PPA-CI: Ahoua Don Mello dresse le bilan des élections municipales et régionales 2023

Ahoua Don Mello, vice-président du Parti des peuples-africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI).
Ahoua Don Mello, vice-président du Parti des peuples-africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI) © Crédit photo DR

Ahoua Don Mello, cadre du PPA-CI de Laurent Gbagbo, depuis le Sénégal, fait un le bilan des élections municipales et régionales 2023.

Le 02 septembre 2023, la Côte d'Ivoire a organisé des élections locales, municipales et régionales couplées. A cette occasion, les trois grands partis : PPACI (Parti des Peuples Africains Côte-d'Ivoire de ), PDCI (Parti Démocratique de Côte d'Ivoire de Félix HOUPHOUET-BOIGNY et de Henri KONAN BEDIE), (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix de Alassane OUATTARA) ont aligné des candidats. Les résultats ci-dessous, les uns dans le Sud et les autres dans le Nord, illustrent parfaitement le bilan national

L'analyse de ces élections montre le faible taux de participation enregistré au cours du scrutin dans le sud et le contraire dans le nord.

Comment expliquer ce contraste ?

LE TAUX DE PARTICIPATION

A Abidjan, le taux de participation varie de 19% à 30%, avec une exception à Songon où le taux de participation est de 36.88%. Cette faible participation traduit, d'une part, la faible mobilisation de l'électorat de l'opposition et, d'autre part, une forte mobilisation de l'électorat du RHDP. C'est ce qu'on observe dans le PORO, un des fiefs du RHDP où le taux de participation atteint 94%. Il en est de même dans les quartiers des communes du Sud favorables au RHDP.

Dans cette région et dans ces quartiers, le taux de participation varie de 40.87% à 94.43%. L'échec du PPACI (6 communes remportées, dont deux exclusivement PPACI sur un total de 201 communes) a donc deux causes : l'une externe et l'autre interne.

a/ Les causes externes

Sur le plan externe, le recul de la démocratie sous le régime RHDP est une conséquence du sectarisme politique pratiqué par ce parti, dont le texte fondateur a été la charte du Nord.

Le sectarisme se manifeste par l'exclusion qu'ils nomment eux-mêmes, sans se préoccuper du conflit avec la loi fondamentale, par le concept de « rattrapage ethnique » qui consiste à tribaliser l'Etat et se manifeste par la politique des « tabourets » qui permet d'écarter un citoyen de l'emploi public ou d'un marché public pour non allégeance au RHDP. Le sectarisme transforme les services publics en section du RHDP et les marchés publics en butin de guerre pour ceux qui signent ces marchés, et leurs alliés.

La Commission Electorale Indépendante (CEI) alimente également ce recul démocratique. Car dans les faits, la CEI se comporte comme une section du RHDP qui impose à la minorité d'observateurs non RHDP, sa volonté. Elle est donc plus un adversaire dans le jeu électoral qu'un arbitre. Imaginons un match de football où l'arbitre est choisi parmi les joueurs du camp adverse !

C'est ce qui explique que la liste électorale soit devenue un accordéon qui s'allonge dans les fiefs du RHDP et se rétrécit dans les fiefs de l'opposition. Les exemples les plus marquants sont la délivrance de la nationalité ivoirienne à des milliers de prétendants sur la base d'une simple déclaration. Ces nouveaux Ivoiriens deviennent ensuite des électeurs à part entière. Un autre exemple est l'exclusion de Laurent GBAGBO de la liste électorale. De même, de nombreux ivoiriens sont absents sur cette liste: 65% des jeunes entre 18 et 35 ans ne sont pas sur la liste électorale.

En outre, le caractère partisan de la CEI impacte les résultats des votes qui apparaissent souvent comme des actes de magie sur un écran de tablette n'ayant aucun lien avec les procès-verbaux sortis des urnes.

Enfin, la culture de la rébellion induite par le mode d'accession au pouvoir d'Etat du RHDP, a de fait, remplacé les valeurs idéologiques et patriotiques (Union, discipline, travail) par l'enrichissement illicite et rapide. Ce qui a eu pour conséquence, la dévalorisation de l'école au profit de la rue qui sécrète une jeunesse qui se détourne de la politique et est en conflit avec la loi et les valeurs patriotiques.

Bref, en Côte d'Ivoire, sous la gouvernance du RHDP, l'union a fait place à la division, l'incivisme a remplacé la discipline et l'enrichissement par tous les moyens( « broutage », orpaillage illicite, corruption, escroquerie, vol et trafic de drogue) a remplacé le travail. Le militant ne milite plus que s'il est pris en charge, et l'électorat ne se mobilise plus qu'à condition d'y trouver un intérêt financier immédiat.

Les moyens financiers et matériels de l'Etat mis au service des candidats du RHDP ont donc fait la différence. Ils ont permis au régime de financer l'inscription de ses électeurs sur la liste électorale et de les mobiliser pour atteindre des taux de participation records. Quant à la gauche, exclue des emplois publics et des marchés publics et longtemps absent du terrain électoral, il lui a été impossible d'utiliser les mêmes arguments que le RHDP, d'où la faible présence sur la liste électorale et la faible mobilisation de ses partisans.

b/ Les causes internes

Comme un cancer, la culture de la division qui a servi d'idéologie fondatrice du RHDP, se propage dans tous les compartiments de la société depuis son accession au pouvoir, y compris au sein de la gauche, des syndicats jusqu'aux coopératives, en passant par les autres partis d'opposition, sans même épargner les chefferies traditionnelles.

Les partis de l'opposition apparaissent d'ailleurs clairement plus comme des opposés entre eux que comme des opposants au régime en place. Ils se neutralisent; ce qui laisse la société civile sans défense.

Au surplus, la locomotive de la lutte qu'est le PPACI est en construction dans un tel environnement de recul démocratique, de division, de déficit idéologique et patriotique. Ce qui a des conséquences sur l'attractivité du parti et les rapports internes à l'opposition.

L'insuffisance structurelle du PPACI en construction entraîne ainsi un déficit en matière de couverture du territoire et des difficultés de pénétration de sa base sociale que sont les paysans, les commerçants, les artisans, les entrepreneurs, les travailleurs des secteurs public et privé, les jeunes scolarisés et déscolarisés. Cette base sociale est éparpillée dans plusieurs organisations qui se neutralisent.

Pour y remédier, il est urgent de procéder à un réarmement idéologique et patriotique des militants par la construction d'un nouveau rêve, condition nécessaire pour recréer un nouvel environnement idéologique et patriotique propice. Un tel réarmement aidera à rendre plus

attractive la gauche et à décloisonner l'opposition, ainsi que la société civile pour une communauté de destin.

Ce réarmement idéologique a pour logiciel le manifeste fondateur du PPACI qui éclaire sur le contexte historique, les réussites et les échecs de la gauche ivoirienne et les perspectives que le militant a le devoir de connaître et de s'approprier pour en faire une large diffusion au sein de la société. Ce texte fondateur structure l'idéologie du PPACI sur quatre piliers fondamentaux : la démocratie, la souveraineté, le socialisme et le panafricanisme.

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LA DEMOCRATIE :

En 1990, la Côte d'Ivoire accède au multipartisme ; c'est-à-dire aux libertés publiques et à l'avènement du gouvernement du parti, par le parti et pour les partisans. Il restait alors à conquérir la démocratie. Car le multipartisme n'est pas la démocratie. La démocratie se définit comme le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple avec une égalité des citoyens devant l'administration, la justice et les marchés publics.

La construction de la culture démocratique sous l'impulsion de la gauche ivoirienne au lendemain du multipartisme, s'est heurtée au logiciel du parti unique avec pour conséquence le développement de la culture d'exclusion.

La transition militaire de 1999 avait pourtant permis l'alternance en 2000. Ainsi, sous la direction de Laurent GBAGBO, a été lancé le processus de démocratisation de la Côte d'Ivoire qui s'est brisé en 2002 sur les murailles de l'armée Française. Elle a préféré armer une rebellion contre l'Etat et désarmer l'Etat par un embargo en violation des accords de défense. En 2011, l'armée française décide de sortir Laurent GBAGBO du palais présidentiel pour installer OUATTARA.

Cette expérience a mis en évidence l'incompatibilité d'un processus démocratique avec la présence de l'armée française sur le sol ivoirien.

Ainsi mû par les intérêts de la France, le régime de OUATTARA a immédiatement entamé un rétropédalage du processus démocratique et s'est lancé dans une politique de croissance par endettement extérieur qui ne profite qu'à l'extérieur. Nous avons donc de nouveaux ponts, de nouvelles routes construites par des entreprises extérieures au profit de l'extérieur, selon des contrats de gré à gré dont le montant des marchés pue la corruption.

La conséquence immédiate est que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres et les signataires de marchés de plus en plus riches. Selon le PNUD, en 10 ans, 40% des plus pauvres ont vu leur revenu baisser de 7.5% du revenu total à 7%, et les 10% les plus riches ont vu leur revenu augmenter de 49% à 54%.

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Malgré une croissance qui est restée supérieure à 7%, la Côte d'Ivoire est passée du rang de deuxième puissance économique de l'Afrique de l'Ouest à celui de la 3eme puissance économique depuis 2012, derrière le Nigéria et le Ghana, avec une croissance extravertie. Cette situation a des conséquences socio-économiques graves. Selon le PNUD, l'indice de développement humain qui mesure l'impact de la croissance sur le bien être de la population

place la Côte d'Ivoire au 6eme rang en Afrique de l'Ouest; après le Cap vert, le Ghana, le Nigéria, la Mauritanie et le Bénin.

En plus, le budget 2023 qui s'établit à 11 694.4 milliards de FCFA, est financé à hauteur de 4981 milliards de FCFA par endettement (soit 42%) dont 25% seulement de cette dette sert à financer des projets et le reste (3742.9 milliards de FCFA) sert à financer les intérêts et l'amortissement d'une dette improductive. Le Budget est ainsi passé d'un budget souverain sous Laurent GBAGBO à un budget sous perfusion sous le RHDP.

Ces chiffres montrent que la conquête de la souveraineté économique, financière et budgétaire est devenue une question de survie pour l'Etat de Côte d'Ivoire et des citoyens du pays, indépendamment de leur appartenance politique.

LA SOUVERAINETE :

La conquête de l'indépendance en 1960 a très vite été rétrocédée à la puissance coloniale avec des accords de coopération économiques et militaires qui faisaient des pays francophones des fournisseurs de matières premières et des supermarchés à ciel ouvert des produits français. En contrepartie, l'armée française était supposée assurer la défense des « territoires » concernés.

La conquête de la souveraineté économique par le président Laurent GBAGBO s'est traduite, dès sa prise du pouvoir en 2001, par l'adoption d'un budget sécurisé et d'un processus de désendettement de la Côte d'Ivoire, conditions nécessaires pour un développement du peuple par le peuple et pour le peuple par ses propres moyens. En revanche, la politique du contrôle de la commercialisation et la transformation des matières premières par les producteurs s'est heurtée aux intérêts de la France qui a chassé le régime GBAGBO du pouvoir après avoir étranglé le pays à travers la fermeture des banques, l'embargo sur les importations et exportations et le contrôle des secteurs stratégiques du pays (port, aéroport, télécommunication, électricité, eau, etc.).

Un pays sous perfusion

Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire croule sous le poids de la dette et vit sous perfusion de la dette, qui se rembourse par de nouvelles dettes et par l'augmentation des prix des produits de première nécessité ; ce qui entraîne l'appauvrissement de la population et l'inégale répartition des fruits de la croissance.

Expliquer l'augmentation actuelle des prix par l'augmentation des prix du pétrole sur le marché international dû à la crise ukrainienne est la façon la plus élégante de cacher son absence de souveraineté :

En effet, pour juguler la conséquence de la crise ukrainienne, l'Etat souverain de l'Inde a négocier un prix préférentiel avec la Russie, par une réduction de 30% du prix du pétrole par rapport au marché international. Non seulement l'Inde a pu limiter l'inflation mais a su tirer profit de la crise en évitant de s'endetter en dollar et en Euro par le mécanisme de paiement en monnaie locale du pétrole, ce qui est impossible pour des pays soumis à des accords de coopération monétaire avec l'occident. Cette facilité était accordée à tous les pays dits

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«Amis», dont tous les pays africains. Les pays africains non financièrement et monétairement souverains n'ont pas pu saisir cette opportunité et ont choisi d'étrangler leur peuple par l'inflation plutôt que de contrer l'inflation en élargissant leur coopération avec la Russie. Seuls quelques pays, dont l'Algérie ont saisi cette opportunité en Afrique.

La souveraineté économique permet le libre choix de ses partenaires financiers, commerciaux et économiques en fonction des intérêts de son peuple, dans un monde multipolaire qui offre plusieurs opportunités aux pays africains et est incompatible avec les accords monétaires, économiques et militaires signés au lendemain des indépendances.

Les instruments idéologiques privilégiés pour la conquête de la souveraineté économique sont le socialisme et le panafricanisme.

LE SOCIALISME ET LE PANAFRICANISME :

Né dans les années 1864 sous sa forme scientifique, le socialisme a connu un élargissement progressif de sa base sociale. D'instrument de conquête des droits sociaux des travailleurs et de leurs progénitures par le syndicalisme (éducation gratuite et obligatoire, santé pour tous, droit au logement etc.), il est devenu progressivement au fil des révolutions Russe et Chinoise et après la chute du mur de Berlin et de la deuxième révolution chinoise, un instrument de conquête et d'exercice du pouvoir au profit des travailleurs, des paysans, des artisans, des commerçants et des hommes d'affaires locaux baptisés oligarques par l'Occident.

Le socialisme complète et transcende la Social-démocratie en faisant de l'Etat, non pas uniquement un régulateur mais un incubateur d'entreprises et d'entrepreneurs locaux par le contrôle des secteurs stratégiques de l'économie, des finances, des banques et de la monnaie.

Le but de la souveraineté économique est de mettre fin à l'économie de l'exportation des matières premières et de l'importation des produits finis par la production sur place de tout ce que nous importons et par la transformation sur place de tout ce que nous exportons.

Il est impossible à un seul pays Africain de produire sur place tout ce qu'il importe. Par contre, toute l'Afrique a la capacité d'atteindre cet objectif pour une souveraineté collective, ce qui suppose une intégration des infrastructures et des transports compétitifs pour favoriser les échanges internes à l'Afrique et l'élimination de toutes les barrières qui font obstacle à la libre circulation des biens, des personnes, des capitaux et de l'information. La souveraineté économique pleine et entière n'est donc possible que dans un cadre panafricain. Le panafricanisme est ainsi une condition pour réaliser les objectifs de souveraineté économique.

CONCLUSION

Le procès de Laurent GBAGBO à la CPI a ouvert les yeux de tous les Africains puisqu'il a mis en évidence tout le mécanisme de domination du continent Africain. Le PPACI, né après la sortie de Laurent GBAGBO des hauts fourneaux de la Cour Pénale Internationale, a forgé un manifeste qui constitue la boussole pour un bel avenir de la Côte d'Ivoire dans une Afrique reconciliée avec elle-même.

Réarmer idéologiquement les militants du PPACI et les peuples Africains est donc le prix à payer pour mettre fin à toutes les divisions et rassembler les Ivoiriens et les Africains dans une communauté de destin, face à un monde multipolaire en construction où l'Afrique a le choix et ne doit plus être une victime expiatoire mais un acteur de son propre destin et celui de toute l'humanité.

Un peuple rassemblé devient un acteur et non une victime. Il a le pouvoir d'imposer sa volonté et de modifier toutes les institutions qui sont aujourd'hui, plus des sections du RHDP, que des institutions républicaines. Ainsi, la conquête de la démocratie, c'est-à-dire, du pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple passe par l'incarnation des valeurs patriotiques de la Côte d'Ivoire : Union, Discipline, Travail.

Written by Ahoua Don Mello

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Ahoua Don Mello, vice-président du Parti des peuples-africains – Côte d'Ivoire (PPA-CI)

« Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire vit sous perfusion de la dette » (Ahoua Don Mello)