie de la sécurité comme les britanniques DSL et Sandline. Les grandes nations ont également commencé à réduire leurs budgets militaires et à pratiquer l'externalisation, voire à privatiser des missions jusque-là traditionnellement du ressort des forces armées nationales.
Certains de ces hommes ont longtemps été liés aux services secrets français et proposent leurs services à de grandes entreprises ou à des États africains et moyen-orientaux.

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Quelques trajectoires en guise d'exemples : Paul Barril, dont les employés ont fait parler d'eux à l'automne 2002, lors de la crise en République centrafricaine. L'ancien gendarme a créé le Groupe Barril Sécurité après une belle carrière au sein du GIGN. Le Groupe Barril Sécurité fédère plusieurs sociétés : Barril Investigation, Protection Conseil Sécurité, Groupe privé Barril, Activités sécuritaires, Security Action Store, «Haute protection». Le Groupe Barril Sécurité propose plusieurs types de prestations : audit et détection d'écoutes, protection rapprochée, investigations, ingénierie, gestion de crise. Parmi les crises, Paul Barril cite «campagne médiatique de médisance, chantage, menace, séquestration, disparition, enlèvement, problèmes judiciaires, risques terroristes, formation et recrutement…».

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Written by Ahoua Don Mello

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